Comment:
Cette impressionnante composition reprend le célèbre tableau de Michel-Ange, aujourd'hui perdu et connu notamment par une copie conservée à la National Gallery de Londres.
L'original, exécuté en 1530 pour Alphonse Ier d'Este, duc de Ferrare, fut apporté à Lyon en 1532 par Antonio Mini, assistant de Michel-Ange, qui le porta à Fontainebleau où il fut copié par Rosso avant de disparaître.
Tout comme notre tableau, la gravure de Cornelis Bos (Fig.1) reprend avec exactitude les détails de la composition originale disparue : les plis des drapés, les détails des plumes et de la coiffe et surtout la présence des deux œufs aux pieds de Leda, l'un d'eux s'ouvrant et laissant apparaître Hélène et Castor ou Clytemnestre et Pollux.
J. Wilde fait remarquer que tous ces détails que l'on retrouve sur la gravure de Bos n'ont probablement été exécutés par Michel-Ange que sur le tableau lui-même1.
Considérant l'ancienneté de notre imposant panneau, il nous est permis de penser que ce dernier a peut-être été réalisé directement d'après l'original de Michel-Ange, probablement lorsque que cet original se trouvait à la cour de François Ier à Fontainebleau.
Tout comme pour la gravure de Cornelis Bos, cette reprise exacte de la composition de Michel-Ange témoigne de la célébrité des collections royales françaises auprès des artistes originaires des Pays-Bas.
Commentant la gravure de Bos dans le catalogue de l'exposition Fiamminghi a Roma, 1508-1608, Bert W. Meijer rapproche la position choisie par Michel-Ange pour représenter sa Leda de celle de la Nuit, elle-même sculptée par l'artiste pour le tombeau de Julien de Médicis à Florence 2. En effet Michel-Ange conçoit la sépulture de Julien de Médicis dès 1520 et travaille à sa réalisation finale en même temps qu'il réalise sa Leda, c'est-à-dire vers 1530.
De cette grande similitude de position découle l'idée de Johannes Wilde selon laquelle l'artiste, par ces deux réalisations, illustre la pensée néo-platonicienne selon laquelle l'amour d'un Dieu pour un mortel permettait à ce dernier d'accéder à l'immortalité. La mort - et donc la nuit - permettait en effet tant pour la mortelle Léda séduite par Zeus que pour Julien de Médicis d'accéder à l'éternité.
1 - Johannes Wilde, " Notes on the Genesis of Michelangelo's Leda ", in Fritz Saxl, '1890-1948. A Volume of Essays', Londres, éd. D.J. Gordon, 1957, p. 227.
2 - 'Fiamminghi a Roma, 1508 - 1608', catalogue d'exposition, Bruxelles-Rome, 1995, p. 85.