Toile de la maison Hardy Alan
Annotée 'commencé / le 25 juillet 92' sur la toile au verso
Sans cadre
Self-portrait with her dog, oil on canvas, by Marie Bracquemond
51.18 × 28.74 in.
Sur une toile de grand format qui dépeint son ambition, Marie Bracquemond saisit ses propres traits, et se met en scène dans son intérieur cossu en compagnie de Bob, le fidèle bouledogue noir du couple que l’on aperçoit sur certaines photographies contemporaines (fig. 1). Bien qu’elle se représente dans une pose assez conventionnelle, assise dans son fauteuil Louis XV, le bras lourdement appuyé sur la commode voisine, son visage paraît traduire une sensible mélancolie. Avec son regard légèrement incliné vers le bas, comme perdu dans ses pensées, Marie reprend l’attitude méditative de son portrait dessiné par Félix près d’une décennie plus tôt (n° 108 de notre vente), confirmant ce qui semble bien être l’un de ses traits de caractère. Cet état d’âme contraste avec l’élégance de sa mise, les effets d’étoffes de sa grande robe verte, ses bijoux rutilants et ses cheveux noirs relevés et noués au-dessus de sa tête. Si la pose est statique, Marie réussit le tour de force de faire vibrer la composition avec son seul pinceau. L’artiste a en effet développé avec maitrise une manière qui diffère de ses débuts, se traduisant par une touche plus fragmentée et proprement impressionniste, des couleurs plus vives et intenses ainsi qu’un intérêt sans doute plus prononcé pour les effets lumineux circulant dans la pièce, la rapprochant davantage de la peinture de Renoir. Si les raisons de ce changement demeurent multiples, Gustave Geffroy a également souligné l’influence qu’ont pu exercer les échanges qu’a entretenu Marie avec Gauguin, impliquant cette façon hachée de peindre par larges coups de pinceaux nettement séparés. Quoi qu’il en soit, ce tableau ne manque pas d’illustrer avant tout la part propre du génie de l’artiste, tel que le souligne Arsène Alexandre peu après sa disparition en 1916 : « Mme Marie Bracquemond était peintre, et peintre exquis. On pouvait saisir quelques analogies de tendances entre sa manière et celles de Renoir et aussi de Berthe Morisot. Mais elle était, malgré cela, extrêmement personnelle. Il y avait un sentiment très profond et très délicat en même temps dans ses scènes féminines et dans ses portraits d'enfants et de femmes : on y retrouvera ce caractère d'époque, que l'époque elle-même ne connaît et n'apprécie pas toujours justement, allié à une couleur vive et subtile1. »
1. Alexandre, Arsène, « Mme Marie Bracquemond », Le Figaro, 23 janvier 1916, p. 3.
Fig. 1 : Anonyme, Marie Bracquemond en compagnie de sa cuisinière et de son chien Bob, dans le jardin de sa maison à Sèvres, circa 1890, tirage sur papier albuminé, archives Bracquemond.