Signé 'P. BREVGHEL' en bas à droite
(Restaurations)
The Wedding Procession, oil on oak panel, signed, by P. Brueghel the Younger
27.56 x 44.88 in.
Galerie De Jonckheere, Paris ;
Acquis auprès de cette dernière par les parents des actuels propriétaires en 2004 ;
Collection particulière, France
Le traitement de ce sujet par Pieter Brueghel le Jeune intervient relativement tard dans la carrière du peintre. Dans son catalogue raisonné de l’artiste1, Klaus Ertz date les premiers exemplaires, dont l’exécution témoigne d’une iconographie aboutie, de 1623. Il s’agit des deux versions datées de cette année, relativement proches, qui sont aujourd’hui conservées au musée du Petit Palais (inv. 2500) à Paris et au Worcester Art Museum (inv. 1991.176) dans le Massachussetts. L’absence d’une composition originale de Pieter Brueghel l’Ancien (vers 1525-1569) clairement identifiée, conduit les spécialistes à spéculer sur la personnalité de l’inventeur du modèle dans la mesure où de nombreux collaborateurs travaillaient au sein de l’atelier de Pieter Brueghel le Jeune et que de nombreuses œuvres de cette époque ont disparu.
Si leur théorie n’est plus admise aujourd’hui, un premier groupe de chercheurs, emmené par Georges Marlier, voudrait que le Cortège de noce qui entre dans les collections du Musée de la ville de Bruxelles en 1966 (inv. K19666.1), serait la composition originale de Pieter Brueghel l’Ancien, celle qui inspire la « demi-douzaines de répliques » repérées2. S’appuyant sur l’inventaire établi en 1689, de la collection du graveur anversois Alexander Voet (1613-1689), qui mentionne « Een schoustuck, eenen bruy tskerckganck »3, l’auteur associe ce thème aux panneaux décoratifs de cheminée. Si cette observation fait l’unanimité des intervenants, l’attribution proposée par Charles de Tolnay puis Fritz Grossman, définitivement admise depuis Klaus Ertz4, qui donne le panneau de Bruxelles à Jan Brueghel l’Ancien (1578-1625), oriente le débat vers une autre piste, beaucoup plus originale.
Rentré d’Italie en 1596, Jan Brueghel l’Ancien entreprend de confronter son art à l’imposant héritage de son père, avant d’emprunter une voie qui gagne progressivement en autonomie. Parce qu’il hérite de l’atelier, et pour des raisons personnelles plus difficiles à établir, son frère aîné consacre la plus grande partie de sa vie à diffuser des compositions déjà inventées, attachant définitivement sa personnalité à celle de leur père. Dans le cas du panneau que nous présentons ici, Klaus Ertz propose une démonstration qui fait exception à cette règle reconnue par l’historiographie. Ne reconnaissant pas l’esprit subversif du père dans la construction de la composition, mais seulement la juxtaposition éparse de quelques-uns de ses motifs caractéristiques, il envisage le Cortège de noce, non pas comme une invention originale de Pieter Brueghel l’Ancien, mais comme une création réalisée par un contemporain de moindre importance, et influencée par son génie. Deux noms sont alors avancés, celui de Pieter Balten (1540-1584), autour de qui est attribuée la très belle copie conservée au musée Calvet d’Avignon (inv. 842.3.3), et celui de Maarten van Cleve (1527-1581), à qui sont rattachées les figures5. Formé à l’école bruegélienne du XVIe siècle, cet artiste invente la composition à la fin du XVIe siècle, qui est ensuite reprise par Jan Brueghel l’Ancien à son retour d’Italie, avant d’être déclinée en série par Pieter Brueghel le Jeune à partir des années 16206.
Contrairement aux autres versions que nous illustrons ici, notre panneau se démarque par l’absence de quelques motifs iconiques, comme le crâne de cheval représenté dans le coin inférieur droit, souvent assimilé à une vanité. Débarrassée de ces références empruntées à l’univers du père, l’œuvre gagne en qualité décorative. Particulièrement appliqués, le traitement des figures et la construction du paysage en font une œuvre caractéristique de Pieter Brueghel le Jeune, dont l’originalité réside dans l’éloignement qu’elle affecte pour les traditionnelles interprétations de modèles existant. Le Cortège de noce apparaît alors comme une illustration conventionnelle d’un cérémonial coutumier dans la société anversoise du XVIIe, dont la commande fournit à son auteur le meilleur exemple d’un cadeau de mariage réussi.
1 – Klaus Ertz, Die Gemälde mit kritischem Oeuvrekatalog, Lingen, 1988, T. II, p. 701, cat. E818 et E819.
2 – Georges Marlier, Pierre Brueghel le Jeune, Bruxelles, 1969, p. 169.
3 – Un panneau de cheminée, une procession de mariage.
4 – Klaus Ertz, Op. cit., p. 633.
5 – Vente anonyme ; Londres, Christie’s, 6 juillet 2010, n° 12.
6 – Cette démonstration fait l’objet d’un long développement par Klaus Ertz dans le catalogue déjà cité.