Milieu XVIIIe
Montre polissone en or et émail avec mouvement squelette et scènes érotiques dissimulé
Boîtier rond sur charnière, la lunette d’écoré d’émail bleu et pierres rouges, le dos décoré d'une scène en émail champlevé bleu translucide représentant deux chèvres dans un sous-bois , l’ensemble du boîtier dissimule au dos du mouvement scène érotique peinte sur émail polychrome
Cadran émail blanc avec chiffres romains et minuterie chemin de fer, ouverture pour le carré de remontage
Mouvement mécanique avec remontage à clef, l’ensemble squelette avec grand balancier spiral visible, échappement à cylindre, mécanisme de fusée et chaîne, raquette de réglage avance et retard
Diam. 34 mm
Poids brut. 38,6 g
La dichotomie qui existe sur cette montre polissonne entre la représentation des deux chèvres au dos du boîtier et la scène érotique dissimulée sous le mouvement symbolise à elle seule le culte du secret qui s’est développé au cours au XVIIIe siècle. Les montres polissonnes se présentent à l’époque comme l’art de la dissimulation, pour la plupart elles sont des commandes spéciales dans une époque où le Libertinage prend toutes sortes de formes, y compris au travers des « montres à secret ».
Les deux chèvres sont un motif récurrent dans les arts décoratifs du XVIIIe siècle, notamment dans les styles rococo et néoclassique, où elles sont souvent utilisées dans des peintures, sculptures, gravures, et mobiliers. Leur symbolique est riche et multivalente, enracinée dans la mythologie, la pastorale, et les traditions culturelles. Voici les principaux sens attachés à ce motif .
La pastorale et l’idéal bucolique
Au XVIIIe siècle, sous l’influence du style rococo, la pastorale devient un thème central dans l’art et les décors.
Les chèvres évoquent un mode de vie idyllique, en harmonie avec la nature, souvent idéalisé dans des scènes champêtres ou galantes.
Elles symbolisent la simplicité, l’innocence et une nostalgie pour une vie rurale paisible, en opposition au tumulte de la vie urbaine ou de cour.
Fertilité et abondance
Dans la mythologie classique, les chèvres sont souvent associées à des idées de fertilité et de richesse :
Amalthée, la chèvre nourricière de Zeus dans la mythologie grecque, représente l’abondance et la protection. Cette association a influencé l’utilisation de chèvres dans les arts pour symboliser la générosité de la nature.
Les deux chèvres ensemble peuvent aussi symboliser une dualité harmonieuse ou une complémentarité dans la nature.
La mythologie de Pan et le libertinage
Les chèvres sont liées au dieu grec Pan, une divinité de la nature sauvage, de la sexualité et personnification de la luxure, symbole de la décadence du Libertinage.
Dans ce contexte, les deux chèvres peuvent symboliser le culte de la dissimulation qui est à l’origine de la montre à secret, l’idée de montrer en apparence et de cacher la vérité profonde.
Cette interprétation trouve un écho dans le libertinage du XVIIIe siècle, où les chèvres peuvent représenter un jeu entre innocence apparente et désir, symbole d’une certaine décadence des mœurs à la fin du Siècle des Lumières.
Dualité et opposition
Les deux chèvres peuvent être interprétées comme une allégorie de la dualité : le bien et le mal, l’esprit et le corps, ou encore la nature sauvage et la civilisation domestiquée.
Dans ce sens, elles sont un motif décoratif qui invite à la réflexion sur les contrastes fondamentaux de l’existence.
Symbole ornemental et esthétique
Les chèvres sont également un motif purement décoratif dans les arts du XVIIIe siècle, notamment dans les ornements des meubles et porcelaines. Leur posture gracieuse ou ludique s’intègre bien dans les compositions rococo, asymétriques et très inspirées par la nature.
Elles apparaissent fréquemment en paire pour équilibrer visuellement les compositions, en encadrant un médaillon, une guirlande ou une scène centrale, tel le dos de notre montre à secret.
En résumé, les deux chèvres dans les décors du XVIIIe siècle symbolisent à la fois l’abondance, la vie pastorale, et une certaine sensualité, tout en incarnant un motif esthétique typique du style rococo et néoclassique. En l’occurrence, elles sont utilisées pour cacher un secret avec cette scène érotique dissimulée sous le mouvement de la montre.