The Virgin and Child, oil on panel, by the Master of the Legend of the Magdalene
11.02 x 7.87 in.
Galerie Pardo, Paris, vers 1957 ;
Collection de Madame Tillitse ;
Vente anonyme ; Londres, Sotheby's, 6 avril 1977, n° 111 ;
Galerie De Jonckheere, Paris ;
Acquis auprès de cette dernière par les parents des actuels propriétaires en 2004 ;
Collection particulière, France
Burlington Magazine, mars 1957, p. VIII
Le nom de convention du maître de la Légende de Sainte Madeleine a été forgé par Max J. Friedländer à partir d'un polyptyque, aujourd’hui dispersé, dédié à la vie de Marie-Madeleine. L’un des panneaux, Le Sermon de Marie-Madeleine, se trouve au musée de Philadelphie tandis qu’une autre œuvre, Marie-Madeleine avant sa conversion, se trouvait au sein des collections du Kaiser-Friedrich Museum de Berlin avant d'être détruite au cours de la seconde guerre mondiale. Le corpus de ce peintre anonyme fut enrichi d’autres œuvres qu’on lui donna sur des critères stylistiques. Jeanne Maquet-Tombu tenta de reconstruire le polyptyque en lui adjoignant quatre autres œuvres : Noli me tangere et Louis X de France avec des donateurs et sainte Marguerite d’Antioche (Staatlisches Museum, Schwerin), le Repas dans la maison de Simon le Pharisien (Szépművészeti Múzeum, Budapest) et la Résurrection de Lazare (Copenhague, Staatens Museum for Kunst). D’autres œuvres lui sont attribuées comme l’Annonciation (Musée d’art ancien, Bruxelles), le Repos pendant la Fuite en Egypte (Melbourne, National Gallery of Victoria), la Sainte Famille (Koninklijk Museum voor Schone Kunsten, Anvers) et la Vierge de l’Annonciation (Westfälisches Landesmuseum, Munster)1. Probablement actif à Bruxelles, le maître de la légende de Sainte Madeleine réalise sans doute ses œuvres entre 1483 et 1527. Il puise largement son inspiration dans les travaux de son illustre prédécesseur bruxellois Rogier van der Weyden ainsi que dans les œuvres plus récentes de Bernard van Orley. Le maître demeure anonyme malgré la tentative de Max J. Friedländer d’identifier le Maître de la Légende de Sainte Madeleine au peintre Pieter van Coninxloo.
Parmi les caractéristiques de son œuvre, il convient de souligner pour les hommes, des visages aux traits affirmés laissant voir leur structure osseuse, tandis que pour les femmes, il est possible d’observer des traits plus doux et un visage arrondi généralement accompagné d’yeux mi-clos. Notre Vierge au visage allongé qui presse son enfant contre son sein correspond stylistiquement aux développements picturaux du maître. Elle présente un long nez fin, une petite bouche rosée et des yeux clairs entrouverts. L’Enfant Jésus dépose délicatement sa tête sur l’épaule de la Vierge la main droite contre sa tête et la main gauche placée contre le sein de sa mère. Selon Jeanne Tombu, ce type dériverait, par l’intermédiaire de Rogier van der Weyden, du maître de Flémalle. Elle rapproche ce motif de la Madone Médicis de Rogier van der Weyden du Städel Museum de Francfort (n° 850).
Le maître de la légende de Sainte Madeleine est l’auteur d’un groupe de Vierges à l’Enfant figurées à mi-corps adoptant différentes poses2. Parmi ces panneaux, plusieurs se rapportent à notre œuvre. Il en va ainsi du diptyque de Willem van Bibaut (chartreux originaire des Pays-Bas qui s’établit et finit ses jours à la Grande Chartreuse de Grenoble) qui présente la même composition que notre panneau (Amsterdam, collection particulière, 24,5 x 14,5 cm)3.
Egalement sur fond d'or, nous connaissons une version conservée à Anvers au Museum Mayer van den Bergh (inv. 384) ainsi qu’une autre présentée chez Sotheby’s (vente anonyme, Paris, Sotheby’s, 14 juin 2022, n° 31). Ces deux œuvres sont figurées sur fond d’or – aussi peut-être était-ce également le cas pour notre panneau sur lequel on aurait ajouté le nimbe ultérieurement autour du visage de la Vierge.
Une autre version de la Vierge à l’Enfant encore plus proche de la nôtre, sur fond monochrome noir, nous est connue, ce qui leur valut d’être souvent confondues en particulier lors de la vente Sotheby’s de 1977. Cette autre Vierge se trouvait autrefois dans la collection Warneck dispersée à Paris les 27 et 28 mai 1926. Elle avait auparavant appartenu au comte G. Stroganoff à Rome (collection particulière).
Au total, Jeanne Tombu dénombre sept répliques de cette œuvre. Peut-être notre panneau est-il celui se trouvant autrefois dans la collection Carvalho ou bien celui de la collection Demandolx-Dedons, à Marseille, bien que les dimensions semblent nous obliger à écarter cette hypothèse (26 x 18 cm). Au XVe siècle, ces Vierges étaient produites et commercialisées en nombre pour répondre à l’importante demande de pièces dévotionnelles. Aussi, il n’était pas rare que ces peintres réalisent plusieurs versions à partir d’un même prototype. Le nombre important de déclinaisons offre un témoignage précis du succès que reçut la composition.
Nous remercions Peter van den Brink de nous avoir aimablement confirmé l'authenticité de cette œuvre par un examen de visu le 2 juillet 2024.
1. Jeanne Tombu, « Un triptyque du Maître de la légende de Marie-Madeleine », Gazette des beaux-arts, XV, 1927, p. 299-310 ; Jeanne Tombu, « Le Maître de la légende de Marie-Madeleine », Gazette des beaux-arts, XVII, 1929, p. 258-292.
1. Citons une Vierge à l’Enfant pressant son sein entre ses doigts pour l’offrir à son jeune enfant attribué au maître. Elle est conservée au Museum voor Schone Kunsten, Gand, inv. n° 1957.
2. De récentes analyses du bois ont permis de conclure que la Vierge à l’Enfant avait été réalisée par le Maître de la Légende de Marie Madeleine tandis que le portrait de Willem de Bibaut avait sans doute été produit par un autre maître français anonyme. La Vierge à l’Enfant est peinte sur chêne tandis que le portrait de Willem van Bibaut est sur bois de noisetier. L’œuvre fut présentée lors de l’exposition de 2007 : Les primitifs flamands : les plus beaux diptyques (Nico Van Hout, John Oliver Hand, Ron Spronk (dir.), Washington, National Gallery, Anvers, Koninklijk Museum voor Schone Kunsten, 2006-2007, p. 64-65 ainsi que dans l’exposition plus récente du Rijksmuseum d’Amsterdam Vergeet me niet (2021-2022). Cette œuvre se trouvait autrefois dans la collection du comte et de la comtesse d’Outremont.