L'album est composé de 39 feuillets de papier de couleur crème, quelques feuillets teints en vert et bleu, montés aux coins sur un papier cartonné gris foncé. Chaque feuillet présente une série de motifs d'enluminures d'une extrême finesse, richement dessinés, peints et enluminés, systématiquement annotés en persan en nasta'liq noir et plus rarement rouge. Album assemblé au début du XXe siècle et monté dans une reliure européenne en cuir de basane souple estampé à froid.
Dim. : 24,5 x 16 cm (feuillets) ; 27 x 22 cm (page de l'album)
An exceptional album of illumination motifs, Qajar Iran, late 19th or early 20th century
Cet album est une pièce exceptionnelle qui témoigne de la richesse des pratiques artistiques en Iran qajar. Véritable répertoire décoratif de l'enluminure, il offre à voir toute une série de motifs peints en polychromie, dorés et/ou dessinés au noir. La finesse du trait évoque la main d'un grand maitre enlumineur (mudhahhib) mais l'album n'étant pas signé, nous ne pouvons émettre que de simples hypothèses quant à l'identité de cet artiste.
On peut ainsi évoquer la figure de Razi Taliqani, figure majeure de l'enluminure qajare des années 1880-1900, dont on retrouve la signature au sein d'œuvres de grand luxe, comme le manuscrit enluminé offert à la reine Victoria dont il a également exécuté la reliure (The Royal Collection Trust, RCIN, 1005029). Une planche de spécimens d'enluminures, signée par Razi Taliqani et datée 1888, est un exemple de sa virtuosité très proche de notre album par son style et sa qualité d'exécution (Victoria and Albert Museum, Londres, 451-1888). Tim Stanley insiste notamment sur la complexité et la diversité des styles de Razi, immédiatement reconnaissables dans cet album (Tim Stanley, " Razi Taliqani and the 'Lustre of the Nation', 1880s to 1990s ", Revealing the Unseen, New Perspectives on Qajar Art, Gwenaelle Fellinger avec Melanie Gibson (ed.), Paris, 2021, p.59).
Il est très probable que cet album soit une production à destination de jeunes apprentis. Au sein du monde islamique, les structures traditionnelles d'apprentissages étaient en effet centrées autour de la notion d'imitation. L'apprenti copiait ainsi les œuvres de son maître et de ses illustres prédécesseurs jusqu'à en acquérir la parfaite maitrise. L'institution du Dar majma' al-sanayi'i dawlati (l'Union des Arts et Métiers), d'abord fondée sous Nasir al-Din Shah puis réouverte en 1881-82 était une école chargée de promouvoir les arts traditionnels de l'Iran et cet album y aurait trouvé toute sa place. Razi Taliqani y a d'ailleurs enseigné (op.cit., p.60). Sous son influence, l'art persan de l'enluminure se détache de la production de manuscrits pour devenir un art virtuose à part entière. Il fonde une tradition académique qui brille tout au long du XXe siècle à travers son élève Mirza Imami (m. 1955) et des artistes tels que Hossein Behzad (m. 1968) et Mahmoud Farshian (né en 1930).