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Unica ZÜRN (1916 - 1970)
Correspondance à Gaston Ferdière, [19]64-1970
Estimation:
€6,000 - €8,000
Sold :
€7,722

Lot details

Correspondance à Gaston Ferdière, [19]64-1970

- 7 l.a.s., septembre [19]64 à avril 1970. 15 p. in-4 et in-8. Signées Unica ou Unica Zürn. Une avec dessin. Une avec une phrase de Hans Bellmer.
- 7 cartes postales 24. 7. 1964 au 30. 9. 1964. Signées Unica. 2 avec petits dessins en marges.

Née à Grünewald en 1916, Unica Zürn, artiste et écrivain d'origine allemande, connut une enfance qu'elle-même qualifie de " merveilleuse ", entourée d'objets d'Orient que son père, écrivain et grand voyageur, collectionne. Elle sera marquée par un viol et le divorce de ses parents. Elle devient archiviste et scénariste à l'UFA-film. En 1942, elle épouse Erich Laupenmühlen et cesse son travail. Deux enfants naissent de cette union. En 1949, le couple divorce. Les enfants sont confiés à leur père. Menant " une vie de bohème ", elle gagne sa vie en écrivant des récits pour les journaux. Elle se fait des amis dans le milieu artistique berlinois.
En 1953, à Berlin, elle rencontre Hans Bellmer et l'accompagne à Paris. Bellmer lui fait connaître les surréalistes. Elle y compose ses premières anagrammes et fait du " dessin automatique ". La même année, elle expose à la galerie "Le Soleil dans la tête ". En 1954 sont publiés à Berlin dix dessins et dix anagrammes (Hexentexte), avec une postface de Hans Bellmer. Seconde exposition en 1957, au " Soleil dans la tête ", préfacée par André Pieyre de Mandiargues. C'est alors qu'elle fait la connaissance d'André Breton, Victor Brauner, Jean Arp, Marcel Duchamp, Max Ernst, Roberto Matta, Henri Michaux, Man Ray. Deux ans plus tard, elle participe à l'Exposition Surréaliste Internationale qui a lieu à la galerie Cordier à Paris. En 1960, alors qu'elle se rend à Berlin pour l'interruption de sa grossesse, Unica subit sa première crise schizophrénique. Elle a 44 ans. De nombreux autres séjours dans des hôpitaux psychiatriques suivront. Elle demeure néanmoins très productive : lors de ses internements, elle dessine à l'encre de Chine et peint. Elle s'inspire de ses crises dans plusieurs de ses écrits, notamment Der Mann im Jasmin. Avec Bellmer, les difficultés de la vie quotidienne se multiplient. En 1962 et 1964, elle expose à la galerie " Le Point Cardinal ", exposition préfacée par Max Ernst. Au cours des huit dernières années de sa vie, Unica Zürn est internée à plusieurs reprises dans des cliniques psychiatriques (Berlin, Paris, La Rochelle). Une permission de sortie de cinq jours lui est autorisée le 19 octobre. Après une journée sans incident, Unica met fin à ses jours en se défenestrant. A travers ce destin tragique, " l'art apparaît comme un élément médiateur face à une souffrance presque indicible. La figuration du corps y est l'objet d'un questionnement sans cesse renouvelé. Celui de l'autre, d'abord, qui permet d'appréhender le monde mais aussi sa propre identité. Puis le propre corps de l'artiste dont l'unité est en permanence mise en danger par la maladie mentale, le corps fonctionne alors comme une force unificatrice sans cesse mise en péril par des crises ".
Gaston Ferdière est médecin-chef à l'hôpital psychiatrique de Rodez à partir de 1941. De 1943 à 1946, Antonin Artaud y fut interné. Le docteur Ferdière quittera l'hôpital en 1948, il s'installera alors dans le privé. La plus grande partie de la correspondance avec Unica Zürn entre 1964 - 1970 lui est adressée à son cabinet parisien du 3, rue du Dôme, dans le XVIe arrondissement, où il a exercé de 1961 à 1976.
Dans son livre de souvenirs, Les mauvaises fréquentations, le docteur Ferdière décrit ses retrouvailles en 1963 avec Hans Bellmer et Unica Zürn : " Il habitait alors un galetas de la rue Mouffetard avec une jeune Allemande dont je ne savais rien et qui allait s'attacher à moi comme un sauveur : Unica Zürn. J'appris à reconnaître en elle une grande malade. Unica voulait que je lui trouve un lieu de cure, une retraite, et je la fis rentrer à Sainte Anne. Elle me remit son argent, craignant qu'on le lui dérobe, et à sa mort je rendis la somme à sa fille. Elle me montra aussi ses anagrammes en français et en allemand, auxquelles elle consacrait beaucoup de temps. Bellmer lui-même s'en remit à moi du sort d'Unica pensant que je serais son recours. Mais Unica se suicida. "
Les lettres sont le reflet, la mise en place obsessionnelle de sa maladie mentale. De 1964 à sa disparition en 1970, la correspondance avec le docteur Ferdière est liée à ses anagrammes, ses dessins, à l'écriture de ses livres L'Homme-Jasmin et Sombre Printemps (dont les traductions françaises paraîtront la même année, en 1971), à ses traitements et ses relations avec les psychiatres et les lieux d'internements, mêlés de descriptions du quotidien, de sentiments sur Bellmer, sur ses deux enfants, sa perception du docteur Ferdière. Ses lettres sont remarquablement intimes et d'une poésie vitale annonçant sa fin tragique. Elle est mieux, renaît à la vie, elle l'écrit. Elle veut se détacher, se délier de Bellmer, lui qui l'a ficelée si violemment, être libre, marcher seule, vivre, simplement vivre, légère… Gérard de Nerval, poète mystique, voyant ésotérique, en son temps soigné lui aussi pour des troubles psychiques, se pendit dans la rue de la Vieille-Lanterne. Unica Zürn se défenestra rue de la Plaine. Le saut dans le vide et leur attrait de la mort les unit. L'écriture chimérique les guide.

" Septembre 64. Aujourd'hui - dimanche je vais essayer pour la première fois de ma vie de me promener tout seul à Paris - parce-que il fait beau dehors. "

" Cher docteur Ferdière […] Vous m'avez donnez un conseil : il ne faut pas se occuper de poème d'anagrammes ou des dessins. Bonne ! Pas d'anagrammes et dessins. Mais il faut que ne reste pas tout le temps allonges, pour lire les romans policiers - vous ne croyez pas cher docteur ? Et si je pense tout les temps à mes souvenirs dure avec Bellmer ou dans les cliniques psychiatriques, je devienne rarement encore une fois - le 4° fois - " Malade ". -
Et je voudrais pas entrer encore une fois dans une clinique psychiatrique - ça me ennuyer - (LANGEWEILLE) - Alors je pense que je vais ecrivez un peut, parce que dans l'époque à Berlin, après mon divorce, j'ai gagner beaucoup d'argent comme écrivain -
Avant mon internement à St. Anne, Paris, j'ai essayé d'écrire mes souvenirs de ma FOLIE, celui de Berlin et de Paris, [L'Homme Jasmin] mais tout de suite je suis devenue malade. […] Si vous croyez, que il est DANGEREUS, de écrire mes souvenirs assez nette - de mes HALLUCINATIONS - si beau et triste - c'est vite fait - arretez moi - donnez un coup de telephone, s'il vous plaît -
Je vous embrasse - j'ai beaucoup de confiance à vous, Unica. "

Bibliographie :
- Gaston Ferdière, Les mauvaises fréquentations. Jean-Claude Simoën, 1977.
- Hans Bellmer, Unica Zürn. Lettres au docteur Ferdière. Séguier, 1994.
- Marie Blancard, Les spectacles intérieurs […] d'Unica Zürn, dialogue entre écriture et art plastique. Thèse de Doctorat de Lettres en Littérature Comparée. Université de Cergy-Pontoise, 2006.

7 letters and 7 postcards from Unica Zürn to Gaston Ferdière, 1964-1970.

Provenance:

Collection Pierre et Franca Belfond

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