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HERGÉ (1907 - 1983)
Tintin au Tibet
Estimate:
€100,000 - €150,000
Sold :
€158,752

Complete Description

Tintin au Tibet

Mine de plomb sur papier pour le

crayonné préparatoire de la planche 16

de cet album publié en 1960 aux éditions

Casterman. Prépublié dans le journal

Tintin n°53, 31 décembre 1958:

«Sur les routes du Népal,Haddock s’est

octroyé un petit réconfort liquide… »

53,5 × 36,5 cm.


La capitaine Haddock rêve. Du

moins, il ne délire pas, ce qui

constitue un net progrès par

rapport au Crabe aux pinces d’or,

où il brûlait les rames du canot à

bord duquel Tintin et lui avaient

quitté le Karaboudjan, ou par

rapport à la fin des 7 Boules de

cristal, lorsqu’attristé, il levait

son verre devant le portrait du

professeur Tournesol, et qu’il voyait

son ami sortir du cadre. Quelle idée

aussi d’abuser de son remontant

préféré avant de s’attaquer à

l’Himalaya. C’est un marin

courageux qu’aucune tempête

n’effraie, toujours prêt à aider

Tintin, mais parfois légèrement

déraisonnable.

Une remarquable séquence, dans

un album qui comporte des images

où l’on s’échappe, durant un temps

plus ou moins long, de la réalité :

Tintin qui, au début, fait un terrible

cauchemar, et croit entendre son

ami Tchang l’appeler à l’aide ; Milou,

ivre, qui choisit de ne pas écouter

les conseils de son ange gardien, qui

titube dangereusement et tombe à

l’eau ; le moine Foudre Bénie, qui

lévite et a des visions – Tintin au

Tibet est une aventure où certaines

choses ne s’expliquent pas, où les

croyances les plus personnelles

l’emportent sur le rationnel et

l’abattement.

Haddock et Tournesol sont vêtus

de costumes bizarres et tiennent

des propos incohérents, le tout dans

un décor surréaliste – un panneau

de sens interdit, des parapluies

comme s’il en pleuvait, un échiquier

avec un cavalier qui ressemble à

une vache sacrée. On ne sait pas

où l’on est, on ne sait pas où l’on

va, et on ne sait absolument pas

ce qui se passe. « Votre parapluie…

Mais si j’en ai toute une cargaison »

dit Haddock. « Vilain menteur !

Voici mon parapluie ! » lui répond

le savant. On dirait deux enfants

qui se chamaillent. Puis Tournesol,

qui a grandi, assomme Haddock,

qui a rapetissé. En trois cases,

Hergé désarçonne le lecteur – un

passage digne de Lewis Carroll et

d’Alice. Le trait est heureusement

plus sage, plus rassurant, que les

rêveries alcoolisées d’Haddock. Le

dessinateur, contrairement à son

personnage, hésite très peu et ne

tremble pas. Tout est déjà bien en

place : le capitaine qui commence

à tanguer, l’extravagant dialogue

de sourds avec Tournesol, le réveil

douloureux après avoir heurté un

arbre, Tintin qui s’inquiète pour son

ami et pose la main sur son épaule

pour le réconforter. Il faut insister

sur la dernière case, avec ces visages

surpris et ces points d’interrogation

esquissés : même à l’autre bout du

monde, ils doivent composer avec la

voix de la Castafiore – une épreuve

plus terrifiante qu’un face à face avec

le Yéti.

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