Jean-Marc Nattier fut sans doute le portraitiste le plus important du règne de Louis XV et se fit une spécialité du portrait mythologique dont il réinventa les codes. A partir de la fin des années 1740, il devint l'un des peintres les plus en vue de la cour et exécuta les portraits de la reine Marie Leszczynska et des filles de Louis XV, qui marquèrent leur prédilection pour cet artiste qui peignait les traits féminins avec tant de sensibilité. Réalisé en 1758, le portrait que nous présentons fut réalisé par Nattier à l'apogée de sa carrière. La grande sobriété de cette composition, son cadrage centré sur le doux visage de cette jeune femme, l'inclinaison de sa tête de trois-quarts, l'absence enfin de tout attribut mythologique : tout indique que nous avons ici quitté la sphère officielle pour retrouver une sérénité plus intime.
Et pour cause, ce portrait est celui de la seconde fille de l'artiste, Claudine-Charlotte, qui avait épousé en 1754 François-Philippe Brochier, avocat au Parlement issu d'une importante famille du Dauphiné. La famille de Nattier semble avoir été très unie et ses deux autres filles se marièrent avec des peintres : son aînée, Marie-Catherine Pauline épousa Louis Tocqué en 1747 et Madeleine-Sophie sa cadette Charles Michel-Ange Challe en 1763.
Dans ce merveilleux portrait, le talent du peintre s'est concentré sur le rendu des traits et de l'expression de cette jeune femme, la tête tournée dans une attitude très naturelle, le regard vif et les joues rougissantes. Nattier a utilisé une palette d'un grand raffinement. La fraicheur des carnations de sa fille vient éclairer un fond brun neutre et le plumet qui orne ses cheveux rehausse le carmin de ses lèvres. Le drapé de velours cramoisi qui couvre ses épaules et le nœud vert qui s'en échappe n'ont quant à eux rien à envier aux étoffes des meilleurs coloristes vénitiens du XVIe siècle. Toutes ces qualités font de notre tableau un exceptionnel moment de peinture.