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GAULLE Charles de.
2 L. A. S., 11 et 29 juillet 1916, à sa mère Jeanne de Gaulle ; 6 pages in-12 chaque au crayon avec cachet à l’encre allemand (légers défauts : traces, pliures, quelques infimes manques marginaux).
Estimation :
5 000 € - 6 000 €
Vendu :
9 184 €

Description complète

GAULLE Charles de.
2 L. A. S., 11 et 29 juillet 1916, à sa mère Jeanne de Gaulle ; 6 pages in-12 chaque au crayon avec cachet à l’encre allemand (légers défauts : traces, pliures, quelques infimes manques marginaux).

Lettres de captivité, où le capitaine de Gaulle fait le récit de son assaut et rend hommage à son commandant mort au combat.


11 juillet. « Ici rien de nouveau pour nous. Notre physique et notre moral sont excellents. Je vous disais dans ma dernière lettre que les Allemands ne nous distribuaient pas les paquets que l’on nous envoyait. Ils le font maintenant et je suppose qu’ils continueront à le faire. Mais comme nos cœurs battent en ce moment avec ceux de tous les Français. Comme le mien s’unit de près avec les vôtres, avec ceux de Xavier, de Jacques, de mes chers cousins, de Pierre peut-être un de ces jours. Nous sommes ici bien renseignés car nous recevons tous les journaux ennemis que nous demandons et ils ont jusqu’à présent publié tous les communiqués de la France et de ses alliés. Vous m’avez à plusieurs reprises demandé ce que je savais de la mort du commandant Cordonnier. Je n’étais pas auprès du Commandant le jour du combat de Douaumont, en ce sens qu’il était à l’extrémité est du village et moi à l’extrémité ouest. Mais j’ai vu ensuite son adjudant de bataillon, l’adjudant Bacro (je ne sais où il est à présent en Allemagne), et je ne puis vous renseigner exactement. Pendant l’inénarrable bombardement auquel nous avons été soumis avant l’assaut de l’infanterie allemande, le Commandant est demeuré à son poste de commandement, d’un calme et d’un courage admirables, encourageant dans les très rares moments où il put le faire voir et entendre les quelques hommes qui se trouvaient à ce moment autour de lui. Il fit tout ce qu’il avait à faire, outre l’exemple à donner, chercha à se mettre en communication avec le colonel et cela à plusieurs reprises, sans y parvenir naturellement jamais, car tous les agents de liaison envoyés étaient tués avant d’avoir fait dix pas. Je vous ai déjà écrit que l’infanterie ennemie se présenta à nous par notre droite d’abord (c’est-à-dire du côté de notre ligne où se trouvait le Commandant), et par surprise en ce sens qu’elle apparut à vingt mètres des survivants du bombardement et les couvrit de grenades avant qu’ils aient pu pour la plupart reprendre leurs esprits. Le Commandant dès qu’il vit l’ennemi saisit le fusil d’un mort et tira une ou deux cartouches sur les assaillants. Il tomba aussitôt frappé de plusieurs balles à bout portant dont l’une lui traversa la tête. Il fut donc tué raide et sans agonie. Après le corps-à-corps, l’adjudant Bacro prisonnier recommanda le corps du Commandant aux fantassins allemands qui étaient là. Mais, naturellement, même s’ils l’avaient voulu, ceux-ci n’auraient rien pu faire pour lui, car sitôt le village perdu par nous commença notre bombardement à nous sur les assaillants, et ils ont eu depuis sur le même terrain d’autres préoccupations. Peut-être ont-ils pu cependant trouver moyen depuis lors d’enterrer au moins quelques-uns des milliers de cadavres entassés là. Dans ce cas ils l’auront fait à proximité immédiate des débris du village. […] Les jours qui précédèrent le combat de Douaumont, notre Régiment fut employé à des travaux nombreux et périlleux où le commandant Cordonnier se montra l’homme de devoir et de discipline qu’il était pardessus tout. »

 

29 juillet. Il évoque sa captivité et se veut rassurant quant à sa santé : « Soyez absolument sans inquiétude sur ma santé physique et morale. Je me porte le mieux du monde et je vois l’avenir du plus beau rose ! » Il se félicite ensuite des « gloires récentes » de ses frères Jacques et Xavier qui sont de nouveau engagés. Il ne « cesse de penser à eux et de les envier ». Il termine en détaillant certaines petites vexations imposées par sa situation et fait même un peu d’humour : « Si l’on ne nous a pas privés de dessert, c’est parce qu’on ne nous en a jamais donné ». Quant aux gardiens, « dans l’armée allemande comme du reste dans toutes les autres, ceux qui gardent les prisonniers sont bien rarement ceux qui les font… »


LNC, i, p. 260-261 et 263-264.


On joint une L. A. S. d’Henri de Gaulle à son fils le capitaine Charles de Gaulle, prisonnier à l’Offizierkriegsgefangenenlager à Osnabrück, Paris 23 avril 1916 (3 p. in-8, cachet à l’encre P12). Il a lu avec émotion les détails du combat et recopie l’ordre du jour de l’Armée concernant Charles : « Commandant de Compagnie réputé pour sa haute valeur intellectuelle et morale ; alors que son bataillon, subissant un effroyable bombardement, était décimé, et que les Allemands atteignaient sa compagnie de tous côtés, a enlevé ses hommes dans un assaut furieux et un corps-à-corps farouche, seule solution qu’il jugeait compatible avec ses sentiments de l’honneur militaire. Est tombé dans la mêlée. Officier hors de pair à tous égards ».

Provenance :
– Charles de Gaulle (1890 – 1970) ;
– Puis Philippe de Gaulle (1921 – 2024) ;
– Puis descendance.

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