Très riche ensemble s’étendant sur plusieurs années et témoignant de la fidélité du dramaturge au général de Gaulle.
[Henry Bernstein, exilé aux États-Unis durant l’Occupation, avait écrit Portrait d’un défaitiste, brocardant le maréchal Pétain, et avait été déchu de sa nationalité française par le gouvernement de Vichy en 1941]
30 septembre 1946. Bernstein dit sa vive admiration pour le Général, qui a quitté le pouvoir : « Votre discours d’Épinal s’incorpore déjà à l’Histoire de France. Comme toutes vos grandes paroles, c’est un acte – et lourd de destinée. La page est superbe : toutes les réponses s’y enchaînent, éclatantes de vérité, en un raccourci de grand style »… Il dénonce « les partis » et tous ceux qui « n’ont rien tiré de votre leçon d’énergie sublime, de votre exemple, quoiqu’ils vous aient chanté. Le désastre ne leur a rien appris – ni la Résistance, ni la Libération ! 1937 est revenu »… En tête, de Gaulle a noté : « Je lui ai envoyé un mot ».
19 février 1947 : « Avant de quitter Paris pour trois mois laissez-moi vous dire que je vous suis aujourd’hui plus attaché même qu’aux grands jours, aux jours d’angoisse et d’ardeur de Londres, d’Alger, de Normandie… Qu’il était exaltant ce temps terrible, à côté surtout de celui que nous vivons, si sordide qu’il cesse, on ne sait comment, d’être effrayant. »… En tête, de Gaulle a noté :
« J’ai répondu ».
22 février 1948. Bernstein indique avoir écrit « une lettre qui a paru à la page éditoriale de la section politique du New-York Times […] sous ce titre choisi par la rédaction du journal : France and de Gaulle ». Il estime « que cet article a été lu et commenté à Washington et à New York et qu’il n’aura pas été tout à fait inutile ». En tête de la lettre, de Gaulle a noté : « Moi ». Une note dactylographiée présente l’article (non joint). – 19 mars, le dramaturge évoque un discours prononcé par le Général à Compiègne qui l’a « pris par surprise » et estime qu’il est « le plus beau » qu’il ait prononcé : « votre parole sérieuse et raisonnable demandait le cœur. » Il poursuit, admiratif : « Rien ne vous décourage de la France. Vous la protégez, la portez et la projetez bien au-delà des Français. » Il poursuit, toujours féroce avec les détracteurs du Général : « il y a un sentiment autrement viril et désintéressé dans votre humanisme que dans leur ridicule impatience de retrouver le plus tôt possible ce qui est à jamais perdu. » Il termine : « Peu de gens comprennent que la France est, avant tout, une idée et que l’amour de cette idée n’est point souriante comme un amour de Boucher. » De Gaulle a noté : « J’ai répondu C. G. » – 9 novembre. « Une lueur d’espérance s’insinue dans le cauchemar. Si la France ne se donne pas au printemps un Gouvernement, enfin – en d’autres termes, si vous ne devenez pas le Chef de l’État, je me sens incapable d’imaginer ce que sera un an plus tard le sort de notre pays. Je demeure plein de surprise devant les personnes qui ne partagent pas mon anxiété et ne se soucient point de notre politique. Sur quoi, mon Dieu, peuvent-elles compter ? Je n’ai jamais oublié ce que vous m’avez dit à Blair House en 1945 sur l’affaissement intellectuel d’un certain nombre de nos concitoyens »… De Gaulle a noté : « Moi ». – 17 décembre, éloge du discours du Vel d’Hiv prononcé par le Général : « C’était dans le même temps aristocratique et populaire et plein d’humour. » De Gaulle a noté : « Moi ».
17 mars 1949. Il remercie le Général de lui avoir fait « le grand honneur de vouloir [qu’il] fasse partie du Conseil National. » Il évoque également une cabale entreprise par certains journaux à son encontre, et notamment de certaines revues « gaullistes » ce qui le surprend. En tête, de Gaulle a noté : « moi. M. Pompidou ».
1er janvier 1950, vœux malgré de sombres perspectives pour l’Europe occidentale… « Mon Général, je garde pour vous la même amitié profonde, la même gratitude. J’ai aimé les femmes avec persévérance, mais votre nom me représente la grande aventure passionnelle de ma longue vie. […] Une destinée, c’est quelque chose de très monotone et généralement d’ennuyeux, et l’on n’oublie pas l’être à qui l’on doit quelques années de pulsations accélérées, de rêve, d’intensité. De surcroît, vous m’avez toujours témoigné une sympathie particulière dont je demeure profondément touché »… De Gaulle a noté : « Moi ».
Dans les lettres de 1951, Bernstein renouvelle une fois de plus son admiration pour le Général, malgré le temps qui passe et l’avènement national du général toujours repoussé. Il se remémore un entretien à Marly au début de 1946 et des paroles chargées « de visions » et « de sens » sur l’avenir du général. Il affirme ailleurs : « Vos discours sont des actes »…
Deux réponses du général de Gaulle, en partie autographes sur texte dactylographié (1 p. in-4 chaque à en-tête Le Général de Gaulle). – 12 octobre 1948, il dit avoir « été très sensible à la lettre » écrite « à l’occasion des récentes élections » ; il aura « grand plaisir à vous voir ». – 12 avril 1949. Il remercie Bernstein de sa fidélité : « Vous êtes un homme de combat »…