Lyon, Barnabe Chaussard, s.d. (1515-1527).
Petit in-8, maroquin rouge, triple filet, dos lisse orné, roulettes intérieures, tranches dorées (Derome le jeune, avec son étiquette).
Baudrier, XI-32 // Bechtel, 337/G-253 // Brunet, II-1744 // Gültlingen, I, p. 39, n° 12 // Tchemerzine-Scheler, III-521-a // USTC, 80052.
(56f.) / A-G8 / 24 lignes, car. goth. / 85 × 132 mm.
Pierre Gringore ou Gringoire naquit vers 1475 en Normandie, dans la région de Caen, probablement à Thury-Harcourt ou dans une commune avoisinante.
On sait peu de choses de sa jeunesse sinon qu’il fit jouer de petites pièces bouffonnes dans sa ville natale puis vint à Paris vers 1500. Il composa à cette époque Le Château de Labour (1499) et Le Château d’amours (1500) qui sont parmi ses meilleures pièces. Il devint par la suite compositeur, historien et facteur de mystères qui furent joués et dont il dirigea l’exécution de 1502 à 1517. Il est dans le même temps affilié à la société des Enfants-sans-Souci, confrérie parisienne joyeuse où il fut élevé à la deuxième dignité, c’est-à-dire à la charge de Mère Sotte.
Il écrivit quelques pièces satiriques sur l’église, la noblesse, les artisans, les marchands, les médecins, sans oublier les femmes et, dans le même temps, devint une sorte de publiciste officiel au service de Louis XII, célébrant la conquête du Milanais, l’expédition contre Naples et écrivant des pamphlets contre le pape Jules II, alors en guerre contre la France. Il fit représenter sur le théâtre des Enfants-sans-Souci une curieuse sotie, Le Jeu du Prince des Sots et de la Mère Sotte, dans laquelle le pape et les cardinaux sont très irrévérencieusement traités.
Il devint par la suite héraut d’armes du duc de Lorraine et poète de cour et de confréries religieuses, perdit ses habitudes de médisances et retourna au genre moral par lequel il avait débuté. Sur ses vieux jours, il composa des ouvrages de piété, des Heures de Nostre-Dame (1525, cf. le n° 185 du présent catalogue), des chants royaux et des paraphrases de psaumes… Il s’éteignit en Lorraine vers 1538.
Gringore reste un poète de qualité et ses comédies politiques sont parmi les meilleures soties du Moyen Âge. On retrouve souvent sur les titres de ses livres la devise qu’il s’était choisie : Tout par Raison. Raison par Tout. Par tout Raison, ainsi qu’un bois le représentant affublé du costume de Mère Sotte et flanqué de deux sots aux mêmes attributs.
On pense que son Château de Labour, son premier poème et sans doute le meilleur, est le reflet de son histoire. C’est une version rimée d’une œuvre écrite en 1342 par Jehan Brugent, Le Chemin de Povrete et de Richesse, qui enseigne de manière allégorique que seuls le travail, la peine, la bonne volonté, le soin et la diligence sont les chemins qu’il faut suivre dans la vie. Un jeune homme épouse une jeune femme et, aux joies d’une nouvelle union, succèdent les ennuis de toutes sortes. Le mari reçoit les visites d’hôtes fort importuns tel Souci, Besoin, Desconfort… Il suit alors les conseils de Raison qui le laisse entre les mains de Bonne volonté et de Talent de bien faire qui le conduisent au Château de Labour, c’est-à-dire au travail. Contant à sa femme ce qui lui est arrivé, celle-ci se moque de lui et il la quitte pour retourner au Château de Labour.
L’ouvrage parut pour la première fois en 1499 et fut maintes fois réédité. Notre édition est la seule publiée chez Barnabé Chaussard à Lyon et a été imprimée entre 1515, date de la séparation de Chaussard et de son associé Pierre Maréchal, et 1527, date de la mort de Chaussard. Le nom de l’auteur se trouve en acrostiche au dernier feuillet.
Bel exemplaire relié par Derome le jeune avec son étiquette. Il a figuré dans le Bulletin Morgand (bulletin n° 21 de novembre 1887, n° 13086) où il est décrit comme un très joli exemplaire recouvert d’une charmante reliure.
Petites macules en pied du dos. Annotation manuscrite ancienne à un feuillet de garde, marge supérieure un peu courte.
Provenance :
J. C. Halbwachs (ex-libris) et Édouard Rahir (ex-libris, V, 19-21 mai 1937, n° 1.366).