Comment:
Le destin extraordinaire de Vincenzo Gemito, ajouté à son talent si singulier, en font un artiste à part. Abandonné à la naissance, le jeune garçon se retrouve livré à lui-même dans les rues de Naples. Avec son ami Antonio Mancini, ils apprennent dès leur enfance les rudiments de la peinture et de la sculpture, fascinés par les chefs-d'œuvre antiques exposés au Musée national de Naples. Mais le prestige et la splendeur de ses salles ne leur suffiront pas, et c'est inévitablement dans la rue et la réalité de la vie de tous les jours que les deux artistes en herbe trouvent également leur inspiration. Gemito n'a que 17 ans lorsqu'il expose son grand Giocatore (Joueurs de cartes) en plâtre, exceptionnel de réalisme. Ce premier coup d'éclat, acquis par la maison royale, mettra en lumière son travail. Il s'attèle ensuite à la réalisation de nombreuses têtes d'adolescents en terre cuite qu'il affectionne, épatantes de vie et de poésie, et qui participent encore aujourd'hui à la renommée de l'artiste. Ces visages marqués veulent témoigner de la dureté de la vie pour les enfants des rues, dont les expressions admirablement rendues par l'artiste oscillent entre gravité et inquiétude. Sa notoriété grandissant, il reçoit de nombreuses commandes de portraits, principalement d'artistes, au cours des années 1870 et voyage à Paris où il fait sensation au Salon de 1877 en présentant son Pêcheur napolitain. Les critiques tombent inexorablement sur son œuvre mais elle attire en contrepartie la foule des visiteurs et les critiques de tous les journaux. A son retour à Naples en janvier 1880, l'état de santé psychique du sculpteur se détériore vertigineusement suite au décès de son épouse. Malgré ces complications, Gemito continue à produire mais fait légèrement évoluer ses productions, s'attachant davantage à l'exactitude des détails, à la manière des sculpteurs de la Renaissance, se passionnant pour le bronze et rapprochant son travail de celui de l'orfèvre.
Notre bronze, dont la première édition fut réalisée en 1919, reflète l'ultime manière du sculpteur. Dans les dernières décennies de sa vie, l'artiste se confronte radicalement à l'Antique et à sa beauté idéale. L'extrême finesse du rendu et la qualité de la ciselure de notre buste nous renvoient à cette obsession de Gemito. Notre enfant constitue ainsi un mélange habile entre les bustes d'enfants napolitains issus de sa première production et la perfection Antique. Et par cette mèche de cheveux sinueuse comme une référence implicite à la sculpture renaissante maniériste et preuve de sa virtuosité technique, l'artiste semble vouloir nous rappeler que s'il est bien un sculpteur célébré dans toute l'Europe, il restera cet adolescent des rues de Naples à la chevelure désordonnée.