Comment:
En 1700, le peintre-académicien Bon Boullogne, alors au faîte de sa gloire, exécuta à la demande des Bâtiments du roi deux tableaux destinés au décor de l'appartement d'hiver de la Ménagerie de Versailles (fig. 1). Payées 1.000 livres, les deux peintures représentaient, l'une, 'Vénus et l'amour sur une coquille', l'autre, 'La Toilette de Vénus'. Mentionnées dans l'édition de 1701 de la 'Description de Versailles' par Jean-Aymar Piganiol de la Force, puis dans le 'Voyage pittoresque des environs de Paris' d'Antoine-Nicolas Dézallier d'Argenville en 1762, elles disparurent au moment de la Révolution, date à laquelle elles furent ôtées des boiseries et vraisemblablement mises en vente. Les anciens inventaires des collections royales tout comme ceux du Louvre font état de plusieurs copies réalisées d'après les originaux peints par Bon Boullogne pour la Ménagerie. Une réplique d'après 'Vénus sur les eaux' a été identifiée au Musée de Melun (fig. 2), tandis qu'une copie de 'La Toilette de Vénus' se trouve au Musée du Château de Fontainebleau.
Tout comme celles qui furent exécutées d'après les autres tableaux de la Ménagerie, ces répétitions furent agrandies au sein d'un format rectangulaire, avec un encadrement fictif de type rocaille. Au-delà de cet indice distinctif, la platitude des visages et la maladresse du point de vue du traitement des yeux, dans 'La Toilette de Vénus', trahissent une imitation. Son caractère servile est d'autant plus apparent lorsqu'on la compare avec les peintures originales de Bon Boullogne, considérées dans leur ensemble. La réapparition du présent exemplaire pose la question de son statut. On observe d'abord que les imperfections, si sensibles dans la copie de Fontainebleau, ne s'y retrouvent pas. De même la finition des carnations ne peut-elle que rappeler la qualité picturale des originaux de Bon Boullogne. Or, malgré le soin indéniable de la présente version, on peut s'étonner que deux détails extrêmement discrets, visibles dans la copie de Fontainebleau, n'y soient pas : le reflet dans le miroir, et les lignes du pavement du sol. La question de savoir si nous avons affaire à l'original est d'autant plus complexe que Bon Boullogne lui-même avait coutume de répéter ses compositions les plus célèbres. En témoigne la répétition autographe du pendant, 'Vénus sur les eaux', réapparue il y a quelques temps sur le commerce d'art (Artcurial, 14 novembre 2016, n° 14 ; voir F. Marandet, 'op. cit.', p. 34, repr. fig. 28). Sans que l'on puisse déterminer si le présent tableau était celui qui fut commandé pour la Ménagerie (ce dont le marouflage aurait pu être la trace), au-moins peut-on suggérer qu'il doit correspondre à une belle version autographe du tableau des collections royales.
Nous remercions Monsieur François Marandet de nous avoir confirmé l'authenticité de cette œuvre ainsi que pour la rédaction de cette notice.