HERGÉ Georges REMI dit
1907 – 1983
LE SCEPTRE D’OTTOKAR
Encre de Chine, aquarelle bleue et gouache blanche pour la page 75 de cet album publié en 1939 chez Casterman. Prépublié dans le Petit Vingtième, supplément du journal Le Vingtième Siècle, du 4 août 1938 au 10 août 1939. Superbe planche dans laquelle on remarque la présence des Dupond/t et du roi. Assurément Hergé est au sommet de son art. Cette période se prolongera au début des années 40 avec les Le secret de la Licorne et Rackham le Rouge.
41,5 x 30 cm.
Longtemps Hergé a cherché sa voie. Dans les années 30, la bande dessinée est encore une discipline en devenir, mais par-delà les improvisations talentueuses, à travers lesquelles dessin et récit s’éprouvent mutuellement, les premières aventures de Tintin ne manquent pas de qualités, le dessinateur explorant méthodiquement les possibilités de cette mise en images.
Ce n’est qu’à partir de 1938, avec la publication dans Le Petit Vingtième du Sceptre d’Ottokar, que l’art d’Hergé atteint sa maturité : la ligne claire dans ce qu’elle a de plus abouti, une vie intérieure ingresque où encre de Chine et imaginaire forment un cercle parfait. D’infimes touches de blanc, de l’aquarelle bleue, et la plume du dessinateur s’arrête là.
La limpidité et l’équilibre sont tels que le dessin fonctionne de manière entièrement autonome, comme une économie en circuit fermé, et il se passerait presque de bulles et de tout autre élément indiciel. Raffinement de l’épure en son point d’achèvement, le trait s’exprime seul, reléguant sans le vouloir l’histoire au second plan : la ligne claire, après maintes circonvolutions, a trouvé sa plénitude.
Le Sceptre d’Ottokar est le point culminant de la première période d’Hergé, celle de toutes les libertés au cours de laquelle Tintin et Milou voyagent, explorent le monde et dialoguent sans aucune contrainte. Également libertés du dessinateur, qui affine et perfectionne, page après page, case après case, les structures qu’il a lui?même et souvent de façon instinctive, mises en place.
Restent des images en noir et blanc, en tout point élégantes, patiemment construites et ordonnées, entre minutie et fulgurance. Une stylisation d’une très grande subtilité qui sait ne retenir que l’indispensable, une esthétique inconsciente et une relecture de la réalité qui captivent en un instant, et pour très longtemps, l’imagination du lecteur.