Plate of fruits on a chair surrounded by a parrot, a monkey and a dog, oil on oak panel, by F. Snijders
27.75 x 41.33 in.
Collection Earl of Haddington ;
Sa vente, Londres, Sotheby's, 3 février 1954, n° 137 (comme Frans Snijders) ;
Galerie De Jonckheere, Paris ;
Acquis auprès de cette dernière en 2004 par les parents des actuels propriétaires ;
Collection particulière, France
Edith Greindl, Les peintres flamands de nature morte au XVIIe siècle, Sterrebeek, 1983, p. 353, n° 238 (comme Jan Fyt)
Hella Robels, Frans Snyders, Stilleben- und Tiermaler Munich, 1989, p. 279-280, n° 159
L'Estampille-Objet d'art, avril 2004, repr. p. 93
Sur un large fauteuil cloué d’un cuir pourpre, des grappes de raisins blancs et rouges et des coings ont été placés sur un large plat d’inspiration Wan-Li. Deux animaux convoitent cette profusion de fruits : un singe vervet, qui se tient au fauteuil, la chaîne qui l’entravait brisée, et un perroquet jaco qui se tient face à lui, les serres placées sur le pampre d’une vigne. Dans la partie inférieure gauche du tableau, un chien laisse apparaître sa tête avec dynamisme montrant ses crocs au perroquet dont il ferait bien son repas. Cette composition nous offre la quintessence de l'art de Snijders. Le peintre se révèle dans ce grand panneau à la fois comme l'immense artiste que nous connaissons, mais aussi comme un peintre complet, maitrisant l'espace, la lumière, les mouvements, les fruits comme les animaux dont il détaille l’anatomie avec une précision quasi scientifique.
Hella Robbels, la spécialiste de cet artiste, date cette œuvre des années 1640. Elle rapproche notre tableau d’une œuvre conservée au musée national de Stockholm (inv. n° 637) sur laquelle le perroquet et le chien apparaissent dans la même position. Un autre tableau du maître anversois montre qu’il emploie cette mise à scène à plusieurs reprises. Les chiens apparaissent sur la droite de l’œuvre comme surgissant près des mets qu’ils convoitent. Snijders a représenté à plusieurs reprises le thème des singes voleurs de fruits symbolisant la gourmandise, l'excès de gloutonnerie et l’intempérance. Par exemple, trois tableaux sur ce thème sont conservés au musée du Louvre : Trois singes voleurs de fruits, avec échappée sur un paysage (inv. MI 981), Deux singes pillant une corbeille de fruits (inv. RF 3046) et Singes et perroquet auprès d'une corbeille de fruits (inv. MI 982). L’assiette de fruits fait office de vanité : ces raisins appétissants font allusion à la nature périssable des choses terrestres.
Frans Snijders entre en 1593, à l'âge de 14 ans, dans l'atelier de Pieter Brueghel II. Maître en 1602, il se rend en Italie, à Rome puis à Milan, durant un voyage de deux années en 1608 et 1609. De retour à Anvers, il se spécialise dans les natures mortes et sa réputation s'étend rapidement, à tel point que Rubens fait appel à lui entre 1611 et 1616 pour collaborer à certaines de ses œuvres. Ayant épousé en 1611 Marguerite de Vos, sœur de Cornelis et de Paul de Vos, il influence considérablement ce dernier pour ses sujets animaliers. Membre de la Société des Romanistes à Anvers en 1619, il en devient le doyen en 1628. Il s'impose comme l'un des peintres les plus importants et les plus reconnus de son époque, recevant de nombreuses commandes prestigieuses de la part des grands princes et des hauts dignitaires de l'empire Habsbourg, de Madrid à Bruxelles, de Vienne à Milan. Snijders inventa ce type de scènes d’intérieur où les animaux occupent une place prépondérante. Dédiant sans doute de très nombreuses heures à l’observation des animaux qu’il représentait morts ou vivants, il employait le dessin pour étudier pelages et plumages d’une grande variété d’espèces. Port de premier plan dès le XVIe siècle, Anvers fut l’une des premières villes où l’on put admirer des animaux exotiques vivants et naturalisés. Objets de curiosité, de nombreux oiseaux rapportés du Brésil par les navires hollandais furent visibles par les Anversois. Snijders les peint avec ardeur tel qu’on l’observe sur le tableau du musée de Louvre figurant un concert d’oiseaux perchés sur des branches (MI 980). Le chien est lui un témoignage de l’intérêt du peintre pour les scènes de chasse telles celles qu’il peint pour le pavillon de chasse de Philippe IV, la Torre de la Parada, et le palais royal de Madrid vers 1639-1639. L’un des aspects les plus frappants de l’œuvre de Snijders est sa bonne compréhension de la structure anatomique des animaux et notamment des chiens de chasse dont il dévoile ici l’énergie et l’avidité par le biais du museau plissé et de la gueule ouverte dévoilant des dents féroces. Par ce tableau, nous saisissons le génie de Snijders qui nous propose ici une peinture non seulement dynamique mais aussi sonore de laquelle s’échappent les aboiements et grognements du chien et les cris du perroquet jaco.