Comment:
Initialement ces deux volets devaient se rabattre sur un panneau central, aujourd'hui disparu, représentant la Vierge et l'Enfant en trône entourés de saints et/ou anges, pour former un triptyque à volets articulés selon la tradition toscane du XIVe siècle pour ces œuvres de dévotion particulière. A l'origine le panneau de la Crucifixion se plaçait à droite et celui de l'Adoration à gauche de ce centre.
C'est à l'un des maîtres florentins de la fin du XIVe siècle au nom de convention le " Maître de San Martino à Mensola " connu par le grand triptyque avec prédelle, daté de 1391 représentant au centre la Vierge et l'Enfant en trône entre les saints Julien et Henri de Hongrie et un donateur, conservé dans l'église éponyme à Florence près de Settignano, qu'il faut attribuer ces volets inédits jusqu'à présent. La critique récente a relié à cette dernière œuvre plusieurs autres panneaux ou fresques dont certains datés : en 1385, la Madone et l'Enfant, Florence, collection Acton ; en 1387, la Madone et saints, fresque, Florence, Museo di Santa Croce ; en 1395, Madone et deux donateurs, Florence, collection Bellini.
L. Bellosi (" Francesco di Michele, Il Maestro di San Martino a Mensola ", Paragone, n°419-423, Janvier Mai 1985, p. 57-63 avec bibliographie précédente) a révélé la véritable identité de ce peintre anonyme: il a ainsi rapproché le tabernacle de rue peint à fresque à Colonnata près de Sesto Fiorentino commandé le 27 juin 1385 au peintre Francesco di Michele Lemmo di Balduccio des œuvres stylistiquement attribuées auparavant au Maître de San Martino a Mensola. Ce dernier, formé vraisemblablement auprès du cercle des frères Orcagna, a surtout subi l'ascendant d'Agnolo Gaddi et opéra à Florence entre les années 1370 et l'extrême fin du XIVe siècle. ( cf. M. Boskovits, Pittura fiorentina alla vigilia del Rinascimento 1370-1400, Florence, 1975, p.124-126, p.236, n.158, p.379-381, pl. 134-135, figs. 388-395; R. Fremantle, " Some additions to a late Trecento Florentine : The Master of San Martino a Mensola " Antichità Vivà , 1, 1973, p. 3-13 ; idem Florentine Gothic painters from Giotto to Masaccio, Londres, 1975, p. 275-283).
On notera la différence de climat entre les deux volets de notre triptyque : une douce sérénité dans l'expression d'hommage rendu à la Vierge par les rois, contrastant avec le côté très expressif de douleur des personnages de la Crucifixion. Cette même ambiance renforcée par un goût identique pour les effets ornementaux des draperies, réapparaît dans le triptyque de San Martino a Mensola de 1391 (Fremantle, op.cit., 1975, fig. 562) et dans la Crucifixion du musée de La Valette à Malte du maître éponyme placée entre 1390 et 1395 (cf. Boskovits, op. cit., respectivement pl. 135-134/b)
Une simple confrontation entre ces deux œuvres et les volets ici en question conforte l'attribution proposée. Dans ces tableaux comme dans nos volets, on retrouve la même propension pour l'ornementation dorée, la même verticalité amenuisant les formes volumétriques des personnages ; reviennent également les visages identiques aux profils anguleux soulignés par de longs nez effilés surmontant de petites bouches étroites et des petits yeux animés de pupilles noires se détachant fortement sur la sclérotique blanche. On placera la réalisation de ces volets de Francesco di Michele dans la première moitié de la dernière décennie du XIVe siècle.