Comment:
Ce délicat triptyque est un exemple typique de la production de tableaux de dévotion réalisés par Simone di Filippo dit Simone dei Crocifissi, peintre travaillant à Bologne dans la seconde moitié du XIVe siècle auprès de Vitale da Bologna, Dalmasio et Jacopino di Francesco. Il doit son surnom aux très nombreux Christs en croix qu'il a réalisés pour les divers édifices religieux de Bologne. Après une période de jeunesse de grand raffinement où ses œuvres mêlent les influences de Vitale, de Dalmasio son beau-frère à celles des peintres vénitiens comme le triptyque reliquaire avant 1360 (Louvre, inv. D.L.1973/15), son style atteint un sommet d'âpreté expressive en se rapprochant de celui de Jacopino (Pietà,1368, Bologne, Museo Davia Bargellini) ; il se stabilise dans sa période de maturité entre 1370-1380 en des termes de facture moins dramatique où prédominent les accents fortement ombrés des modelés, une palette chromatique saturée et une ornementation dorée peinte, gravée ou poinçonnée pléthore. Dans la dernière décennie du siècle, la sécheresse et l'automatisme gagnent les œuvres de la fin de sa carrière. Sans doute fort conscient de sa personnalité - il est très souvent cité comme témoin dans des actes civils - Simone est un des rares peintres de son époque à avoir signé la plupart de ses œuvres soit en faisant " parler le tableau" (Chastel) " Symon me fecit ou Symon me pinxit " ou lui-même " Symon fecit Hoc opus " (cf. La Pinacoteca Nazionale di Bologna, catalogo generale, Bologne, 1987, n° 44, 48, 49).
Notre triptyque n'est pas signé mais les inscriptions mentionnées au bas des volets sont calligraphiées de la même manière que dans les diverses signatures de ce peintre telle celle placée au bas du triptyque situé vers 1360, actuellement conservé au Fogg Art Museum de Cambridge aux Etats-Unis (cf. E. Fahy " Italian Painting before 1500 ", in Apollo, mai 1978, p. 377-387, fig.9). De même comme dans cet exemple, la structure de son cadre offre les restes de peinture rouge et bleu dans la moulure de l'arcade centrale. En revanche, son style paraît plus tardif présentant les caractéristiques des œuvres de la maturité du peintre vers 1370-1380 mentionnées ci-dessus, mais avec un lointain souvenir de Vitale dans l'exubérance de l'Enfant et le drapé des vêtements de la Vierge permettant sans doute de placer son exécution au début de cette période.
Ce petit triptyque était destiné aux oraisons personnelles du jeune moine placé en donateur et qui faisait partie de l'ordre des camaldules fondé par saint Romuald (Ravenne, 907-1027), présent dans cette œuvre aux côtés de saint Benoit dont cet ordre suivait la règle. Signalons qu'il existait près de Bologne l'ermitage de Santa Maria di Camaldoli auquel, peut-être, le commanditaire de notre triptyque aurait pu appartenir (cf. G. Gentili, " L'antico scomparso eremo di Santa Maria di Camaldoli presso Bologna ", in Strenna Storica Bolognese, 14, 1964, p. 117-135).