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Jacques STELLA
L'embaumement du Christ
Estimate:
€20,000 - €30,000

Complete Description

L'embaumement du Christ
Huile sur toile

Sans cadre


The embalming of Christ, oil on canvas, by J.Stella

17.91 x 13.58 in.

34.5 cm x 45.5 cm
Provenance:

Acquis sur le marché de l’art anglais

Bibliography:

André Félibien, Entretiens sur la vie et les ouvrages des plus excellents peintres anciens et modernes, Trévoux, 1725, p. 412

Catalogue de la vente Peter de Masso, Londres, Christie, 8-9 mars 1771, n° 37

"Testament et inventaire des biens (...) de Claudine Bouzonnet Stella", Archives de l'art français, 1877, p. 30

Sylvain Kerspern, "Catalogue raisonné de l'œuvre de Jacques Stella, La Passion du Christ", site d'histoire-et-dart.com, mise en ligne le 3 mars 2017, retouches en novembre 2019 et avril 2022 (https://dhistoire-et-dart.com/Stella/Stella_Passion1655_7.html)

Sylvain Kerspern, "L'héritage de Stella. Notes sur la famille de Masso", site d'histoire-et-dart.com, mise en ligne le 27 septembre 2021 (https://dhistoire-et-dart.com/Stella/De_Masso.html) 

Comment:

Notre œuvre est à mettre en lien avec La Lamentation et préparation à l'enterrement du Christ, tableau qui se trouve au musée des Beaux-Arts de Montréal (inv. 2004.198)

https://www.mbam.qc.ca/fr/oeuvres/40406/


« Devant le Sépulcre où s'affairent Nicodème et deux assistants pour préparer le tombeau, le Christ mort est entouré de saint Jean, la Madeleine, Marie-Salomé et de sa mère, sur les genoux de laquelle il repose. À ses pieds, Joseph d'Arimathie remplit une bassine destinée à la toilette mortuaire de Jésus. Malgré le caractère dramatique du moment, la scène est traitée tout en retenue, sans grande démonstration de douleur. Cette mesure est caractéristique du classicisme français, et en particulier de Jacques Stella (1596-1657), l'un des promoteurs de ce courant stylistique en France lors de son installation à Paris, à partir de 1636. On peut lui rendre sans réserve cette peinture, d'autant qu'il est possible de lui trouver une place incontestable parmi les ouvrages cités par les sources et à l'historique assez bien documenté. En outre, la composition présente de fortes similitudes avec une autre peinture de l'artiste préparée par plusieurs feuilles, témoignages supplémentaires du temps de méditation préparatoire à un tableau.

Celui en question, conservé par le musée des Beaux-Arts de Montréal1, dispose la composition en largeur tout en proposant une répartition de la scène en deux lieux semblables. Par le fait, le moment choisi est identique, même si le nombre de personnages est moindre. Une feuille sous le nom de Poussin à la Pierpont Morgan Library propose une composition bien en place avec quelques variantes notables, comme l'attitude de la Vierge, moins dramatique; il doit s'agir d'une feuille préparatoire. La version plus directement en rapport passée par la Galerie Éric Coatalem et aujourd'hui en collection Particulière2 doit faire partie des feuilles conçues par Stella comme des ricordi.


Le dessin du Louvre pourrait être une première pensée pour la toile canadienne en raison du format également en largeur et parce qu'il montre pareillement la toilette mortuaire, mais la composition est toute différente, le Christ étant déjà installé dans la grotte, de laquelle s'aperçoivent les croix du Golgotha. Dans la notice en ligne du Louvre, Sylvain Laveissière mentionne un dessin comparable en mains privées, signé et daté de 1657, que je ne connais pas. La date pourrait désigner l'une des compositions peintes dans ses derniers mois par l'artiste, une Passion en trente tableaux, et être plus directement en rapport avec notre tableau.

 

Car en effet, il y a tout lieu de penser que notre tableau ait fait partie de ladite suite de la Passion, « le dernier ouvrage qu'il a achevé » (Félibien). Elle figure encore dans la collection de la nièce, Claudine Bouzonnet Stella, qui l'inventorie dans son testament de 1693 selon lequel elle le lègue à son cousin Michel de Masso (1654-1702), peintre. Le descendant de ce dernier, Pierre de Masso (1728-1787), vend la quasi-totalité de la suite à Londres en 1771 en la faisant passer pour des ouvrages de Poussin.


C'est sur le marché d'art londonien qu'est réapparu notre tableau. Son format, comme celui des quelques autres peintures connues jusqu'ici, correspond aux dimensions données par de Masso (18 pouces anglais sur 14), plus complet et précis que Claudine dans l'inventaire fait pour son testament (1 pied de haut). On peut l'identifier avec l'une des peintures qu'il a vendues en 1771 («The embalming of our Saviour, preparatory to his being laid in the sepulchre; a very affecting scene 18 14 »).


La comparaison entre notre version et celle de Montréal amène à réfléchir sur le contexte de leurs créations. Le tableau canadien, certainement tardif, montre malgré tout une fermeté de la touche, une puissance préoccupée par l'expression des Passions, intériorisant chacune des réactions au drame, enfermant chaque personnage dans sa douleur. Notre tableau est peint dans un tout autre état d'esprit. Depuis la commande pour les Cordeliers de Provins, en 1654, Stella sait sa santé déclinante. Il semble alors saisi par une sorte de fièvre créatrice qui fait l'admiration de Félibien et que matérialisent les suites de la Vie de la Vierge (22 dessins très finis), les Pastorales (16 tableaux) et la Passion du Christ en 30 sujets, sans compter les autres ouvrages qui nous sont parvenus et datent de ces années.


Il y a donc dans cette ultime suite une forme d'urgence, peut-être d'autant plus sensible dans les derniers sujets auxquels appartient le nôtre. Stella livre là une approche de l'embaumement tout différent, installant Jésus sur les genoux de sa mère tout en le mettant au centre des attentions des principaux personnages, seul Joseph d'Arimathie demeurant concentré sur sa tâche. Les attitudes se font plus simples, naturelles, en une méditation non plus sur l'incrédulité et l'angoisse de la mort, mais sur l'offrande du sacrifice, manifeste par le geste de Marie, celui de la Madeleine, les bras croisés en signe d'acceptation ou le soin impassible de Jean.


La facture s'en ressent par une autorité toute différente, une fluidité qui tient compte de l'importance d'aller vite, comme pour défier la mort et lui conférer, précisément, le sens providentiel du message du Christ. Elle s'inscrit nécessairement dans un processus global concernant trente sujets, conduisant peut-être à une distribution des personnages autre. Elle n'en est que plus émouvante par la résonnance particulière que le sujet pouvait avoir pour Stella, dont on sait l'attachement qu'il avait pour sa propre mère. C'est une redécouverte capitale qui laisse en espérer d'autres, et qui donne, une fois de plus, la mesure d'un talent incomparable, l'un des grands maîtres de la peinture française du XVIIè siècle. »

 

1-       Huile sur toile, 50,5 x 61,2 cm, vers 1655, Musée des Beaux-Arts, Montréal

2-      Lavis d’encre grise, 24,6 x 30,5 cm, collection particulière


Nous remercions Sylvain Kerspern de nous avoir confirmé l'authenticité de cette œuvre par un examen de visu en date du 25 septembre 2024, et pour la rédaction de cette notice.


Le tableau sera inclus dans le catalogue raisonné en ligne de Jacques Stella

(https://dhistoire-et-dart.com/Stella/Stella-catalogue.html).

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