Comment:
" Philippe va plus viste & son courage est tel,
Que passant les exploits des plus grands capitaines,
Dès son premier triomphe il se rend immortel. "
'Le Nouveau Mercure Galant', mai 1677, t. III
En avril 1677 Louis XIV était devant Cambrai et Monsieur, frère du roi, devant Cassel. Parce que Louis XIV ne pouvait faire figurer cette victoire à son actif, la représentation de la bataille de Cassel ne fit pas l'objet de l'attention qu'elle méritait et Adam-Frans van der Meulen de l'intégra ni dans son cycle de l'Histoire du Roy, ni dans celui des Conquestes du Roy.
La bataille de la Peene, appelée aussi troisième bataille de Cassel, est un épisode majeur des guerres de Hollande (1672-1678). Cette bataille opposa l'armée française aux troupes coalisées des Provinces-Unies, de l'Espagne et de l'Angleterre. Elle fut livrée les 10 et 11 avril 1677 entre Noordpeene et Zuytpeene, deux villages situés sur la rive droite de la rivière Peene Becque, en Flandre, entre Cassel et Saint-Omer, l'enjeu étant la prise de cette dernière ville.
En prenant Valenciennes, Cambrai et Saint-Omer, Louis XIV veut assurer à jamais le repos de ses frontières. Il s'est proposé de délivrer ses États des maux que Saint-Omer, seule place de l'Artois qui appartient encore aux Pays-Bas espagnols, leur cause, en troublant le commerce des pays conquis, entre Dunkerque et Arras.
Aux premiers bruits du siège de Valenciennes, les alliés coalisés s'alarment et obligent le stathouder Guillaume III d'Orange à rassembler promptement son armée devant Saint-Omer. Il accourt de Hollande à la tête de la plus florissante armée qu'eussent encore mise sur pied les États généraux des Provinces-Unies. Eugène de Montmorency, prince de Robecq, l'assure que Monsieur a peu de troupes avec lui pour le siège de Saint-Omer, mais qu'il faut faire vite. Le prince d'Orange s'en approche donc en toute hâte le 10 avril 1677.
Le prince d'Orange est sûr d'être victorieux, il a rassemblé 30 000 hommes aux environs d'Ypres, située à 55 km à l'est de Saint-Omer. Il passe par Poperinge et vient camper le 9 avril à Sainte-Marie-Cappel. Le lendemain, au point du jour, il contourne Cassel par l'Ouest, se rend à Bavinchove et Zuytpeene et, cotoyant la rive droite de la Peene Becque, il arrête ses troupes entre ce dernier village et Noordpeene. Là, à une demi-lieue du campement français, le prince range son armée sur cinq colonnes.
La gravure de Sébastien Beaulieu (fig. 1) apporte un support technique précieux pour suivre la bataille peinte pourtant fidèlement par l'auteur de notre spectaculaire toile.
C'est le 10 avril 1677 à midi que l'armée des coalisés est en présence de celle de Monsieur, campée au-delà des ruisseaux : ce lieu est marécageux et incommode. La première chose que le prince Guillaume d'Orange veut entreprendre, c'est de secourir Saint-Omer du côté du bac, qui paraît l'unique voie. À cet effet, il commande à ses dragons de se saisir de l'abbaye de Peene. Mille obstacles l'arrêtent dans ce projet. Il le reconnaît avec amertume et se voit obligé de livrer bataille, chose qu'il désire du reste, car il se croit supérieur aux Français.
Dès le point du jour du 11 avril, dimanche des Rameaux, le prince est dans la plaine. Les Français l'y ont laissé s'avancer... Guillaume d'Orange se trouve bloqué par un autre ruisseau : la Lyncke. Le printemps a été particulièrement pluvieux; les cours d'eaux sont à leur niveau le plus haut. Tant la gravure de Beaulieu que notre tableau montrent parfaitement l'encerclement par les rivières auquel s'est condamné Guillaume d'Orange.
Vers 14 heures, Monsieur ordonne au maréchal d'Humières d'attaquer à droite, ce qui est fait, mais il est lui-même attaqué sur son flanc droit. Monsieur fait avancer l'infanterie et le maréchal de Luxembourg avance à gauche. D'Humières attaque à nouveau de plus belle et les Hollandais se trouvent pris en tenaille. C'est précisément cette scène qui est représentée à droite de notre tableau.
La bataille est terminée vers 17h30. Les Hollandais prennent la fuite et se dirigent vers Abeele, située sur la frontière franco-belge actuelle, puis Poperinge.
La victoire des troupes françaises a permis le rattachement à la France de la ville de Saint-Omer, des châtellenies de Cassel, Bailleul et Ypres, jusque là possessions du comté de Flandre, et plus largement des Pays-Bas du sud espagnols. Les auteurs de l'époque valorisent la victoire de Monsieur, Philippe d'Orléans frère du Roi après celle de Philippe I en 1071 et de Philippe VI en 1328 en ce lieu (comme le montre le cartel en haut à droite de la gravure de Beaulieu) et le site de Cassel est retenu pour servir la gloire du frère du roi dans le portrait équestre que peint Pierre Mignard en 1694.
Sur les chemins du retour de la bataille les soldats et le peuple chantent ; " Vive le roy et Monsieur qui a gagné la bataille ". Contrarié, Louis XIV ne parle pas de l'événement à son frère et le prive à l'avenir de tout commandement militaire.