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Marcel PROUST
L.a.s. à Reynaldo Hahn, [1906]
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Complete Description

L.a.s. à Reynaldo Hahn, [1906]

Une des plus belles lettres de Proust, pastichant la marquise de Sévigné, dans un exercice de style propre aux lettres à Reynaldo Hahn (dit, ici, marquis de Buninuls).
8 p. in-12, papier de grand deuil, s.d. [Versailles, jeudi 9 août 1906].
Écrite avant les pastiches de l'Affaire Lemoine (1908-1909), cette lettre est l'un de ses pastiches les plus réussis, et on s'amuserait à en décortiquer les parallèles comme les détournements. Notons que, parti vivre à l'Hôtel des Réservoirs à Versailles après la mort de sa mère, écrivant encore sur un papier de grand deuil, Proust émet là un autre hommage aux goûts littéraires de sa mère. Mme Proust, sous les traits de la grand-mère du narrateur dans Albertine disparue reprochait à ceux qui ne connaissent de Sévigné que cette citation d'en abuser : "Nous ne daignons ramasser ce Sévigné de tout le monde" (RTP, IV, 236). Dans sa lettre à Reynaldo Hahn, Proust utilise les expressions de la marquise, mais détourne la citation de manière burlesque. La succession d'épithètes de cette nouvelle "la plus étonnante, la plus surprenante, la plus merveilleuse, la plus miraculeuse, la plus triomphante, la plus étourdissante, la plus inouïe, la plus singulière, la plus extraordinaire, la plus incroyable, la plus imprévue, la plus grande, la plus petite" que la marquise annonce à M. de Coulanges est le mariage inattendu de Lauzun avec Mademoiselle, cousine du roi (Pléiade, I, n° 121). Proust retourne les formulations de l'original ("la moins incroyable, la moins grande…") et fabrique comme elle un dialogue fictif pour annoncer l'établissement, ridicule, d'un ancien portier d'hôtel comme antiquaire. On ne peut qu'admirer la maîtrise de l'auteur qui, comme il l'explique lui-même, cite - ou pastiche - de mémoire : "Notez que je n'ai point Me de Sévigné ici, que je vous dis tout cela en m'appuyant bien gauchement sur l'étrier d'une mémoire branlante, et de l'autre côté sur l'étrier de l'inspiration reconstructive pour faire ainsi suivre aux sabots du poney les traces immortelles qu'a laissées le Pégase de la Marquise". La fin de la lettre détourne une autre fameuse phrase de la marquise dont tout le monde abuse ("La jolie chose que c'est que de faner").
Après le décès de sa mère en 1906, Proust doit quitter l'appartement familial rue de Courcelles et trouve refuge à l'Hôtel des Réservoirs à Versailles (août-déc. 1906) en attendant de trouver un nouvel appartement à Paris. Il évoque ici les conditions de son logement ("lugubre rez-de-chaussée").
BIBLIOGRAPHIE : Correspondance, éd. Kolb, VI, lettre n° 102.

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