PAUL SIGNAC. 20 L.A.S. (une incomplète, 4 non signées) et 2 P.A., vers 1912-1919, à Frédéric Luce ; 50 pages formats divers, qqs en-têtes Société des Artistes Indépendants. Belle correspondance à son jeune ami. [1912] : « Je te remercie de tes bons sentiments de reconnaissance, pour le peu que j’ai fait pour toi. Le meilleur moyen de nous le prouver c’est de continuer à cultiver ton esprit, à soigner ton corps […] Enfin j’espère que tu conserveras un bon souvenir de ta 17e année »… 31 janvier 1915, il est heureux de le savoir « ajourné », et donne des nouvelles d’amis, et des Bonnard… Tropez 22 avril [1915], on a cambriolé son bateau Sindbad, et il a vendu Axel au dessinateur Paul Iribe... « Je viens d’être nommé, grâce à Sembat qui l’a demandé pour moi, peintre du Département de la Marine. Je vais embarquer pour les Dardanelles »… [Décembre 1915], envoi d’une coupure du Temps sur le recrutement de la classe de 1916, avec recommandations pour le conseil de révision… 14 avril [1916 ?], sur Verhaeren : « j’ai eu beaucoup de peine à le voir changer au début de la guerre. Chanter la haine, lui qui veut toujours chanter la bonté, emballer tous les préjugés et toutes les injustices. D’ailleurs son art, à mon idée, a été diminué par cette évolution. Les derniers vers me semblent moins beaux que ceux du temps magnifiques des Villages Illusoires et des Villes Tentaculaires. […] Si Ravachol, au beau temps de l’anarchie, avait démoli ma maison, il ne me semble pas que je serais pour cela devenu réactionnaire. Et maintenant c’est plus atroce que jamais. Le sinistre Clemenceau est affamé de chair humaine »… 2 novembre 1916 : « on ne sait plus ce qu’on attend. Cependant je me suis remis au travail. S’il fallait attendre la paix ce serait long »… Passage des sous-marins allemands à Saint-Tropez... 23 décembre [1917], il conservera le dessin de Frédéric dans sa collection de guerre ; réflexions amères sur la politique intérieure : « Toute logique est combattue ; toute pensée qui n’est pas conforme à celle du sinistre vieillard qui nous dirige est considérée comme coupable. Jamais on n’a vu un tel retour en arrière – c’est pis que l’affaire Dreyfus. [...] La Ligue des Droits de l’Homme, les Grave, Kropotkine, même les Sembat et Renaudel » auraient dû voir clair plus tôt… Saint-Tropez 3 mars 1919. « La vie reprend peu à peu ; on voit des voiles sur la mer. Je vais mener Sindbad à Antibes pour le faire tirer à terre. J’ai vu Bonnard et Roussel »… – Longue lettre illustrée de 7 croquis avec instructions pour la confection d’un pliant en échange d’une grande aquarelle... Croix de Vie (Vendée) 2 septembre, félicitations pour le pliant ; le pays n’est pas grandiose, comme à La Rochelle, mais il est de grand caractère : « à la rentrée des bateaux c’est un grouillement très japonais, très vénitien, et l’aquarelliste est en fête ! »… – Récit des régates, où il est toujours semé à cause d’une voile qui fait une poche (croquis)... Il est aussi question de travaux de rédaction, et de géométrie, de la nécessité d’apprendre l’orthographe ; réprimandes après une altercation de Frédéric avec Berthe Signac ; inquiétudes sur la paix ordonnée par Wilson ; commandes de travaux de menuiserie (avec croquis) ; recommandations de carrière pour Frédéric : « il y aura beaucoup à faire dans la construction navale… ce qui ne t’empêcherait pas de peindre pour t’amuser »), etc.