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LIVRE D'HEURES
LIVRE D'HEURES EN LATIN ENLUMINE SUR PEAU DE VELIN, AVEC QUELQUES RUBRIQUES EN NEERLANDAIS
Estimate:
€80,000 - €120,000
Sold :
€349,000

Complete Description

LIVRE D'HEURES EN LATIN ENLUMINE SUR PEAU DE VELIN, AVEC QUELQUES RUBRIQUES EN NEERLANDAIS

[Utrecht, vers 1415 - 1420]. In-8 (15,4/15,5 x 10,9 cm)
de [III] et [133] feuillets, veau brun sur ais de bois, décor à froid à petits fers sur les plats et le dos (à quatre nerfs, renouvelé), tranches dorées, fermoirs en laiton (reliure du temps entièrement restaurée à la fin du XIXe siècle).

EXCEPTIONNEL MANUSCRIT, INCONNU JUSQU'A CE JOUR, TEMOIGNAGE PRECOCE ET MAJEUR DE L'ŒUVRE DES MAITRES DE ZWEDER VAN CULEMBORG.

Actifs à Utrecht entre 1415 et 1440 environ, et nommés ainsi d'après un missel peint vers 1425 - 1430 pour l'évêque de cette ville, les Maîtres de Zweder van Culemborg forment un groupe d'enlumineurs qui fut un des plus talentueux de son époque dans les Pays-Bas du Nord. C'est pourquoi les liens artistiques étroits qui unissent leurs œuvres à celles des frères Limbourg, de Jan van Eyck et du Maître de Boucicaut, ainsi que leur influence sur le Maître de Catherine de Clèves, considéré comme leur élève, ont été amplement étudiés par les spécialistes de l'enluminure médiévale.

Parmi les 35 manuscrits ou fragments de manuscrit attribués aux Maîtres de Zweder van Culemborg aujourd'hui recensés, tous étudiés dans la récente thèse du docteur Miranda Bloem (De Meesters van Zweder van Culemborg : werkplaatspraktijken van een groep Noord-Nederlandse verluchters,
ca. 1415 - 1440, 2015), seuls 5 sont conservés dans des collections particulières ou n'ont pas été localisés après leur présentation en vente publique. La découverte du livre d'heures présenté ici, resté inconnu jusqu'à une date très récente, permet donc d'identifier un sixième manuscrit actuellement en mains privées qui, c'est certain, va renouveler considérablement la connaissance que nous avons des artistes qui l'ont peint. En effet, outre des particularités textuelles qui le différencient nettement des autres livres d'heures produits à l'époque dans les Pays-Bas du Nord, il fait montre d'une originalité iconographique surprenante avec notamment DEUX REPRESENTATIONS DE L'ENFANCE DU CHRIST SANS PRÉCÉDENT DANS L'ENLUMINURE NEERLANDAISE OU FLAMANDE DU XVe SIECLE.

Le texte est écrit en textura à l'encre noire sur une colonne de 20 lignes par page, avec rubriques et rehauts aux petites capitales à l'encre rouge, et réglures à l'encre brune
(à l'exception du f. 133r qui comprend seulement sept lignes d'une écriture légèrement différente ; il s'agit vraisemblablement d'un feuillet de remplacement ajouté après la détérioration ou la disparition du feuillet d'origine). Sa composition est la suivante :

- Heures de la Vierge, avec suffrages à tous les saints, à saint Jean-Baptiste et à saintes Catherine et Barbara après les laudes ;
aux Rois mages et à saint Nicolas après prime ;
à la Sainte Vierge, à la Sainte-Trinité et à sainte Dorothée après les complies (ff. 2r-42v)
- Petites Heures du Saint-Esprit, lacunaires de la fin des matines au début de prime, entre les ff. 44v et 45r ; comme il n'y a aucune trace apparente de manque, il est difficile de savoir si un feuillet de texte a effectivement disparu anciennement ou si le texte servant de modèle au copiste était lui-même incomplet (ff. 43r-54r)
- Petites Heures de la Croix (ff. 56r-68r)
- Office des morts, avec deux lignes ajoutées à l'encre brune dans la marge inférieure, signalées par deux manicules et deux petites croix (ff. 69r-100v)
- Sept Psaumes de la Pénitence et Litanies des saints, dont Pontien, Boniface, Géréon, Bavon, Omer, Bertin, Servais, Willibrord, Lébuin et Odulf (ff. 101r-115r)
- Sept Joies de Notre-Dame (ff. 115r-116v)
- Prières et hymnes à Dieu le Père [1], au Christ [2], à la Sainte Vierge [6], à la Sainte Vierge et à saint Jean [1] (ff. 117r-133r).

Les Heures de la Vierge et l'Office des morts sont sans équivalent connu et ne correspondent à aucun usage répertorié. Les Petites Heures du Saint-Esprit, quant à elles, diffèrent à plusieurs reprises de la rédaction commune dans les Pays-Bas du Nord. Le manuscrit est dépourvu de calendrier.

Le manuscrit est décoré de grandes et petites initiales en bleu, rouge ou or, soulignées de vermiculures ou rehaussées d'encadrements et de champs filigranés de blanc. Sur les pages ne comportant que du texte (à l'exception des Litanies, à la décoration très sobre), la colonne est délimitée à gauche par une baguette bleu, rouge et or filigranée de blanc, de laquelle prennent essor, en haut et en bas, deux rameaux feuillus à l'encre, ornées de fleurs trilobées dorées. Des baguettes similaires encadrent les miniatures centrées à pleine page et entourées de marges occupées par un feuillage orné de fleurons triangulaires et de fleurs trilobées dorés. Les pages les plus décorées sont celles qui portent les initiales historiées (celles-ci, de couleurs bleue, rouge, orange et pourpre, sont filigranées de blanc et encadrées d'or à l'exception de la première qui figure dans un encadrement rouge filigrané de blanc et rehaussé d'or) : la colonne de texte est encadrée d'une large baguette or et bleue dont tout ou partie des angles sont ornés de vases rehaussés de blanc d'où sortent, comme parfois de certaines initiales, une profusion de rameaux portant des feuilles peintes en vert clair, des fleurons triangulaires dorés et des fleurs trilobées, à pétales à trois pointes ou représentées au naturel. On trouve en outre six animaux fantastiques ou naturels décorant les pages portant les initiales historiées : trois dragons ou crocodiles dont la gueule crache un double rameau feuillu et fleuri, qui sont enlacés autour de la baguette de droite des ff. 2r, 60r et 69r ;
une petite chouette perchée sur la baguette inférieure du f. 2r ; un singe assis sur un rocher dans la marge de droite du f. 56r et dont la position rappelle celle du Christ de douleurs représenté dans l'initiale historiée de la même page ; un ours à quatre pattes dans la marge de droite du f. 58r.

Cependant, la richesse décorative de notre manuscrit tient avant tout à 12 MINIATURES A PLEINE PAGE ET 24 INITIALES HISTORIEES D'UNE QUALITE ET D'UNE ORIGINALITE REMARQUABLES :

1. Annonciation (f. 1v, pleine page)
2. Apparition d'un ange à Joseph pour le rassurer au sujet de la maternité de Marie?: contrairement à l'iconographie commune, saint Joseph n'est pas en songe mais il tente de s'enfuir et l'ange saisit sa cape pour le retenir. Cette représentation apparaît dans un autre manuscrit des Maîtres de Zweder van Culemborg (The Hague, KB, 79 K 2). Elle est très proche de la représentation plus classique d'un épisode de l'Ancien Testament dans lequel Joseph, fils de Jacob, refuse les avances de la femme de Putiphar. Les deux Joseph sont ainsi mis en parallèle (f. 2r, initiale)
3. Marie au métier à tisser?: cette miniature, sur laquelle la Sainte Vierge est couronnée, fait référence à l'épisode du tissage du voile du Temple durant lequel Marie reçu le titre de "reine des vierges" selon les récits apocryphes, mais elle évoque aussi la tunica inconsutilis tissée par Marie pour le Christ (f. 8v, initiale)
4. Visitation (f. 16v, pleine page)
5. Circoncision (f. 17r, initiale)
6. Nativité : saint Joseph est représenté à table, préparant de la nourriture ou la consommant
(f. 20v, pleine page)
7. Fuite en Égypte (f. 21r, initiale)
8. Adoration de l'Enfant Jésus : l'Enfant, allongé sur un linge blanc, et exposé sur une grande natte tissée sur laquelle saint Joseph, somnolant, est accoudé. On distingue deux petits bergers en prières derrière une claie
(f. 24v, pleine page)
9. Miracle du champ de blé : l'épisode représenté est tiré des récits apocryphes. Pourchassée par les soldats du roi Hérode, la Sainte Famille demande son chemin à un paysan semant du blé. Les épis poussent miraculeusement après le départ des fugitifs et permettent à ceux-ci d'échapper à leurs poursuivants (f. 25r, initiale)
10. Annonce aux bergers (f. 28r, pleine page)
11. Massacre des innocents (f. 29r, initiale)
12. L'Enfant Jésus brandit au-dessus de sa tête un morceau de son vêtement ou un autre tissu de la même teinte : cette scène, sans équivalent connu dans l'enluminure néerlandaise de l'époque, est difficile à identifier. Elle fait peut-être référence à la tunica inconsutilis ou à un épisode des récits apocryphes qui reste à déterminer (f. 32r, initiale)
13. Présentation au Temple (f. 37v, pleine page)
14. Miracle de la cruche cassée réparée : l'Enfant Jésus s'apprête à saisir une cruche rouge portée à lui par les rayons du Soleil. Cette représentation, elle aussi sans précédent dans l'enluminure néerlandaise ou flamande du XVe siècle, s'inspire là-encore des récits apocryphes de l'enfance du Christ. Celui du pseudo-Thomas montre ainsi Jésus rapportant de l'eau dans son manteau après avoir cassé accidentellement la cruche que la Sainte Vierge lui avait confiée pour en puiser. On remarque que Jésus porte le même habit que dans l'initiale du f. 32r, laquelle le met en scène justement avec un vêtement à la main, comme si les deux initiales étaient mises en rapport. Une cruche rouge similaire est par ailleurs posée sur la table apparaissant dans la miniature représentant la Nativité (f. 38r, initiale)
15. La Sainte-Trinité (f. 43r, initiale)
16. Ange jouant du psaltérion (f. 46r, initiale)
17. Ange agitant une clochette (f. 47v, initiale)
18. Ange jouant du triangle (f. 49r, initiale)
19. Ange jouant de la cornemuse (f. 50r, initiale)
20. Ange jouant de la flûte double (f. 52r, initiale)
21. Arrestation du Christ : le traître Juda embrasse le Christ qui tient de la main droite l'oreille du serviteur du grand prêtre tranchée par saint Pierre (f. 55v, pleine page)
22. L'Homme de douleurs (f. 56r, initiale)
23. Le Christ devant Pilate (f. 57v, pleine page)
24. Apôtre tenant un livre fermé et un gourdin : le gourdin désigne vraisemblablement
saint Jude (Thaddée) (f. 58r, initiale)
25. Portement de la Croix (f. 59v, pleine page)
26. Apôtre tenant un livre fermé et une lance :
la lance désigne vraisemblablement
saint Thomas (f. 60r, initiale)
27. Apôtre tenant une épée : l'épée désigne vraisemblablement saint Paul (f. 60v, initiale)
28. Apôtre tenant un bâton décoré d'une coquille : le bâton décoré d'une coquille désigne saint Jacques le Majeur (f. 61v, initiale)
29. Crucifixion (f. 62r, pleine page)
30. Apôtre lisant un livre et tenant une croix :
la croix désigne vraisemblablement
saint Philippe (f. 63v, initiale)
31. Lamentation (f. 64r, pleine page)
32. L'Enfant Jésus jouant à la toupie à fouet : autre scène de l'enfance du Christ qui est vêtu d'un habit similaire à celui qu'il porte dans les initiales des ff. 32 r et 38 r. On peut rapprocher cette scène d'un panneau du retable de Buxtehude sur lequel Bertram von Minden a justement représenté un fouet et une toupie à côté de Jésus enfant allongé aux pieds de la Sainte Vierge tissant la tunica inconsutilis
(f. 65r, initiale)
33. Mise au tombeau (f. 66r, pleine page)
34. Trois âmes dans les flammes du Purgatoire (f. 69r, initiale)
35. Le Christ du Jugement dernier
(f. 101r, initiale)
36. Vierge à l'Enfant enveloppée par les rayons du Soleil et soutenue par la Lune en croissant, selon les attributs de la femme de l'Apocalypse (f. 115r, initiale).

Le nom du commanditaire de ce livre d'heures est inconnu.
Le f. 2r porte aux angles supérieurs des baguettes deux petits écus qui ne peuvent être identifiés (l'un est maculé, l'autre gratté) mais qui semblent, au demeurant, avoir été peints postérieurement.
Le f. IIr est orné d'une belle enluminure plus tardive (XVIIe siècle ) représentant une grande rose portant au centre des pétales le monogramme du Christ IHS avec les trois clous de la Passion et accompagnée d'un perroquet très coloré perché sur sa tige. À droite de la rose, trois vers ont été calligraphiés?: "C'est le nom qui chasse tristesse / De noz cœurs : et toutte destresse, / Quand doulcement nous l'invoquons ". Ils sont signés P.G.C.
Au f. Iv, on trouve une précieuse annotation manuscrite paraphée?: " Alexandre De Croy / 1717 ". Celle-ci permet d'affirmer que notre livre d'heures faisait partie à l'époque de la bibliothèque de Philippe-Alexandre-Emmanuel de Croÿ (1676 - 1723), prince de Solre et de Moers, membre d'une des plus illustres familles de la noblesse européenne, et dont le fils Emmanuel fut maréchal de France. Conservée au château de Bailleul, à Condé-sur-l'Escaut, cette collection fut pillée à la Révolution (ce qui pourrait expliquer le fait que plusieurs fleurs de lis décorant la reliure aient été ôtées) avant d'être confisquée au profit de la ville de Valenciennes où sont d'ailleurs conservés aujourd'hui d'autres manuscrits portant une annotation paraphée similaire.
Ce livre d'heures fut offert en juin 1881 à Adolph von Auer (1831 - 1916) avocat, banquier et homme politique munichois, par les familles Pfister et Schmederer pour le remercier de les avoir aidées à remporter le procès qui les opposa aux époux Koelbl au sujet d'un héritage, en 1880 - 1881. Ces circonstances sont rappelées dans un long ex-dono en latin calligraphié et enluminé dans le style du XVe siècle, signé J. Weinhöppel.
Il est aujourd'hui la propriété d'une famille noble bavaroise.
Reliure du temps en veau brun sur ais de bois décorée sur chaque plat d'un double encadrement de filets à froid (entièrement ou partiellement retracés) orné de végétaux stylisés en forme de double-crosse, de feuilles, de fleurs et, à chaque angle, de fleurs de lis prises dans des losanges (quatre sur huit ont été découpées anciennement) ; au-dessus et en dessous des deux rectangles centraux qui sont couverts d'un semis de croix de saint André estampées à froid à l'aide de petits fers en losange, un caisson laissé vide porte un cartouche incurvé contenant, vraisemblablement, le nom Ihesus (ces cartouches n'apparaissent plus sur le second plat : l'un est érodé, l'autre découpé).
Deux fermoirs anciens travaillés en laiton.

Quelques taches et petits trous marginaux. Les marges de tête et externes de certains feuillets sont un peu courtes. Traces de colle dans le blanc des ff. 42r et 54v. Le premier feuillet, indépendant, est partiellement dérelié avec traces de colle dans la marge intérieure. Reliure entièrement restaurée avec soin à la fin du XIXe siècle : le dos (orné de fleurons à froid) et les mors ont été renouvelés en veau brun légèrement plus clair que le veau d'origine et certains manques de peau sur les plats ont été comblés avec le même cuir. Quelques épidermures sur le second plat et aux coupes.

Provenance :
Philippe-Alexandre-Emmanuel de Croÿ (1676 - 1723), prince de Solre et de Moers.- Adolph von Auer (1831 - 1916), avocat, banquier et homme politique munichois.- Propriété d'une famille noble bavaroise.

Bibliographie :
Miranda Bloem, De Meesters van Zweder van Culemborg : werkplaatspraktijken van een groep Noord-Nederlandse verluchters, ca. 1415 - 1440. Thèse de doctorat, Université d'Amsterdam, 2015 (le manuscrit présenté ici n'était pas connu au moment de la rédaction de cette étude, la plus complète à ce jour sur les Maîtres de Zweder van Culemborg).

Nous remercions vivement le docteur James Marrow, professeur émérite à l'Université de Princeton, et le docteur Miranda Bloem (Université d'Amsterdam) d'avoir étudié avec nous ce manuscrit.

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