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Fille d'un marchand de modes très apprécié des élégantes du règne de Louis XV, la petite Adélaïde Labille grandit entourée de dentelles, rubans, gazes, coiffes et autres nombreux accessoires de parures qui ornaient les toilettes des coquettes parisiennes du XVIIIe siècle.
Sa vocation de peintre s'affirma très rapidement et son apprentissage se fit tout d'abord auprès du miniaturiste François-Elie Vincent. Désireuse de développer son métier, elle apprit également la technique du pastel avant de devenir vers 1776 l'élève de François-André Vincent, fils de son premier maître, qui rentrait alors de son séjour romain. Elle épousera le peintre en 1799 après d'être séparée de son premier époux Nicolas Guiard.
Sa passion pour son métier ainsi que sa grande habileté lui permirent d'intégrer, non sans difficultés, l'Académie royale. On imagine aisément que l'entrée des femmes peintres à l'Académie au XVIIIe siècle ne se fit pas sans peine, mais les efforts déployés par Adélaïde Labille-Guiard et le soutien de certains académiciens aboutirent à sa réception en mai 1783, en même temps qu'Elisabeth Vigée-Lebrun. Non admises à étudier le modèle vivant, les femmes académiciennes se consacrèrent pour la plupart à une carrière de portraitiste.
Adélaïde Labille-Guiard connut une brillante carrière à travers les bouleversements de la fin du XVIIIe siècle, couchant sur la toile des traits de la famille royale (Madame Elisabeth, sœur de Louis XVI, ou encore Madame Adélaïde et Madame Victoire, ses tantes, filles de Louis XV), mais aussi ceux des députés de l'Assemblée nationale en 1791.
Les portraits de l'artiste étaient particulièrement appréciés de la clientèle féminine et les élégantes du Paris du règne de Louis XVI firent souvent appel à son pinceau. Daté par Anne-Marie Passez de 1787, notre portrait de Victoire de Maurepas, marquise de Coutances, témoigne du goût et de la mode de cette époque. Après le luxe et la profusion presque insolente des toilettes des années 1770 établies par la reine Marie-Antoinette et sa marchande de mode Rose Bertin, un retour à la simplicité s'opère dans les années 1780 : c'est la période des idées naturalistes de Rousseau et du hameau de la reine.
Les toilettes s'assagissent comme en témoigne la robe étroite de la marquise de Coutances marquée par une taille haute soulignée par une ceinture nouée. D'un bleu pâle uni légèrement moiré aux plis délicatement creusés par le pinceau, cette tenue est simplement ornée de légères dentelles soulignant le décolleté et les manches. Sa haute perruque rappelle les fastes versaillais mais elle porte une simple coiffe en accord avec sa robe. Des pendants d'oreille en perles viennent compléter sa toilette. Les traits du modèle sont rendus avec une grande douceur.
Adélaïde Labille-Guiard excelle ici dans le traitement des étoffes, rendant avec virtuosité la fluidité et la brillance du tissu, l'aspect vaporeux de la dentelle ou encore les reflets nacrés des perles. Présenté dans un cadre exceptionnel, le portrait de la marquise de Coutances est un témoignage parfait de l'élégance des dernières années de l'Ancien Régime.