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GAULLE Charles de.
Carnet autographe de notes personnelles. Commencé à l’été 1916, se poursuivant pendant ses années de captivité, puis repris en janvier 1919. Carnet in-8 (18,2 x 11,5 cm), 152 pages manuscrites (76 ff.) sur 80 feuillets.
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Complete Description

GAULLE Charles de.
Carnet autographe de notes personnelles. Commencé à l’été 1916, se poursuivant pendant ses années de captivité, puis repris en janvier 1919. Carnet in-8 (18,2 x 11,5 cm), 152 pages manuscrites (76 ff.) sur 80 feuillets.

Très important et riche carnet de notes et de citations de Charles de Gaulle, nous renseignant sur ses lectures, recherches et pensées durant cette période d’inoccupation forcée.

 

La première partie du carnet correspond à une prise de notes liée à la lecture d’un ouvrage sur l’Histoire Grecque. Sont notamment évoquées des considérations géographiques de la région hellénistique, les guerres médiques (490-479), Salamine et Platées (480-479), la suprématie d’Athènes (479-431), la jalousie de Sparte (431-404), la guerre du Péloponnèse.

 

Ces propos sont suivis d’un pèle-mêle de notes historiques diverses, concernant principalement le début du XIXe siècle et les personnages significatifs de l’épopée napoléonienne : Berthier, Clarke, Oudinot, Lannes, Augereau, Gouvion Saint-Cyr, Lefebvre, Siéyès, Duroc, Mortier, M. de Rémusat, M. de Narbonne, Madame de Staël, Benjamin Constant, Mme Tallien, Chateaubriand, Garat – qui fut Grand-Juge sous Napoléon -, Lacépède, le cardinal Fesch, Fouquier-Tinville… mais aussi du Second- Empire : l’impératrice Eugénie, la duchesse d’Albe, le prince Napoléon dit « Plon-Plon », la princesse de Metternich, la reine Victoria, Mme de Castiglione…, puis la Troisième République : Gambetta, Grévy, le duc d’Audiffret-Pasquier, Ledru…

 

Sont également évoqués, dans une tonalité d’Ancien Régime : le marquis de Laborde, le marquis de Piennes, le duc de Broglie, le duc de Richelieu…

 

Charles de Gaulle intègre également de brefs résumés biographiques de personnages historiques. Nous pouvons par exemple citer « le père Lacordaire […] qui prononce à Saint-Roch un sermon fameux sur “la dignité du caractère”, qui agita pas mal l’opinion. […] il accepte la direction du collège de Sorèze reconstitué […], est reçu à l’Académie française vers 1860, au fauteuil de Tocqueville, […] avait pour Chateaubriand une admiration extrême […] » Il évoque encore, dans un tout autre registre, le peuple des Aryens qui « vinrent dans l’Inde en descendant des plateaux de l’Iran […] sont conduits par Rama […], ont comme prêtres les brahmanes […] » Il ajoute : « ce qui fut merveilleux dans cette religion des trois dieux, c’est qu’elle s’adapta parfaitement à la forme de la société par castes telle que les Indiens, sous l’influence des brahmanes, la concevaient. »

 

Une partie importante du carnet est dédiée aux notes de lecture et à l’analyse de l’ouvrage L’Allemagne et la prochaine guerre de Friedrich von Bernhardi (1912). Il effectue un bref résumé de chaque chapitre, ces derniers s’intitulent : Le Droit à la guerre, le Devoir de la guerre ; Court aperçu sur le développement historique de l’Allemagne ; la Mission historique de l’Allemagne ; Être une puissance mondiale ou disparaître ; Importance sociale et politique de la préparation de la guerre ; Le Caractère de notre prochaine guerre ; La prochaine guerre sur mer ; De quoi il s’agit ; Considérations sur l’organisation de l’armée ; L’Instruction ; Préparation de la guerre navale ; Force militaire et éducation publique ; Préparation financière et politique de la guerre.

Friedrich von Bernhardi (1849-1930) est un écrivain et général allemand, théoricien du pangermanisme.

 

Il met d’ailleurs en évidence que « la guerre est menée maintenant avec des masses et sur d’immenses espaces. Mais la victoire s’obtenant toujours par la concentration au point et au moment décisifs de forces supérieures à celles de l’adversaire, le vainqueur sera celui – à commandement d’une valeur égale – qui aura des masses plus aisément maniables. […] Enfin, il est essentiel que tous ceux qui commandent, du haut en bas, aient une personnalité très marquée, de l’initiative et du caractère. »

 

D’autres considérations, laissant présager ses thématiques futures, apparaissent à plusieurs endroits du carnet. Ainsi, par exemple :

« Il faut être un homme de caractère. Le meilleur procédé pour réussir dans l’action et de savoir perpétuellement se dominer soi-même, ou mieux c’est une condition indispensable.

Mais se dominer soi-même doit être devenu une sorte d’habitude, de réflexe moral obtenu par une gymnastique constante de la volonté, notamment dans les petites choses : tenue, conversation, conduite de la pensée, méthode recherchée et appliquée en toutes choses, notamment dans le travail.

Il faut parler peu, il le faut absolument. L’avantage d’être un causeur brillant ne vaut pas au centième celui d’être replié sur soi-même, même au point de vue de l’influence générale. Chez l’homme de valeur, la réflexion doit être concentrée. Autrui ne s’y trompe pas.

Et dans l’action, il ne faut rien dire. Le chef est celui qui ne parle pas. »

 

Notre précieux document nous renseigne également sur les lectures de Charles de Gaulle durant cette période, il évoque ainsi les ouvrages suivants (énumérés ici de façon non exhaustive) : Le Rouge et le Noir de Stendhal (« Caractère du héros bien marqué et intéressant quoique vraiment compliqué et trop machiavélique pour son âge. […] ») ; l’Éducation sentimentale de Gustave Flaubert ; Les sables mouvants de Colette Yver ; En ménage de Huysmans ; Le Salon du Quai Voltaire de Jules Case ; un article de Gaston Rageot sur Lloyd George ; La Veillée des armes de Marcelle Tinayre…

 

Il est intéressant de voir apparaître des commentaires sur l’art en général - terrain sur lequel nous nous attendons moins à trouver Charles de Gaulle - (« L’architecture seule engendre les arts mineurs. Un meuble n’a jamais d’autre style que celui du monument contemporain. ») et la sculpture en particulier. Ainsi, dans « des causeries de Rodin sur l’art », il note que l’artiste « aime faire ressortir cette idée que l’œuvre d’art, tout en s’en tenant à reproduire la nature, ne doit pas servilement copier une attitude. En effet, dit-il, l’art n’existe pas sans le mouvement et le mouvement est le passage d’une attitude à une autre. Mais si l’œuvre se borne à en reproduire une seule comme dans la photographie, elle ne donne pas l’impression du mouvement et n’est donc pas une œuvre d’art. »


Enfin, ce manuscrit laisse apparaître quelques pensées ou citations fulgurantes :

« L’indéfinissable splendeur de ceux qui sont destinés aux grandes entreprises » (Flaubert) ou encore « Le chant du coq gaulois a fait jaillir enfin le soleil des revanches. »

 

Ce formidable document, éclectique et foisonnant, qui a survécu aux fouilles successives des gardiens allemands, nous renseigne sur les goûts historiques, géographiques, artistiques, politiques, philosophiques et littéraires de Charles de Gaulle.

 

LNC, I, p. 267 à 326 puis p. 444 à 446.


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