[Titre à double interprétation : " au grand con " par les dessins, et " au grand cœur " dans les légendes]
Exceptionnel album de 21 dessins originaux, daté " Toulon, 1931. Clinique " sur le premier plat de couverture. Soit 20 dessins sur 18 ff. (un sur chaque recto et 2 sur 2 versos) et un dessin sur le premier plat. L'ensemble forme un volume in-4 oblong relié en bradel de toile grège imprimée, gardes renouvelées.
La Vierge au grand cœur, une suite narrative en images légendées : elle comprend à proprement parler 13 dessins achevés et 5 esquisses. Les 3 autres dessins semblent postérieurs et n'appartiennent pas à la même thématique.
La Vierge au grand cœur, le chef-d'œuvre graphique de Cocteau : il le composa à Toulon à la fin de l'été 1931, alors qu'il séjournait en clinique, souffrant de la fièvre typhoïde - maladie qui avait déjà emporté Raymond Radiguet. Édouard et Denise Bourdet, amis de Tamaris (La Seyne-sur-Mer) connus par Giraudoux et Morand, ont raconté comment Cocteau, qu'ils allaient voir chaque jour à cette clinique, les égayait de ses dessins au fur et à mesure de leur achèvement.
Ce recueil présente un intérêt essentiel dans l'œuvre dessiné de Cocteau, comme étape artistique importante et comme témoignage sur le milieu mondain des années folles. Sous l'intention caricaturale, ces dessins revêtent encore un caractère réaliste marqué - permettant de reconnaître sans peine les personnages du tout-Paris fréquentés par Cocteau - tout en étant déjà marqué par un effort de stylisation proche du décalque, notamment dans le visage de la vierge.
Exécutés dans une veine expressionniste, les dessins de La Vierge au grand cœur égalent la férocité du trait d'Otto Dix et de George Grosz.
La Vierge au grand cœur compta parmi les œuvres majeures de l'exposition consacrée à Jean Cocteau par le centre Georges-Pompidou en 2004.
Un éclat de rire vengeur de Cocteau contre la cabale qui fit retirer son film Le Sang d'un poète. Cocteau s'était vu offrir un million de francs par Charles et Marie-Laure de Noailles pour réaliser un film en toute liberté artistique - ils avaient offert la même somme à Buñuel pour réaliser son film L'Âge d'or. Cocteau se lança dans la réalisation d'un projet audacieux : Le Sang d'un poète fut le premier film autobiographique et un des tout premiers conçus de façon purement cinématographique. Cocteau rencontra cependant une première difficulté au sujet d'une scène dans laquelle il avait invité des gens du grand monde à venir applaudir dans des loges de théâtre. Quand ceux-ci, après montage, s'aperçurent qu'ils applaudissaient à la mort d'un enfant, ils demandèrent le retrait du plan. Cocteau céda à contre-cœur et retourna la scène avec d'autres figurants. Par la suite, le scandale suscité par L'Âge d'or de Buñuel décida les Noailles à reporter la projection privée du film de Cocteau au 17 novembre 1930. Enfin, Lucien Daudet dévoila l'affaire de la scène des applaudissements, et le tout-Paris condamna alors le film sans toujours l'avoir vu - le comte de Beaumont, par exemple, retira son soutien à Cocteau, et la comtesse de Chevigné en profita pour dénoncer l'influence néfaste que cette " vilaine âme " de Cocteau aurait reprise sur sa petite-fille Marie-Laure de Noailles. Enfin les surréalistes, auxquels Valentine Hugo s'était ralliée, dénoncèrent à leur tour le film. Devant tant d'agitation, le préfet Chiappe interdit sa diffusion en décembre 1930, et Le Sang d'un poète ne fut autorisé en sortie publique que le 20 janvier 1932.
Un adieu irrévérencieux de Cocteau à la comtesse Laure de Chevigné, son ancienne amie alors brouillée avec lui. Laure de Sade (1859-1936), comtesse Adhéaume de Chevigné, descendait du divin marquis et de la Laure de Nove chantée par Pétrarque. Familière à Frohsdorf du comte de Chambord, prétendant au trône de France, elle tint un des salons aristocratiques les plus fermés de Paris, auquel toutefois des hommes de lettres comme Apollinaire eurent parfois accès. Femme au caractère brusque et excentrique, au visage hommasse, indépendante, paillarde à l'occasion, fumeuse, excellent fusil, la comtesse de Chevigné fut une des rares femmes du monde à sortir sans mari et la première à avoir dit " merde ", selon Paul Morand. Elle pouvait lancer à son vieux domestique, quand il osait la déranger : " Qu'é qu'y a encore, Auguste ? ".
La Chevigné a inspiré la Vierge au grand cœur à Cocteau et la duchesse de Guermantes à Proust. Marcel Proust avait voué depuis l'enfance une adoration platonique à Laure de Chevigné, lui adressant maintes lettres flatteuses, souvent non lues, et lui rendant parfois des visites, souvent éconduites. Il la prit pour modèle de la duchesse Oriane de Guermantes dans À la Recherche du temps perdu. Le jeune Cocteau habitait rue d'Anjou dans le même immeuble que la comtesse de Chevigné, et fit comme Proust tout son possible pour la fréquenter.
" [D'abord repoussé,] il apprit surtout à ne plus offusquer la virilité ombrageuse de celle qu'il surnomma le "caporal Pétrarque", comme à ne plus jamais contrarier ses goûts, péremptoirement faits de mille dégoûts, que la moindre familiarité enflammait [...]. Cocteau était sans doute moins dupe que Proust de son jeu, à voir la drôlerie des portraits qu'il fera de cette reine en pantalon, une fois qu'elle l'eût adoubé. " (Claude Arnaud, Jean Cocteau, Paris, Gallimard, 2003, p. 75).
Le succès de Cocteau fut bientôt complet :
" La comtesse débordant de gratitude pour quiconque se montrait capable, en l'amusant, de la sauver du spleen - et l'insolence électrique de Cocteau faisait merveille en ce domaine -, elle se l'était attaché comme chevalier servant. À l'Opéra, dans les dîners en ville, c'est un Cocteau très élégamment vêtu par Henry Pool et Charvet qui l'accompagnait désormais ; à l'ambassade d'Angleterre, se vantera-t-il, l'aboyeur en livrée les annonçait sous le titre flatteur de "comte et comtesse d'Anjou", du nom de la rue délimitant leur fief [...]. Ces faveurs insignes ne tardèrent pas à réveiller la jalousie du "petit Marcel", qui persistait inlassablement à courtiser leur amie commune [...]. Cocteau distrayait et rajeunissait, lui : à la Chevigné, il parlait moins de son passé que des gloires du jour, d'Anna de Noailles à Nijinski en passant par Diaghilev. " (ibid., p. 112).
Proust finit par traiter la Chevigné de " poule coriace " dans une lettre à Armand de Guiche le 17 juin 1921. Au mois d'août suivant, cherchant à savoir pour quelle raison la comtesse n'avait pas répondu à son envoi d'un volume de la Recherche, il interrogea Cocteau qui lui répondit : " On ne peut pas demander à un hanneton de lire l'histoire naturelle ".
Une amitié rompue. Quand Marie-Laure Bischoffsheim, petite fille de la Chevigné, déclara avant son mariage avec Charles de Noailles en 1923 qu'elle était amoureuse de Cocteau, la comtesse battit froid le poète car elle le soupçonna de vouloir s'intégrer à sa famille et la forcer à une mésalliance.
Le titre choisi par Cocteau parodie celui d'une pièce à succès sur Jeanne d'Arc, La Vierge au grand cœur, qui avait été créée par François Porché en 1925.
Les 13 dessins achevés de la Vierge au grand cœur ont été exécutés à l'encre de Chine, plume et pinceau, la plupart avec rehauts au lavis et un avec rehauts aux crayons de couleurs ; traits préparatoires à la mine de plomb. - Les 5 esquisses sont à la mine de plomb, avec rares reprises à la plume et à l'encre.
[1]. Valentine Hugo et la vierge.
Peintre, dessinatrice, illustratrice, conceptrice de décors et costumes, VALENTINE GROSS (1887-1968) fut l'amie d'Éluard, Ernst, Picasso, Satie, Stravinski, Valéry, et fut un temps l'épouse du peintre Jean Hugo, arrière-petit-fils de l'écrivain. Cocteau l'avait auparavant présentée à sa mère dans l'idée de fiançailles qui n'eurent jamais lieu. C'est elle qui introduisit Cocteau en 1915 dans les milieux avant-gardistes, qui lui fit rencontrer Picasso et Satie avec qui il créa le ballet Parade en 1917. Valentine réalisa en 1921 les costumes du ballet Les Mariés de la tour Eiffel écrit par Cocteau, et elle hébergea un moment Raymond Radiguet auquel elle inspira largement le personnage de madame d'Orgel dans Le Bal du comte d'Orgel. Cependant, elle se rapprocha progressivement du groupe surréaliste, hostile à Cocteau, et y adhéra en 1934.
[2]. Jacques-Émile Blanche peignant un portrait de la vierge.
Légende en vis-à-vis, au verso du f. précédent :
" La Vierge au grand cœur accepte d'être immortalisée par Jacques-Émile. "
Légende autographe dans un phylactère faisant dire à Blanche :
" Sa mère est partie pour Rome à genoux, demander sa grâce au très saint Père. "
Après le scandale de L'Age d'or de Buñuel, film à caractère fortement anticlérical, la rumeur fut lancée par le journal satirique nationaliste Aux écoutes que Charles de Noailles était menacé d'excommunication et que sa mère la princesse de Foix (pourtant protestante) était allée plaider sa cause au Vatican.
Fils du célèbre aliéniste, JACQUES-ÉMILE BLANCHE (1861-1942) avait déjà peint le portrait de la mère de Jean Cocteau, et rencontra celui-ci en 1912. D'abord étonné par sa fragilité et sa volubilité, Blanche fut bientôt impressionné par ce " phénomène " hyperactif et inventif et fit également son portrait en cette même année 1912. Cocteau devint un habitué de l'atelier de Blanche, à Passy, et de sa maison à Offranville - où il écrivit maints poèmes, dessina sa série des " Eugènes " (publiés dans la revue Le Mot), et croisa proust ou Edith Wharton.
[3]. Coco Chanel, Misia Sert et la vierge.
Légende en vis-à-vis, au verso du f. précédent :
" La vierge au g. c. annonce à Coco et à Misia que Jean est expulsé de France. Elle ajoute : l'avai-je assez prédit ? "
Grande amie et ange-gardien de Cocteau depuis la fin de la Première Guerre, GABRIELLE CHANEL (1883-1971) l'aida fiancièrement en de très nombreuses occasions : elle fit appeler à sa demande le médecin qui assista Raymond Radiguet dans ses derniers instants, paya la cure de désintoxication que Cocteau suivit de décembre 1928 à mars 1929 dans une luxueuse clinique de Saint-Cloud, lui prêta un appartement rue Cambon vers 1928, une maison à Roquebrune en 1929, paya plusieurs de ses ardoises d'hôtel dans les années 1930... Coco Chanel exerça également une profonde influence artistique sur lui, le tirant vers plus de sobriété et de netteté, à l'inverse de Christian Bérard. Elle réalisa par ailleurs directement les costumes de plusieurs des pièces de Cocteau, comme Antigone (1922), Orphée (1926), La Machine infernale (1934) ou Les Chevaliers de la table ronde (1937).
Amie de Bonnard, Mallarmé, Toulouse-Lautrec, Renoir, Vallotton, Vuillard, MISIA GODEBSKA (1872-1950) fut successivement l'épouse du directeur de la Revue blanche Thadée Nathanson, du magnat de la presse Aldred Edwards, et du peintre José Maria Sert. Véritable puissance capable d'assurer le succès comme l'échec d'une manifestation dans le monde des lettres et des arts, elle était une habile manœuvrière qui permit par exemple le lancement des Ballets russes, et fut la mécène de la jeune Coco Chanel. Cocteau, présenté à Misia par les Rostand, devint un familier de son salon du quai Voltaire, où il l'éblouissait et la divertissait par ses excentricités et ses discours flamboyants. Il l'évoqua sous les traits de la princesse de Bormes dans Thomas l'imposteur : " Elle emportait autour d'elle son atmosphère comme la terre, et, comme la terre, elle avait peine à croire les autres mondes habités ".
[4]. " La vierge au g. c. ".
[5]. Valentine Hugo tenant à la main une brochure, " L'Âge d'or. Programme ", et la vierge.
Légende en vis-à-vis, au verso du f. précédent :
" Croyant qu'il suffit de trahir Jean pour être surréaliste, la vierge au grand cœur commet une faute de tactique. "
Film de Luis Buñuel et Salvador Dali financé par le couple Noailles, L'ÂGE D'OR occasionna un grand scandale à sa projection en novembre 1930.
[6]. Le comte de Beaumont, Lucien Daudet et la vierge chez Colombin.
Légende en vis-à-vis, au verso du f. précédent :
" Aussi elle se tourne vers l'Action française. Encore une erreur ! Mais elle trouve un chevalier. Le comte Étienne surveille. "
Le personnage assis près de la vierge est très probablement le fils d'Alphonse Daudet, LUCIEN DAUDET (1878-1943), romancier et chroniqueur, ami proche de Marcel Proust, et administrateur des " Soirées de Paris " financées par le comte de Beaumont. Cocteau le rencontra très tôt, leurs mères étant liées, et en subit nettement l'influence. Il lui dut la connaissance de Proust et de son cercle, Reynaldo Hahn, Emmanuel et Antoine Bibesco, mais aussi une rencontre avec l'impératrice Eugénie dont Daudet était le secrétaire. Le frère de Lucien, Léon, était un des piliers de l'Action française de Charles Maurras.
Le très riche et non conformiste COMTE DE BEAUMONT (1883-1956) occupait un bel hôtel particulier rue Duroc, où il donna parmi les fêtes les plus célèbres du premier demi-siècle (Raymond Radiguet s'inspira de lui pour écrire Le Bal du comte d'Orgel). Jean Cocteau fut un des plus assidus chez lui dès avant la Première Guerre, et fit partie de la section de la Croix-Rouge dirigée par le comte de Beaumont à la fin de 1914. Le comte de Beaumont peignait, créait des bijoux, des décors et et costumes de scène, et fut aussi un grand mécène : il était l'organisateur des " Soirées de Paris " et permit à Cocteau en 1924 de monter dans ce cadre son adaptation de Roméo et Juliette. Il lui retira néanmoins son soutien dans l'affaire du Sang d'un poète.
" COLOMBIN " était un salon de thé situé au 10 rue Cambon.
[7]. Anna de Noailles et la vierge.
Légende en vis-à-vis, au verso du f. précédent :
" La vierge se doit de prévenir l'illustre comtesse, mais elle ne peut placer un mot. Oublierait-elle sa mission ? Elle se pâme, charmée ! "
À l'époque de sa plus grande notoriété, la volubile et illuminée ANNA DE NOAILLES (1876-1933) était une des grandes figures mondaines de la littérature. Cocteau, un des rares à pouvoir lui donner la réplique, fut un de ses familiers avant la guerre de 1914, et la prit alors pour modèle : il imita sa calligraphie si particulière, et publia en 1912 un recueil écrit dans un style quasiment pastiche, La Danse de Sophocle. Leurs relations se distendirent par la suite, Cocteau se tournant vers l'avant-garde.
[8]. Anna de Noailles, Étienne de Beaumont et la vierge.
Légende en vis-à-vis, au verso du f. précédent :
" La tante Anna résume (!) au comte Étienne ce qu'elle s'imagine avoir entendu et lui demande si c'est exact. Tu ! Tu ! Tu ! Tu ! répond le comte Étienne qui ne peut continuer davantage. "
[9]. Anna de Noailles et Marie Scheikévitch. Première partie d'une saynette dialoguée :
" A. Chère Machinka, saviez-vous que Jean est chassé de France ?
S. Madame chérie j'ai vu hier Mr Laval.
A. Chère Marie, je vous parle de Jean.
S. Il m'a dit : Couic ! Couic ! Couic !
A. Qui ? Jean ?
S. Monsieur Laval. "
Fille d'un riche magistrat russe et collectionneur d'art installé en France en 1896, MARIE SCHEIKEVITCH (1882-vers 1966) fréquenta les salons puis fonda le sien. Elle fut l'amie de Cocteau, d'Anna de Noailles, de Reynaldo Hahn, de la famille Arman de Caillavet, et un temps de Proust. Elle laissa des Souvenirs d'un temps disparu en 1935, dans lequels elle évoque les hautes figures qu'elle a fréquentées dont Cocteau.
[10]. Anna de Noailles et Marie Scheikévitch. Seconde partie de la saynette dialoguée :
" - Voyons, Machinka ! Parlons-nous de Mr Laval ou de Jean ?
- Madame chérie, je vais vous lire le chapitre de mes mémoires sur la mort de Boylesve.
- Dieu ! Machinka, vous me rappelez que j'ai un enterrement. Je me sauve.
Marie Scheikévitch tient à la main une liasse de papier légendées par Cocteau :
" L. de Proust ", " Lettres de Landru ", " Lettres d'Abel Bonnard. Je viendrai dîner demain. À tout de suite. Je ne vous baise pas. "
[11]. Étienne de Beaumont, Arthur Mugnier et la vierge.
Jean Cocteau avait fait la connaissance de l'ABBE MUGNIER (1853-1944) en 1911, et, comme beaucoup d'auteurs et d'artistes, avait été séduit par la douceur et la tolérance de ce prêtre mondain et cultivé qui exerçait une grande influence sur le monde des lettres : c'est notamment l'abbé qui avait suggéré à Huysmans de partir pour le monastère de la Trappe, et c'est encore lui que Proust avait fait appeler sur son lit de mort.
[12]. Une femme et la vierge.
Légende en vis-à-vis, au verso du f. précédent :
" Ayant entendu des voix, la vierge au grand cœur se met en campagne pour sauver la France "
Peut-être s'agit-il ici de Marie-Thérèse de Chevigné (1880-1963), la fille d'Adhéaume de Chevigné et de Laure de Sade. Elle avait épousé en premières noces le financier Maurice Bischoffsheim (1875-1904), dont elle avait eu la future Marie-Laure de Noailles, et s'était remariée ensuite avec l'écrivain Francis de Croisset. Jean Cocteau fut parfois l'hôte de la superbe villa Croisset à Grasse.
[13]. Coco Chanel et la vierge.
Légende en vis-à-vis, au verso du f. précédent :
" Après avoir sauvé la France, la vierge au grand cœur, épuisée, demande quelques forces à Coco. Un cinquantaine de truffes et deux bouteilles de champagne ont vite fait de lui rendre l'appétit... "
Légende autographe dans un phylactère faisant dire à Coco Chanel :
" oh ! la cochonne ".
[14]. Anna de Noailles et Marie Scheikévitch. Esquisse préparatoire aux dessins n° [9] et [10]. Anna de Noailles y est représentée deux fois, de face et de profil.
[15]. Anna de Noailles. Composition de 6 esquisses préparatoires représentant des portraits de la comtesse, de face et de profil.
[16]. Étienne de Beaumont. Esquisse de portrait en hypnotiseur hindou, avec le brouillon autographe d'une partie du dialogue du dessin n° [9].
[17]. Marie-Laure de Noailles, une autre femme et la vierge. Esquisse d'une scène où Marie-Laure de Noailles montre la vierge d'un doigt accusateur. Mine de plomb.
[18]. Lucien Daudet et Jacques-Émile Blanche. 5 esquisses du portrait de Lucien Daudet, de face et de profil, à la mine de plomb ; deux esquisses de Jacques-Émile Blanche de profil, l'une à la mine de plomb et l'autre à la plume et à l'encre ; une esquisse d'un autre profil d'homme. Page un peu salie.
Note autographe à l'encre :
" Le cubisme : on le croyait la difficulté abordée. À l'épreuve c'était éviter la difficulté (le problème de peindre de plus en plus insoluble). dépeindre n'est pas peindre - encore une manière adroite d'éviter la difficulté - (même dépeindre ce qui ne peut se voir dans la vie).
Courage de C. Bérard. Il n'a pas l'air de prendre place dans l'histoire de la peinture. Avec sa prodigieuse agilité de dessinateur il pouvait très bien perdre la tête, essayer de courir à toutes jambes au devant de la gloire. "
[19]. Triple portrait de jeune homme nu. Dessin postérieur. Encre de Chine, plume et pinceau.
[20]. Perspective architecturale. Dessin postérieur représentant une porte ou fenêtre encadrée de fresques ou de bas-reliefs représentant deux femmes et un homme. Encre de Chine, plume et pinceau.
[21]. Profil masculin. Dessin postérieur. Mine de plomb, sur la couverture de l'album.
" Les poètes ne dessinent pas. Ils dénouent l'écriture et la renouent ensuite autrement " (Jean Cocteau, dédicace de son album Dessins, 1924). Cette idée, centrale chez Cocteau qui fut autant écrivain que dessinateur, correspond à celle d'une véritable synesthésie : " Une œuvre d'art doit satisfaire toutes les Muses. C'est ce que j'appelle : preuve par 9 " (Le Coq et l'Arlequin, 1918). Ouvert à tout ce qui l'entourait, à toutes les évolutions du monde moderne, Cocteau maîtrisait un " système d'enregistrement très perfectionné " (Isabelle Monod-Fontaine) qui commandait à l'ensemble de son œuvre littéraire et artistique. Dans une note autobiographique de 1962, il évoquerait encore le " sens presque magique de la ressemblance " dont il jouissait dans sa pratique du dessin.
Après des débuts précoces où il dessinait des caricatures signées Japh puis Jim dans le goût de Capiello et de Sem, il subit l'influence décisive du style que Picasso avait adopté à la fin de la Première Guerre : ligne claire, cursive, néo-classique, soulignant la transparence de l'espace. Il produisit alors des portraits, dont de nombreux amis (par exemple les Portraits-souvenirs de 1936), des scènes de bars, de bastringues, et donna libre cours à une causticité sans cruauté baignée dans une étrangeté sans inquiétude. La confiance qu'il plaçait en Picasso l'amena à le consulter en 1924 dans le choix même des œuvres à reproduire dans l'album Dessins.
Cocteau mit très tôt au point une technique de décalque, qui, par la répétition, lui permettait de parfaire ses dessins, ou de leur donner une nouvelle vie à travers des variantes. C'est le cas pour la série " Atrocités ! " (parue dans le périodique Le Mot, 1915), la série d'autoportraits dans Le Mystère de Jean l'oiseleur (1924), différenciés surtout par l'écriture, ou la série de portraits de Jean Desbordes dans Vingt-cinq portraits d'un dormeur (1929). Très à part dans sa production, se trouvent également des dessins sur l'expérience de l'intoxication dans Maison de santé (1926) et Opium (1928-1929), de même qu'une divagation onirique sur le thème dit des " mandragores " (1936). La dernière période de l'œuvre dessiné de Cocteau, moins inventive, se caractérise par un recours presque systématique à la stylisation et à la répétition.
Exposition
- JEAN COCTEAU, SUR LE FIL DU SIECLE. Paris, Centre Georges-Pompidou, puis Montréal, Musée des beaux-arts, 25 septembre 2003-29 août 2004. Reproduction des 13 dessins et de la couverture illustrée, n° 158 à 171 du catalogue.
Bibliographie
- DESSINS D'ECRIVAINS. Paris, Éditions du Chêne, 2003. Reproductions pp. 103 à 115 (les 13 dessins achevés), p. 101 (le dessin de couverture).
- FAUCHEREAU (Serge). Peintures et dessins d'écrivains. Paris, Éditions Belfond, 1991. Reproduction p. 122 (dessin n° 7, " Anna de Noailles et la vierge ").
- LINARES (Serge). Écrivains artistes. Paris, Citadelles et Mazenod, 2011. Reproduction des 13 dessins achevés (sous le n° 185 collectif) pp. 226-227.