Dessin original. Aquarelle, encre et plume, traits préparatoires à la mine de plomb. 24 x 18 cm, encadrement sous verre.
Dessin lettriste : projet de titre illustré pour son poème " À quatre prisonniers ", du recueil Châtiments.
Un hommage dessiné à ses deux fils et ses deux plus chers amis, victimes de Napoléon le Petit. Avant même le coup d'État du 2 décembre 1851, le pouvoir se durcit contre la presse, et le journal des fils Hugo, L'Événement, fut la cible de plusieurs procès qui eurent pour résultat les emprisonnements successifs de Charles Hugo (11 juin 1851), de François-Victor Hugo et Paul Meurice (12 septembre 1851), et enfin d'Auguste Vacquerie (24 septembre 1851). C'est au cours d'une des visites qu'il rendit à la Conciergerie que Victor Hugo écrivit " À quatre prisonniers " - il le ferait paraître en 1853 dans le livre IV de Châtiments :
" [...] Mes fils soyez contents ; l'honneur est où vous êtes.
Et vous, mes deux amis, la gloire, ô fiers poètes,
Couronne votre nom par l'affront désigné [...]
Ils vous ont condamnés, que l'avenir les juge ! [...] "
Hugo a laissé plusieurs autres compositions connues pour enluminer son nom ou des titres d'œuvres.
Envoi autographe d'Hugo " Aux deux frères Asplet ", ses principaux amis et soutiens jersiais. Charles Asplet, épicier à Saint-Hélier, était un hugolâtre qui possédait les œuvres complètes de l'écrivain. Son frère Philippe Asplet, qui écrivait de la poésie en dialecte jersiais, dirigeait une fabrique de bougie et occupait les fonctions de " centenier " (officier de police et de justice). Il avait également de l'admiration pour Victor Hugo dont il approuvait la lutte en faveur de la liberté politique, et noua avec lui de solides relations d'amitié, l'invitant parfois chez lui pour de joyeux repas. Bien qu'il n'ait pu empêcher leur expulsion de l'île en 1855 et qu'il ait du subir les insultes de beaucoup de ses compatriotes, Philippe Asplet fut d'un grand secours aux proscrits : il fit transiter secrètement par chez lui les épreuves de Châtiments, fit enfermer pour dettes un espion français et demanda l'internement du proscrit Jules Allix quand celui fut pris de démence. Il vint encore rendre des visites à Hugo sur l'île de Guernesey, par exemple en 1860 pour lui remettre une pétition lui demandant de bien vouloir assister à un meeting en faveur de Garibaldi et de l'unité italienne.
Au verso, Hugo a inscrit deux importants passages autographes de son recueil poétique Dieu, présentant de nombreuses variantes avec la version imprimée.
- Sur les " fantômes sans nom ". Vers du dernier poème de la seconde partie (" Les Voix ") du premier livre (" Ascension dans les ténèbres "), concernant les " fantômes sans nom " et " noirs contemplateurs " (correspondant aux vers 2233 à 2242 de la version imprimée) :
" D'autres sont échoués dans l'immobilité.
La terreur sans espoir fait leur tranquillité.
Leur épaule fléchit comme s'ils portaient toute
La charpente du monde avec toute la voûte.
Et la sérénité de l'[insondable ?] nuit
Descend sous leur front blême où leur œil fixe luit.
Ils ont pour vision éternelle la chose
Sans nom, sans jour, sans bruit, sans bord, sans fin, sans cause,
Jamais ne s'arrêtant, jamais ne s'achevant,
Terrible, avec des vols de spectres dans le vent. "
- Sur " les mages - les druides ". Vers des " Paroles du spectre ", dans le livre II (" Dieu "), concernant " Les mages - les druides " qui, dans la version imprimée deviendraient les " songeurs ", " penseurs " et " poètes " (vers 26 à 33 et 47 à 48) :
"... Où l'étoile tombant qu'à sa trace on devine
Glisse comme échappée à quelque main divine,
Le grand, le vrai, le beau, l'idéal, le réel pour les sages
Ont de mystérieux et limpides / splendides passages ;
Pour les saisir au vol dans les immensités
Ils guettent ces éclairs qu'on nomme vérités ;
L'impossible les prie, l'inouï les réclame,
Et grands esprits vautours, ils se lancent sur l'âme...
Ils s'abattent sur l'être, ils s'abattent sur Dieu. "
- Fragments. Avec quelques autres vers autographes appartenant aux recherches pour le même recueil, comme ce passage des paroles de la huitième " voix " du livre II, celle des démons :
" Nous sommes les flottants de l'immense azur noir... "
ou d'autres fragments versifiés non situés, comme :
" Ils vont, un doigt levé,
Regardant fixement l'ombre incommensurable. "
ou encore comme :
" et dans l'[air ?] immobile arrive et disparaît
comme une fumée entre aux bois d'une forêt. "
- Quelques inscriptions au crayon ont été effacées.
Expositions
- EL POETA COMO ARTISTA. Las Palmas, Centro Atlantico de Arte Moderno, 4 avril-21 mai 1999. Reproduction p. 61 du catalogue.
- L'UN POUR L'AUTRE, LES ECRIVAINS DESSINENT. Caen, IMEC, Lisbonne, Musée Berardo, Ixelles, Musée communal, janvier 2008-janvier 2009. Reproduction dans la notice n° 1 du catalogue.
Bibliographie
-DESSINS D'ECRIVAINS. Paris, Éditions du Chêne, 2003. Reproduction p. 13.