36 p. in-8 montées sur onglets, demi-maroquin framboise, dos lisse orné d'un très fin encadrement mosaïqué de maroquin vert souligné de filets dorés, tête dorée (Maylander).
Document de la plus grande importance, manuscrit recopié par Remy de Gourmont, juste quelques mois après la disparition de Villiers de L'Isle-Adam. Il faut considérer Gourmont comme le premier écrivain découvreur de l'œuvre de Villiers : c'est grâce à lui qu'il sera reconnu et ses textes inédits publiés.
- "Pages inédites, Le Vieux de la Montagne, L'Art Idéaliste". Paru dans le Mercure de France, t. I, n° 8, août 1890. Jeux d'épreuves pour la publication au Mercure de France. Corrections, nombreuses ratures.
Des papiers inédits, ainsi que, sauf dérogation, tout ce qui sera, de Villiers de l'Isle-Adam, cité en ces notes. - [Voir la Revue Indépendante (avril-mai 1890)]:
"Appendices. - I. - Les Premiers vers imprimés de Villiers de l'Isle-Adam ne sont pas, ainsi qu'il est admis, le recueil typographié à Lyon par Scheuring, mais bien la plaquette très rare dont voici le titre :
Deux Essais de Poésie, par le Comte Villiers de l'Isle-Adam. Paris, imp. de L. Tinterlin et Cie, rue Neuve-des-Bons-Enfants, 1858, in-8 de 16 pages. Deux essais : le second, Zaïra, fut reproduit dans les Premières Poésies, avec, vers la fin, quelques corrections. L'autre, dédaigné à tout jamais par le poète, le méritait. C'est précédé d'une notice indiquant que les calomnies anglaises ont indigné son patriotisme, une ode, bizarrement intitulée : Ballade. Ça et là, des vers d'une assez énergique éloquence, des vers d'un Tyrtée, vraiment supérieur - dans cet emploi, déprécié - à ceux qui en ont reçu patente, et aussi de curieuses expressions, comme : les cris des canons tout enrhumés de rouille. Parlant aux Anglais, il dit du drapeau :
"Fouillez ses nobles plis pour y trouver des taches, vous n'y trouverez que des trous !"
Si Napoléon allait se lever "de son grand lit de pierre", si avec lui les vieilles légions...
Puis, que leurs canons verts, dans l'ombre illuminés d'une joie effroyable, hurlassent, haletants, leur salve formidable, leur cri tout enrhumé de rouille et seul capable d'ébranler les échos tonnants de l'univers !
Finalement, des considérations sur la fragilité d'un trône :
"Sapin couvert d'hermines blanches,
Il a sceptre et lauriers pour branches !...
Il est formé de quatre planches,
Absolument comme un cercueil"
II. - Une autre trouvaille, bien plus inattendue. C'est une brochure scientifique de 4 p. in-4, lithographiée (Paris, lith. Michel, passage du Caire; 1859). Titre : " Nouvelle Application de la vapeur à la navigation. Signé : Philippe-Auguste de Villiers, comte de l'Isle-Adam ". La signature, pour supplément d'authenticité, reproduit l'écriture même de Villiers, sa claire écriture posée, très reconnaissable. Il s'agit d'un système de propulseurs destinés à remplacer, avec bien moins et même pas du tout de déperdition de forces, l'hélice. La langue en est très rigoureuse, dénote de réelles études techniques (ce que l'Ève future a, depuis, prouvé).
III. - Le chapitre IV correspond, d'apparence, au chapitre VI du livre, mais, en réalité,
les premières lignes seules concordent.
Les mots hébreux de l'épigraphe raturée sont ceux- ci, lus sur un autre manuscrit : "Habal habalim, vehkôl habal " - c'est-à-dire : Vanitates vanitatum, et omnia vanitas.
Ce mot Habal donne la clef du symbole exprimé dans l'anecdote de miss Evelyn Habal, dont les charmes, rigoureusement factices, équivalent à rien. Des deux signatures, adjointes par artifice, au fragment de manuscrit, l'une est reproduite d'après une dédicace de La Révolte (1870) ; l'autre est celle alléguée plus haut (Appendice II). "
- " Fragments inédits de l'Ève future " publié dans le Mercure de France, t. II, n° 13, janvier 1891.
"Ève nouvelle (I). - Chapitre. - Silences. - (Les Silences de Hadaly : les comparaisons du teint, des veux, des mouvements, de l'ensemble, etc.).
Transition du monstre Alicia. - Lord Ewald dit :
" La déception constante affina mes sens jusqu'à de plus subtiles attentions, jusqu'à des divinisations véritables. Et tout à coup je découvris, comme seul je pouvais le découvrir, pourquoi j'avais été leurré! Nul, s'il n'a passé par mes tristesses désespérées, ne pourrait découvrir cela !
C'est une ligne si invisible, si ténue, que celle qui sépare la sottise du génie est un madrier en comparaison, - bien que si fine qu'elle soit, elle soit, en réalité, un abime. - Eh bien, je l'ai vue. C'est sa perfection de mirage qui m'avait induit à l'espérance. Mais, j'ai touché, à force d'attention, la ligne où le mirage commençait et m'avait dupé par sa perfection surprenante. Maintenant, je comprends, cela ne m'étonne plus, je sais. "
- "Pages inédites : Lord Lyonnel ", publié dans le Mercure de France, t. II, n° 17, mai 1891.
"Souvent, la nuit, lorsque éveillé par les premiers aquilons d'octobre heurtant les jalousies, lord Lyonnel considérait sa maîtresse endormie, il lui arrivait de se demander obscurément s'il avait bien le droit de se prêter à l'œuvre, au moins étrange, qu'essayait Edison ; - s'il n'était pas, lui, lord Lyonnel, coupable d'une duplicité tacite ; - et, chose encore plus grave, si, en définitive, ce n'était pas, oui, si ce n'était pas tenter Dieu. Un fait singulier (une de ces mille coïncidences, sans doute fortuites, mais qui, - chose, à la longue, digne d'attention, - se produisent toujours d'une manière quelconque autour de ceux dont l'esprit est en proie à cette sorte d'inquiétude occulte), - un fait des plus saisissants s'accomplit une nuit, où il avait exprimé pour la première fois cette pensée à voix basse et se parlant à lui- même. Il l'avait formulée en paroles précises, espérant que cette précision même dissiperait le vague et le trop lourd d'une conjecture de cet ordre.
Comme elle persistait, sa conscience lui suggéra l'idée d'en écrire sur-le-champ à Edison (Il voulait suspendre l'exécution de l'œuvre terrible). Il ne pouvait supporter de s'endormir avec cette obsession. S'étant donc levé, il passa une robe de chambre, s'approcha de son secrétaire, trempa la plume dans l'encrier.
À ce moment précis, et comme il fermait à demi les yeux, regardant un point, fixe dans l'angle de la muraille, comme un homme qui cherche ses expressions et les pèse avant d'écrire, il aperçut d'abord vaguement, puis distinctement, un objet qui d'abord l'étonna, puis le stupéfia, - puis le glaça d'une impression inconnue. C'était la chose du monde la plus simple, une tête de mort, oh ! tout bonnement, très grise, d'aspect ancien et qui semblait faire effort pour apparaître sur la trame de l'obscurité, en cet angle du mur. Détail d'une absurdité sinistre, elle semblait porter une forte paire de besicles devant les deux trous de ses yeux. " […]