Comment:
" Ce peintre n'est plus. C'est celui-là qui avait du feu, de l'imagination et de la verve ! … c'est celui-là qui était vraiment poète1. ". Ainsi était salué, en 1765, le peintre Deshays par Diderot, lors de son décès prématuré, à l'âge de 36 ans. Du feu et de la verve, c'est assurément ce que nous pouvons distinguer dans la petite toile ici présentée, illustration parfaite de l'art de ce peintre proche de François Boucher dont les esquisses constituent plus de la moitié de l'œuvre répertorié, sans que des compositions plus abouties ne soient toujours reliées.
Formé auprès de Hyacinthe Colin de Vermont puis de Jean Restout, Jean-Baptiste Deshays rejoint l'atelier de François Boucher et obtient en 1751 le Grand Prix, sésame lui ouvrant les portes du palais Mancini, siège de l'Académie de France à Rome où il séjournera de 1755 à 1758. A son retour à Paris, il épouse la fille de son maître François Boucher et reçoit d'importantes commandes ainsi que des critiques élogieuses au Salon.
Le sujet de l'esquisse présentée ici est tiré du livre III des 'Métamorphoses' d'Ovide. Séduite par Jupiter, Sémélé tombe enceinte et s'attire ainsi la colère et la jalousie de Junon. L'épouse du souverain de l'Olympe conseille malicieusement à sa rivale de demander à son amant de se montrer à elle environné de toute sa puissance. Contraint par serment de s'exécuter, Jupiter rassemble nuages, éclairs, tonnerre et foudre, faisant périr la mortelle Sémélé qui ne pouvait supporter une telle vision. Le tumulte céleste à peine calmé est encore visible ici, entourant le corps inerte de Sémélé qu'un amour tente de réveiller tandis que s'en rapproche Jupiter, qui enlèvera du sein de sa mère l'enfant à peine formé pour le coudre dans sa cuisse, donnant plus tard naissance à Bacchus. Du haut des nuées, la jalouse Junon tente de retenir son époux dans ce dernier geste envers sa maîtresse. La composition pyramidale formée par les figures et les nuées se détache sur un arrière-plan de ciel bleu où se distingue un temple à gauche.
Pinceau généreux, carnations voluptueuses, intelligence de la composition viennent ici témoigner du talent de Jean-Baptiste Deshays et de sa grande virtuosité. Dans une esquisse comme celle-ci transparaissent la liberté et la puissance de son pinceau, laissant ostensiblement apparaître la touche comme le faisait également Fragonard, de trois ans son cadet, ravissant le spectateur par la sensualité des corps offerts et un plaisir de peindre manifeste.
Nous remercions Monsieur André Bancel de nous avoir aimablement confirmé l'authenticité de ce tableau d'après une photographie.
1. 'Salon de 1765', ed. Seznec-Adhémar, t. II, p. 96
"This painter is no longer with us. He is the one who created fire, imagination and verve!... he is the one who was really a poet"1. This is how Diderot praised Deshays in 1765 after his premature death at the age of 36. Fire and verve are definitely visible in our small piece, a perfect illustration of the style of this painter who was close to François Boucher. Over half of his catalogued works are sketches and they are not always connected to more finished paintings.
Jean-Baptiste Deshays trained with Hyacinthe Colin de Vermont and then with Jean Restout, before entering the studio of François Boucher. In 1751, he won the Grand Prix, which gave him access to the Palazzo Mancini, the seat of the French Academy in Rome, where he lived between 1755 and 1758. On his return to Paris he married one of François Boucher's daughters. He received many major commissions and enjoyed the praise of the Salon critics.
The subject of the sketch shown here is taken from book III of Ovid's Metamorphoses. After being seduced by Jupiter, Semele becomes pregnant and attracts his wife's anger and jealousy. Juno maliciously advises her rival to ask her lover to show himself surrounded by all his power. Forced by oath to obey, Jupiter gathers together the clouds, lightening, and thunder, causing the mortal Semele to perish, unable to bear such a vision. The celestial tumult, barely calmed, is still visible here, surrounding Semele's inert body which a putto tries to revive, while Jupiter approaches her. He is about to take the barely formed child from its mother's breast to sew it into his thigh, later giving birth to Bacchus. From the clouds overhead, the jealous Juno tries to restrain her husband in this final gesture towards his lover. The pyramidal composition formed by the figures and the clouds is set against a background of blue sky where a temple is visible on the left.
A generous touch, voluptuous flesh, intelligent composition, all come together here to show Jean-Baptiste Deshays's talent and great virtuosity. In a sketch like this, the freedom and power of his handling come through, clearly leaving the brushstrokes visible, as Fragonard, who was three years younger than him, also tended to do, delighting the viewer with the sensuality of the bodies shown and his clear pleasure in painting.
We are grateful to André Bancel for kindly confirming the attribution of this painting on the basis of a digital photograph.
1. Salon of 1765, ed. Seznec-Adhémar, t. II, p. 96.