Bilan de sa mission en Pologne, et interrogations sur son avenir.
4 mars, à son père. « Le cours que je dirige se termine le 1er Avril. Je pense donc rentrer en France vers le 15 avril, à une semaine près, pourvu sans doute d’un mois de permission. Je quitterai la Pologne pourvu, je puis le dire, de notes tout à fait exceptionnelles et qui m’ont refait complètement la situation militaire que la captivité odieuse m’avait enlevée. Si même j’étais quelque peu plus ancien, je resterais ici, certain d’y être promu chef de bataillon au choix. Mais je n’y puis penser avant deux ans au moins et dans ces conditions, je n’ai plus aucun avantage appréciable à attendre de cette mission. Comme, d’autre part, elle devient de plus en plus difficile, et qu’elle menace de tourner à bref délai au désagréable, je rentre décidément fort honoré du reste de l’insistance mise par mes chefs, et même par le général Henrys en personne, à m’inviter à rester ici.
Et maintenant que faire ? Trouver un poste qui me permette d’être aussi tranquille que possible un an pour travailler en vue de l’École de guerre, concours de 1921.
Évidemment ce qui m’irait le mieux ce serait d’être professeur (non pas instructeur) à Saint-Cyr. Tous les avantages y seraient pour moi réunis. Est-ce possible ? Je n’ai aucune idée du Saint-Cyr actuel. Et pour y devenir professeur quelles sont les conditions à remplir ? »…
24 mars. « Ma bien chère Maman, Les jours passent fort vite à présent, et je vois très proche le moment de mon départ. On fait ici, sans se lasser, pour me retenir à la Mission, de très flatteurs efforts. Mais c’est en vain. Ma résolution est prise et je demeure décidé à ne pas revenir en Pologne. J’en partirai d’ailleurs la conscience tranquille, car je n’y aurai vraiment pas perdu mon temps. Près de deux cents officiers polonais me sont passés successivement par les mains dans les différents cours où j’aurai servi comme instructeur, et en dernier lieu comme directeur, et je pense leur avoir appris quelque chose. J’aurai d’autre part fait mon possible pour établir entre cette jeune armée et la nôtre les meilleurs rapports de camaraderie. Et je vous assure que cela n’est pas facile. Les influences hostiles à la France (autrichiennes surtout) sont ici très nombreuses et particulièrement puissantes dans l’armée. Que vais-je faire en rentrant ? Je ne le sais pas »…
4 avril. « Mon cours est terminé, et je fais mes préparatifs de départ ». Il a obtenu de pouvoir prendre l’Orient-Express… « Tout le monde fait ici des efforts dont je suis littéralement confus, pour que je revienne un ou deux trimestres encore après ma permission. J’ai fini par répondre que je reviendrai peut-être si en France je ne trouve rien de pratique ni d’intéressant »…
LNC, I, p. 494-496.