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Les grands artistes se démarquent par leur audace permanente et c'est en sentant la fin de leur carrière approcher, ayant bénéficié de tout ce que la vie a pu leur offrir, qu'ils se détachent des choses matérielles et laissent libre cours à leur pinceau. Comme Titien ou Rembrandt, Jean-Baptiste Greuze abandonne les dessins précis et les contours nets dans la dernière partie de sa carrière. C'est alors qu'il approche de l'âge vénérable de 70 ans que l'on voit sa technique se renouveler et nous offrir une nouvelle lecture.
L'autoportrait que nous présentons est une émouvante redécouverte et son caractère inédit fait écho à sa vocation initiale d'œuvre intime, personnelle, confidentielle. Plus qu'un portrait, c'est un miroir : l'attention est portée sur le regard et le reste du tableau perd en définition à mesure que l'on s'éloigne de cette puissante et directe confrontation visuelle.
Si les traits du modèle se reconnaissent en le comparant à l'Autoportrait du musée du Louvre peint vers 1785, cette technique rapide sur trait de crayon se retrouve quelques années plus tard seulement, par exemple dans le 'Portrait présumé de Louis Moreau de Saint-Méry' peint vers 1790-92 ou le Portrait de jeune garçon daté par Edgar Munhall de 1791-17921. Le rendu est parfois différent sur les panneaux de noyer entoilés que privilégie l'artiste pour ses portraits des années 1790, toujours dans un format d'environ 60 à 70 cm de haut comme par exemple le 'Portrait du général d'Oyré' de 17992, le 'Portrait de Louis-François Robin' de 17933 ou l''Autoportrait au chapeau' des années 17904. Le physique de notre modèle et son implacable lucidité devant son âge avancé nous permettent de dater notre toile des dernières années de la vie du peintre, peu avant 1805.
1. Respectivement Vente anonyme ; Londres, 8 juillet 2004, n°174 et vente anonyme ; New York, Sotheby's, 27 janvier 2011, n°340.
2. Vente anonyme ; Paris, Hôtel Drouot, Me Laurin, 10 mars 1993, n°18.
3. Vente anonyme ; Rouen, Me Denesle, 26 avril 1992, n°18.
4. Vente anonyme ; Paris, Hôtel Drouot, Me Laurin, 10 mars 1993, n°17.