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J. Baptiste Camille COROT (1796-1875)
Saint-Lô, vue d'ensemble à travers des branchages
Estimation:
€80,000 - €120,000
Sold :
€109,680

Lot details

Saint-Lô, vue d'ensemble à travers des branchages
Huile sur toile (Toile d'origine)

Signée 'COROT' en bas à droite et localisée 'S.T LO' en creux en bas à gauche
Toile de la maison Jérôme Ottoz

'A VIEW OF SAINT-LO', OIL ON CANVAS, SIGNED, BY J.-B.-C. COROT

Provenance:

Collection de Madame J. ;
Sa vente, Paris, Hôtel Drouot, 21 mars 1927, n° 12 (36.000 francs) ;
Collection Emile Prat ;
Collection Tony Meyer ;
Collection Alain Delon ;
Vente anonyme ; Paris, Hôtel Drouot, Me Poulain, 19 juin 1987, n°49 ;
Acquis lors de cette vente par l'actuelle propriétaire ;
Collection particulière, Paris

Exhibitions:

'Exposition Corot', Paris, Galerie Schmit, 12 mai -12 juin 1971, n° 31
'Hommage à Corot', Paris, Orangerie des Tuileries, 7 juin - 29 septembre 1975, p. 59, n° 55

Bibliography:

André Schoeller et Jean Dieterle, 'Premier supplément à "L'œuvre de Corot" par A. Robaut et Moreau-Nélaton', Paris, 1948, p. 36-37, n°29, repr.

Comment:
Loin de l'Italie dont il rapporta une partie de la lumière sur ses toiles, la Normandie fut une destination prisée de Corot. De la dizaine de tableaux exécutés à Saint-Lô ou dans les environs immédiats par l'artiste, il convient de constituer deux groupes selon Hélène Toussaint (1): ceux antérieurs à 1837 et ceux peints après 1862.
Corot demeura en effet vingt-cinq ans sans retourner à Saint-Lô mais y revint tous les étés de 1862 à 1866 chez son ami Monsieur Elie, cousin des Osmond. Cette longue abstention avait été provoquée par un incident. Un soir, invité à dîner chez une dame Boudan, le peintre s'était laissé entraîner à savourer trop longuement une eau-de-vie traîtresse. Il avait quelque peu, paraît-il, perdu la notion des usages. Cet homme si discret et réservé, en avait conçu une telle humiliation, que, de son propre aveu, retournant dans la ville un quart de siècle plus tard, il évitait encore de passer dans la rue de son ancienne hôtesse.

Le pinceau à la fois fluide et vigoureux de Corot retranscrit merveilleusement cette atmosphère particulièrement humide du Cotentin. Les éléments semblent s'épouser pour créer une ambiance que l'on pourrait qualifier de pré-symboliste. La transparence est sublime, les clochers se reflètent dans la pièce d'eau avec poésie et les branchages du premier plan semblent venir s'emparer du spectateur pour l'emporter dans la toile. Ces tentacules de bois qui nous saisissent ne sont pas sans nous rappeler les branches dénudées des arbustes des paysages les plus fantomatiques que Segantini peindra quelques années plus tard. Entre Caspar David Friedrich et Sisley, cette petite toile annonce l'Impressionnisme et semble inspirer cette réflexion à Paul Valéry : " L'arbre chez [Corot] pousse et ne peut vivre qu'en son lieu ; et tel arbre, en tel point. Et cet arbre si bien enraciné n'est point seulement un spécimen de telle essence, mais individualisé ; il eut son histoire qui n'a point de pareil. Il est chez Corot " quelqu'un ". "

Parce que devenir le propriétaire d'un tel tableau est un privilège, mais aussi une charge car nous ne pouvons être que les dépositaires de tels chefs-d'œuvre, nous nous devons d'offrir une croustillante anecdote sur l'histoire de cette toile au futur acquéreur. Laissons Maître Hervé Poulain nous raconter les circonstances de son dernier passage en vente :
" Natif du Havre, mon associé Rémy Le Fur dénicha une toile de 1906 de Raoul Dufy, la Baie de Sainte-Adresse, jamais nettoyée, jamais restaurée, miraculeusement dans son jus. Alerté par nos premières publicités, Alain Delon m'informa que bien que sa collection s'arrêtât au XIXe, il voulait ce chef-d'œuvre. Il m'invita à venir prendre le petit déjeuner le lendemain, afin de choisir et d'enlever des tableaux dont la vente règlerait une partie de cet achat qu'il pronostiquait onéreux. (…) Je détachai du mur des dessins de Millet, Balthus, Rousseau, une huile de Corot, Saint-Lô, ainsi qu'un Rodin. " Tu me dépouilles, tu me dépouilles ", gémissait-il. En fait, j'aurais dû avoir la main plus ferme car le Dufy pulvérisa son estimation. Alain révélait un trait de caractère propre aux collectionneurs de mérite, capables pour assouvir leur désir et améliorer leur collection de vendre des choses qu'ils ont aimées et aiment encore. Cette œuvre " fauve " de Dufy ouvrit son regard sur la création du XXème siècle. (2)"

1. Hélène Toussaint, Hommage à Corot, cat. exp. Orangerie des Tuileries, Paris, 1975, sous le lot 55.
2. Hervé Poulain, Le marteau et son Maître, Paris, 2010

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