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Jan BRUEGHEL l'Ancien (Bruxelles, 1568 - Anvers, 1625)
Enée et Anchise fuyant l'incendie de Troie
Estimation :
200 000 - 300 000 €

Description complète

Enée et Anchise fuyant l'incendie de Troie
Huile sur cuivre

Trace de date et de signature '1593' en bas à droite

(Restaurations)


Aeneas rescuing his father from the burning Troy, oil on copper, signed and dated, by J. Brueghel the Elder

10.03 x 13.78 in.

25.5 cm x 35 cm
Provenance :

Galerie Johnny van Haeften, Londres, en 2004 ;

Galerie Salomon Lilian, Amsterdam, en 2005 ;

Galerie De Jonckheere, Paris ;

Acquis auprès de cette dernière en 2005 par les parents des actuels propriétaires (en paire avec le numéro précédent) ;

Collection particulière, France

Bibliographie :

Klaus Ertz, Christa Nitze-Ertz, Jan Brueghel der Ältere (1568-1625) : kritischer Katalog der Gemälde, Lingen, 2008-2010 , t. 2, p. 668-670, n° 325

Gerlinde de Beer, "Anmerkungen zum Werk von Jan Porcellis (Gent um 1584-1632 Zoeterwoude bei Leiden)", in Ch. Dumas e.a. (red.), Liber Amicorum Marijke de Kinkelder. Collegiale bijdragen over landschappen, marines en architectuur, La Haye, 2013, p. 15, repr.

Commentaire :

Par leur étrangeté et leur singularité, les scènes nocturnes de Jan Brueghel l’Ancien n’ont de cesse de nous fasciner. Divers thèmes, infernaux ou dramatiques, furent pris pour sujet par Brueghel pour explorer sur le cuivre les effets des lumières vacillantes des feus dans la nuit. Dès 1979, Klaus Ertz classe d’un côté les œuvres qui relèvent de Sodome en feu comme Loth et ses filles fuyant Sodome incendiée par l’effet de la colère divine (Milan, Pinacoteca Ambrosiana, n° 75/28 et Munich, Alte Pinakothek, n° 833) et celles qui traitent de Troie en feu dont font partie nos deux cuivres : Enée et Anchise fuyant l’incendie de Troie et Enée et la Sibylle aux enfers. Mais Brueghel réalise d’autres paysages nocturnes de petits formats dans lesquels il explore les effets de contrastes qu’engendre la représentation de flamboiements dans la nuit dans des scènes religieuses ou mythologiques liées au monde des enfers ou des démons. Il en va ainsi d’Orphée devant Pluton et Proserpine (Florence, Palazzo Pitti, Galleria Palatina, n° 1890 n. 1298), la Descente du Christ aux limbes (Rome, Galerie Colonna, n° 683) ou encore de la Tentation de saint Antoine (Munich, Alte Pinakothek, n° 1878).


Le sujet ici figuré est tiré de l’Enéide de Virgile (II, 671-729). Après avoir combattu les Grecs qui s’emparèrent finalement de Troie grâce à l’introduction dans la ville du célèbre cheval en bois dans lequel sont cachés des soldats - que l’on observe d’ailleurs au loin, en partie droite de notre cuivre -, Enée, un prince troyen, s’échappe de la ville en feu la nuit portant sur son dos son père Anchise accompagné de son fils Ascagne, qui met en sécurité les pénates. Ce geste héroïque de piété filiale au cours duquel un fils protège son père et sa famille en fait un des sujets les plus représentés de la guerre de Troie. Sur cette peinture sur cuivre, Rome figurée avec le Castel Sant’Angelo, le campanile de Santo Spirito in Sassia et Saint Pierre au loin est prise pour toile de fond pour représenter Troie qui s’embrase.


Jan Brueghel l’Ancien séjourne à Rome entre 1592 et 1595 où il est remarqué pour ses petits paysages peints sur cuivre. L’existence de différents petits paysages de cette période, connues par le biais de copies et par les mentions d’archives figurant dans les inventaires romains, témoigne du succès que connurent ces œuvres. Parmi eux, ses paysages nocturnes sont particulièrement innovants et constituent un des aspects les plus remarquables de son œuvre. C’est en 1593 qu’il réalise son premier paysage infernal. Il s’y consacre ensuite à plusieurs reprises pendant une période d’une dizaine d’années. Selon Klaus Ertz, Enée et Anchise fuyant l’incendie de Troie et la Vision de saint Jean à Patmos de la Galeria Pamphilj à Rome (n° 273) sont les seules œuvres datées de 1593 de manière fiable qu’il est possible de placer au sein du corpus de Jan Brueghel l'Ancien. Une autre version d’Enée et Anchise fuyant l’incendie de Troie est conservée à Munich, Alte Pinakothek (n° 832) que Klaus Ertz place un peu plus tard par rapport à notre cuivre daté, sans doute vers 1595. L’architecture en arrière-plan est en grande partie identique à celle figurée sur notre cuivre. Le pont des anges est en revanche conçu avec six arches alors qu’à Munich, il ne présente que cinq arches. Au total, six autres versions sont décrites par Klaus Ertz dans son catalogue1. Jan Brueghel élaborait ses compositions par le biais du dessin dont il fit usage avec passion lors de son séjour ultramontain2. Une feuille représentant une vue de Rome figurant le Castel Sant’Angelo et la basilique Saint-Pierre, croqué tout juste après son achèvement, offre un témoignage de ce travail préparatoire (Darmstadt, Hessisches Landesmuseum, n° AE 397) qu’il réemploie dans ses compositions peintes.

Jan Brueghel déploie ici toute son habileté technique pour concevoir l’architecture par une application de la peinture en pointillés. Par le biais de légers empâtements sur le rendu lisse de la peinture sur cuivre, il parvient à capturer les effets de la lumière que projette l’incendie sur l’eau du fleuve. Que de détails à observer de très près ! 

 

1.    Klaus Ertz, Christa Nitze-Ertz, Jan Brueghel der Ältere (1568-1625) : kritischer Katalog der Gemälde, Lingen, 2008-2010, t. 2, n° 325-330.

2.    Voir sur cette question, l’article de Louisa Wood Ruby, « Jan Brueghel d.Ä als Zeichner. Die frühen Jahre in Italien », in Brueghel. Gemälde von Jan Brueghel D. Ä. (dir. Mirjam Neumeister), cat. exp. Munich, Bayerische Staatsgemäldesammlungen, Alte Pinakothek, 2012, p. 35-45.

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