PEUT ETRE N'ARRIVE T-IL RIEN AU MONDE QUI NE SOIT EXPRES.
Divers formats, plusieurs L.A.S., quelques L.T.S., enveloppes conservées pour certaines. Env. et courrier à en tête N.R.F.
C'est une relation amicale et de travail : à partir de 1938, ils se tutoient et les lettres deviennent plus familières, plus intimes.
- En 1929, il remet fortement en question le surréalisme "J'ai trop aimé le surréalisme- c'est peu dire j'ai trop cru au surréalisme- pour que ce grotesque ne me gêne pas. Si le mot "charlatan" vous déplait, mettez que ces gens ne se rendent pas comptent de ce qu'ils font, ou ne s'en soucient pas et que l'on ne doit tenir aucun compte de ce qu'ils affirment d'eux-mêmes. Simplement je ne voudrais pas être d'eux, déjà pour cette seule raison. Ajoutez que je sais pourquoi ils ont commencé à déraisonner. Quand je songe à Breton, à Eluard, je vois des hommes qui ont d'abord apporté les exigences les plus fortes, les plus bouleversantes à force de justesse, celle auxquelles je suis le moins prêt à renoncer. Ils les ont vus repoussées. Depuis ils boivent pour oublier. LA FAIBLESSE DES SURREALISTES EST DANS LEUR CONFORMISME".
- 1932. "Tantôt le rendez vous d'un soir d'hiver m'enchante et tantôt il me paraît faux à crier…Je ne retiens enfin de ces cent trente pages que quelques poèmes…"
-1938. "Gardez le Tao Te King, s'il vous est nécessaire. Je me reproche à présent d'avoir fait un choix. Or je crois qu'il faut à la fois le fatras et ce qu'il s'en dégage lentement. MAIS COMMENT SE DEFAIRE A JAMAIS DE L'ILLUSION QUE L'ESSENTIEL PEUT SE DIRE.
- 1938. "J'en suis encore à me demander pourquoi Marcel Jouhandeau a écrit le Péril Juif. Mais il l'a écrit : et si vous n'avez pas reçu ce petit livre, je vous l'enverrai.
- 1938. Lui propose d'acheter une œuvre d'Henri Michaux. "(Que je choisirais avec lui parmi celles de l'exposition Pierre [Galerie Pierre Loeb, novembre 1938] très belles) pour 500 ou 600 ? H.M. les vend en général 1500."
- 1938. "Bien cher ami, le plus impossible de tout serait pourtant que je vous mente. Je ne trouve dans vos nouvelles pages rien qui les sépare des anciennes. C'est toujours cette fuite insensible, cet effilochement, cette perte à tout moment de substance, sans que votre lecteur en soit enrichi, cette suite où rien ne s'accumule, cet échange qui manque au moment où on l'exigeait…Mais qui parlerait de vous sans faire grande place d'abord aux machines que vous montez contre vous-même…". Il se montre très sévère sur l'art : "depuis la grande époque il ne s'est révélé que deux très grands peintres : Soutine et Fautrier. / Je voudrais ajouter Ernst. Pardonne-moi". Joe Bousquet lui a envoyé une œuvre d'Ernst qui ne lui plait pas : "Je ne l'aime pas. Je trouve curieux qu'il lui ait donné à tel point l'air d'une reproduction… que tout cela est intellectuel, réfléchi (au mauvais sens du mot) de pur truc et de mécanisme". Lui demande s'il a lu "Le Château" de Kafka, "le livre le plus merveilleux qu'il soit, et les Vanilliers" [de Georges Limbour].
- 1939. C.P. Lui demande s'il aurait dans ses connaissances quelqu'un qui pourrait accueillir un écrivain espagnol échappé des camps de concentration. Découvre la pratique de l'opium de Joe Bousquet : "je suis content de savoir enfin le sens de cette pipe et de cet envoi (mais soyez très prudent). Je dois revoir Artaud dans quelques jours. La question des devises est je pense assez grave".
Sur un article de Bousquet à paraître aux Cahiers du Sud : "et je serais si désireux qu'il y ait entre la NRF et eux plus d'amitié. Hier longuement parlé de vous avec Daumal". J. Paulhan vit chez Joe Bousquet, "Où cette entrée de neige et d'escalier m'était si vite ouverte". Il a "vu chez Parisot les cinq plus beaux Ernst que je connaisse (avec les tiens), Eluard ne veux plus, près de lui de ces toiles surréalistes. (Qui, dit-il, le troublent) Il est tout à ses livres et monte un Max Jacob-Picasso jusqu'à 18000 fr. Moi je me suis enrichi de deux Masson un "Sacrifice et la Rose d'Artémis...".
Ballard et les Cahiers du Sud ont refusé Clefs pour la poésie et Paulhan souhaite que la NRF disparaisse. "Ballard me l'a très nettement (quoique avec beaucoup de formes et de délicatesse) refusée. Ceci entre nous. Si la NRF reparaît comme nous le voudrions, elle y paraîtra. Comme nous le voudrions, sans trop le vouloir. Sans aller jusqu'à certaines concessions, sans quoi je crains bien qu'il n'y ait rien à faire. Pour tout dire je n'ai pas confiance et je ne vois pas un très grand inconvénient à ce que la NRF disparaisse- telle qu'elle est depuis deux ans."
-1943. Carte de visite portée par son fils, énigmatique, Paulhan se cache. " Bien cher Joe, c'est mon fils Fred qui te donnera ce mot. Je sais bien que tu l'accueilleras, comme tu m'accueillerais. Je t'embrasse."
- Lui est attribué un texte publié "par une revue clandestine sur l'histoire de la Nrf, évidement dans un sens anti-Drieu, cependant pleine d'erreurs et de ragots. Cela peut être dangereux. En tout cas, c'est vexant. Bien." Sur Fautrier, la peinture et la critique : "Mais il ne suffit pas, dans la vie d'avoir un langage… Avoir son double… je préférerais, son négatif. Plus d'une toile de Fautrier peut comme un cliché, être regardée tantôt en positif, tantôt en négatif". "T'ai-je parlé des jugements de Malraux : ce qui le gêne parfois c'est chez Fautrier, l'arabesque, le pur, trop pur, graphisme; enfin le coté si tu veux Miro. (Mais justement il est absent des tiens.)". "Fénéon va un peu mieux. Vivra-t-il encore six mois? Nous lui porterons lundi des œufs et du chocolat. Imagine ce que peut être pour un homme délicat au point de s'être passé chaque jour, jusqu'à soixante ans, les genoux à la pierre ponce, de se trouver soudain, dix fois par jour, tout trempé de ses excréments. (Car c'est l'un des effets de l'anus iliaque, qu'une diarrhée continuelle) QU'IL MEURE VITE".
PROVENANCE : Joe Bousquet.