Comment:
Ce lot est vendu en collaboration avec la maison de vente PIASA.
Œuvres en rapport
- Dessin du maître : collection particulière, vente Christie's, New York, 26 janvier 2012, n° 99, annotation ancienne repassée 'Le Roy charles [rajouté : 9me] quand il fist dix ans' et date par l'artiste repassée '1561'. Une copie du maître et de l'atelier, datée par l'artiste 156i, est conservée à la Bibliothèque nationale de France (Na 22 rés.).
- Peinture du maître, vêtement identique au crayon : Vienne, KHM, inv. GG 5638, daté de 1561.
- Peinture du maître, vêtement sans fourrure : vente Christie's, Londres, 8 décembre 2016, n° 11.
- Peintures de l'atelier, vêtement sans fourrure : Brescia, Pinacoteca Tosio Martinengo, daté de 1561 ; Metz, musée de la Cour d'Or.
- Plusieurs copies contemporaines et postérieures.
La disparition de François II survenue dix-sept mois seulement après l'accident mortel de Henri II plongea le royaume dans une grande incertitude. La couronne échut à Charles IX, enfant de dix ans " sans expérience ni autorité ", qui venait à peine de découvrir la vie de cour et ses manœuvres politiques. Aussi, l'une des premières actions de Catherine de Médicis investie de la régence, fut de commander un portrait du roi pour faire connaître les traits du jeune monarque et rendre visible son autorité souveraine. Et c'est très naturellement que la lourde tâche de concevoir cette image officielle, forte et unificatrice, fut confiée à François Clouet qui avait la totale confiance des Valois depuis François Ier. Sans jamais s'écarter de la formule conventionnelle de portrait de trois-quarts en buste sans mains ni attributs, l'artiste savait, par des détails imperceptibles à l'œil moderne et sans aucune affectation ni idéalisation, magnifier son modèle en exprimant sa dignité et sa majesté comme des qualités propres de la personne et non des attributs habituels d'une effigie royale.
Comme à son habitude, Clouet commença par tirer un portrait au crayon du jeune roi, de façon à écourter les séances de pose, mais également de disposer d'un dessin préparatoire transposable sur panneau autant de fois que nécessaire. Car le geste hautement politique de la régente ne pouvait être efficace avec une effigie unique. Rien ne permet de connaître le nombre exact de tableaux demandés à Clouet, mais la diffusion de ce portrait de sacre - car toujours daté de 1561, alors que l'avènement eut lieu en 1560 - était suffisamment importante pour que Raullant de Neufchâtel l'utilise pour ouvrir son 'Recueil des effigies des roys de France' publié à Lyon en 1567.
Également daté de 1561 et reprenant très exactement les contours du crayon dont il possède les dimensions, notre portrait est sans conteste l'une de ces peintures commandées par la reine mère à Clouet. Sa destination aurait été soit l'ornement d'une résidence royale, soit un présent à un courtisan dévoué, soit encore un envoi à l'étranger, à l'instar du portrait du roi envoyé dès le début de 1561 en Espagne pour ravir le cœur d'Élisabeth de France. Charles ici est tel qu'il fut décrit par l'ambassadeur vénitien Giovanni Michiel : " C'était un admirable enfant. Il a de l'ardeur, de la générosité, de la bonté. Sa physionomie est belle et ses yeux particulièrement beaux, mais il est faible de tempérament. " Son teint est clair, son nez droit, un peu épais et légèrement aquilin. Ses yeux d'un brun profond comme ceux de Henri II sont très effilés, trait distinctif de tous les Valois. Ses lèvres fines esquissent un très léger sourire qui sera plus marqué dans les portraits postérieurs. Charles est vêtu d'une chemise au col tuyauté finement brodé de fil d'or, d'un pourpoint et d'un collet à épaulettes (vêtement de dessus sans manches) tous deux de velours noir et tracés de galons. Sa tête est couverte d'une toque plate agrémentée d'un tour de bonnet en passementerie, de broderies et d'un plumet aux couleurs du regretté Henri II. Une chaîne de l'Ordre de Saint-Michel entoure le cou du jeune monarque.
Ce vêtement est absolument identique à celui que porte le roi dans un beau portrait autographe vendu à Londres l'année dernière1, alors que, dans le crayon et dans la peinture conservée à Vienne Charles arbore un habit garni de fourrure. Plus sobre, le vêtement non fourré confère au jeune homme un air plus mature, soulignant cette " gravité naturelle " louée par les poètes de la Pléiade.
D'une belle facture et d'un modelé parfaitement maîtrisé, notre portrait semble d'une ligne plus crispée que le tableau londonien et d'une touche moins fondue. Les cils détaillés et les contours plus appuyés laissent croire à l'intervention d'un collaborateur parachevant l'œuvre sous la direction du maître, comme il était d'usage à la Renaissance.
Nous remercions Madame Alexandra Zvereva de nous avoir aimablement confirmé l'authenticité de ce portrait par un examen de visu le 15 décembre 2017 et pour la rédaction de cette notice.
1. Vente anonyme ; Londres, Christie's, 8 décembre 2016, n° 11