Comment:
Il est tentant de situer l'artiste auteur de ce portrait dans la suite de Bronzino, à Florence, vers 1550, malgré le filigrane au papier répertorié par Briquet comme ayant été utilisé à Bruxelles vers 1550.
L'influence de Michel-Ange et de ses portraits dessinés, comme celui d'Andrea Quaratesi (Londres, British Museum) ou celui de Tommaso de Cavalieri (Bayonne, musée Bonnat) est évidemment prégnante à Florence1.
On remarque d'ailleurs que l'effigie d'homme barbu est représentée devant des silhouettes anatomiques flottantes, à la manière des corps flottants du Jugement Dernier de Michel-Ange. On ne peut s'empêcher de penser au disciple et ami de Michel-Ange, Daniele da Volterra dit Il Braghetone, chargé par le pape de rhabiller les figures nues jugées indécentes. D'autre part, les yeux baissés du modèle accentuent sa concentration, attitude que l'on retrouve souvent dans les œuvres de Daniele da Volterra, ainsi que dans ses dessins, comme 'l'étude pour le Portrait de Michel-Ange' ou 'l'étude pour un saint Joseph'2. Le traitement serré du dessin est cependant plus aéré dans notre étude que chez Daniele. En particulier, la main aux longs doigts effilés, aux accents discontinus, rappelle plus l'élégance florentine.
Dans l'ancienne collection Peyerimhoff, la mise sobre du modèle, la pose délicate de cette main, avec un doigt passé entre les boutons du justaucorps, et la tête légèrement baissée du modèle, avaient conduit à y voir une attitude de méditation. On en avait déduit que le personnage représenté était un théatin. L'ordre des Théatins est fondé à Rome en 1524 par saint Gaétan de Thiene (1480-1547) et l'évêque de Théate - Gian Pietro Carafa (1476-1559), futur pape Paul IV. L'ordre impliquait les vœux de pauvreté, chasteté et obéissance, et se voulait exemplaire pour tout le clergé. Les membres en étaient sélectionnés soigneusement pour leurs qualités intellectuelles. Beaucoup d'entre eux eurent des fonctions ecclésiastiques importantes. L'iconographie traditionnelle de saint Gaétan de Thiene n'est pas très éloignée de la physionomie représentée dans notre dessin.
1. Voir B. Agosti et A. Geremmica, " Les Vies de Vasari ", in cat. exp. 'Florence - Portraits à la cour des Médicis', Paris, musée Jacquemart-André, 2015, p.56 et fig. 18-19
2. Voir V. Romani, 'Daniele da Volterra amico di Michelangelo', Florence, 2004, p. 110-111, fig.67 et pl. 27, p. 148-149 et pl. 44