RAYMOND QUENEAU. ENSEMBLE DE 96 POEMES. Sans date. 96 poèmes manuscrits, dont 3 en plusieurs versions (112 pp. à l’encre sur supports divers) ; 24 poèmes tapuscrits corrigés ; 4 tapuscrits sans corrections. EXTRAORDINAIRE ENSEMBLE DE POEMES DEVOILANT TOUTES LES FACETTES DU GENIE DE RAYMOND QUENEAU.. Tous ces poèmes sont restés inédits du vivant de Raymond Queneau et ont été publié dans la section « Poèmes inédits » du tome I de ses Œuvres complètes dans la collection de La Pléiade. Claude Debon, l’éditrice de ces textes qui, dit-elle « soutiennent aisément la comparaison avec ceux qu’il a retenus », explique avant tout leur non-publication par la pudeur de Raymond Queneau. Celui-ci aurait pratiqué une forme d’autocensure dans trois domaines « brûlants » : l’amour, la politique et la vie spirituelle. On y trouve des pièces d’époques et de genres très différents, le premier étant daté de 1920. Des poèmes « parisiens » teintés de surréalisme comme « Porte Brancion » ou « Fermeture du Bd Montmartre » : « (...) Et les arbres enlacés au-dessous des routes Se contractent en un fruit bleu à peau pelucheuse Qui roule le long de la rue Caulaincourt La mer écume au bas de la Madeleine (...) ». D’autres à résonances coquines : « La pimbêche institutrice Se chatouille l’électromotrice Avec une jolie feuille de chou (...) » ou carrément pornographiques : « Jean foutre de mes deux dit au divin marquis de Clèves la princesse au nom ostentatoire si dans le creux des mains ta queue tu eusses mis crois j’eusse méprisé cet afflux spermatoire ». On passe d’une parodie scatologique d’une chanson courtoise à des interrogations métaphysiques : « Quand mourra mon âme on ne me le dit pas pourquoi pas savoir mais personne ne me le dira Il ne reste qu’un tas d’ossements et de lettres et de squelettes et quelques directes ou indirects compléments ». Certains s’apparentent à la chanson, soit mélancolique : « Ah mais qu’as-tu fait de ton temps et qu’as-tu fait de ta jeunesse Tu as déjà perdu tes dents Et déjà se dessèchent tes fesses Oh mais dis-moi dis qu’as-tu de ton temps et de ta jeunesse (...) », soit dans la veine de Courir les rues : « En m’en retournant vers Neuilly Le printemps se prit à poindre En m’en retournant vers Neuilly L’aube se leva sur Paris Au-dessus du faubourg Montmartre la nuit s’étalait comme l’arche en arrivant rue la Boétie le ciel devint un peu plus gris (...) ». Queneau s’exerce parfois au vers bref en s’appuyant sur les sonorités des mots : « Des pas passent / un chat chasse / un chien chie / lune luit / poids de pluie / noix de nuit (...) ». Les derniers poèmes datent de quelques années avant sa mort et constituent parfois de poignants chefs-d’œuvre comme « La fin d’un monde » : « Tout s’écroule autour de moi Tout s’effrite en poussière la morale la loi le roi les cafetières et les théières (...) ». De la même période datent les trois « Sonnets anticartésiens », dont a ici plusieurs versions, savoureux mélanges de métaphysique et d’humour : « Un quelconque crachat qu’emporte le ruisseau Est-ce un être distinct ou bien un amalgame ? L’un aussi bien que l’autre fait la source d’un drame L’autre aussi bien que l’un n’a qu’un nom, c’est : ego (...) ». Il est impossible de rendre compte ici de la richesse d’un tel ensemble où se font entendre toutes les voix de l’un des poètes majeurs du XXe siècle.