The violonist, oil on oak panel, by J. M. Molenaer
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Notre tableau renvoie très probablement au début de la carrière de Jan Miense Molenaer, période considérée comme la plus créatrice et moderne chez notre artiste. Dans la pure tradition hollandaise de la première moitié du XVIIe siècle, ce dernier accouche d'un instrumentiste sur un petit panneau de chêne. Cette représentation du musicien chez notre artiste est relativement courante, mais plus particulièrement celle du violoniste à mi-corps dont nous connaissons déjà deux versions avec variantes - l'une non-localisée et l'autre passée récemment en vente publique1. Notre tableau constitue une redécouverte à ajouter à la série des violonistes de Molenaer. Il évoque précisément la passion qui traverse Haarlem pour la musique à cette époque mais aussi la fascination contemporaine pour le violon, instrument relativement nouveau en Europe du Nord et qui devient instantanément un motif prisé par les peintres de cette école. Le modèle, qui semble déjà avoir commencé à jouer les premières notes à en juger par la prise de l'archet et le positionnement des doigts sur le manche, invite le spectateur à participer à la fête avec un regard enjoué et son sourire contagieux. Le détail du positionnement de sa main droite sur l'archet est assez intéressant dans la mesure où il est différent de celui dépeint dans l'œuvre précédemment citée. En effet, dans notre tableau, l'homme le saisit plus largement entre trois doigts. Cette tenue dite " à la française " en opposition avec celle " à l'italienne " est alors privilégiée pour les musiques populaires et entraînantes. Nous pouvons donc imaginer que notre musicien gaillard est en train de faire généreusement frotter sur ses cordes des notes destinées à faire danser les spectateurs que nous sommes. Notre tableau témoigne de l'influence directe que l'illustre Frans Hals a pu avoir sur l'ensemble des artistes à Haarlem. La touche libre et rapide rend vivant le modèle et assure l'illusion du mouvement du musicien. La matière changeante atteste de la virtuosité de notre artiste, de forts empâtements se mêlant à de fins glacis. La technique de la peinture à l'huile est ici parfaitement maitrisée, l'artiste y ajoutant de légers frottements sur les vêtements et le chapeau pour imiter les tissus, ainsi que le subtil traitement " à la hampe " avec le dos du pinceau dans les cheveux, nouvelle preuve de l'attention toute particulièrement qu'il porta à notre œuvre. En 1636, Molenaer épousa Judith Leyster, élève de Frans Hals et artiste acclamée dans toute l'Europe. Cette iconographie du musicien sera latente durant toute leur carrière amoureuse. C'est même un violoniste que choisira de suggérer sur sa toile la peintre dans son fameux autoportrait, chef-d'œuvre conservé à la National Gallery of Art de Washington. Aussi, il nous est permis d'imaginer qu'en brossant brillamment un violoniste sur ce panneau, Jan Miense Molenaer cherche implicitement à faire fusionner dans cette œuvre peinture, musique et amour.
1. The Weldon Collection, New York, Sotheby's, 22 avril 2015, n°1 (vendu 274.000 $).