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Jan Jansz. van de Velde est né dans une famille d'artistes à Haarlem, ville où travaillaient plusieurs peintres de natures mortes dans la veine monochrome, parmi lesquels Nicolaes Gillis (1595-1632), Floris van Dyck (1575-1651), Pieter Claesz. (1597-1661) et Willem Claesz. Heda (1594-1680). Ces deux derniers influencent la formation de notre peintre. Il s'installe ensuite à Amsterdam, où il se marie en 1642. A ses débuts, il s'est spécialisé dans les natures mortes de tabagie associant le nécessaire du fumeur à des verres, pichets, fruits ou jeux de cartes. La simplicité et l'agencement de ces compositions les inscrivent plus généralement dans le courant haarlémois des "monochrome banketjes", dans des tonalités brunes ou beiges, se distinguant ainsi des natures mortes baroques plus colorées. On connait aujourd'hui seulement une quarantaine de tableaux de sa main, échelonnés entre 1642 et 1662.
Le choix des éléments composant les natures mortes hollandaises du XVIIe siècle est toujours significatif et porteur des sens, même si Nicolaas Rudolf Alexander Vroom, dans ses livres de référence sur les banquets monochromes, "A Modest Message ?" (1980), indique l'absence de significations religieuses précises chez notre peintre. Il souligne cependant une certaine spiritualité dans l'atmosphère silencieuse de ses peintures. Les huîtres, souvent considérées comme symboles de fertilité et d'érotisme, le citron, motif récurent des natures mortes du XVIIe siècle, étaient chargés de sens variés, allant de la fidélité à l'immortalité. Le jus de citron qui était mélangé au vin blanc pour atténuer ses effets en fait un symbole de tempérance. La châtaigne représente la chasteté et la simplicité. Le plat est caractéristique de la production de faïence de Delft, imitation de porcelaine chinoise alors très en vogue. Sa pose, en porte-à-faux, indique la précarité et que rien n'est immuable. Le porte-assiette en argent est du style " auriculaire ", développé par la famille van Vianen, orfèvres dans les années 1620 (les découpures ont des bords arrondis en ourlets, bords qui rappellent le dessin de l'oreille humaine). Nous retrouvons ici un modèle contemporain du tableau, proche de celui conservé au Prinsenhof à Delft (fig. 1).
Les ombres subtiles sur les huîtres, la transparence du römer, l'éclat sur le vin suggèrent une source lumineuse latérale gauche peu intense, alors que les reflets de la fenêtre en indiquent une seconde plus vive. Le scintillement sur ce verre contraste avec la simplicité du sujet et le fond uni. La brillance des écorces du citron et de la demi-orange citron apportent une note colorée à l'ensemble et leur velouté est proche des œuvres contemporaines de Willem Kalf. A l'intérieur de cette composition ordonnée, le désordre apparent des grains de poivre et des brisures des coques de noix sur l'entablement, accrochant eux aussi la lumière, distrait l'œil et anime l'ensemble.
Nous pouvons rapprocher notre toile de celle conservée au Frans Hals Museum de Haarlem, datée de cette même décennie 1650 (fig. 2).