Comment:
Un paysage de ruines surmonté d'un gibet ; dans chaque ouverture délabrée, d'autres pendus répètent la mort par strangulation ; au centre, imprégnée dans l'encre, une silhouette longiligne et bossue, comme une ombre de la mort prenant possession de ces corps abandonnés. S'agirait-il d'une scène des 'Misères de la Guerre' de Callot revue par Hugo ? Une désolation totale suinte de la scène. Victor Hugo essaya en 1854 de s'opposer à la pendaison de Tapner, criminel guernesiais par un appel lancé aux habitants de Guernesey :
" Echafauds ! Qu'est-ce que vous nous voulez ? Ô machines monstrueuses de la mort, hideuses charpentes du néant, apparitions du passé, toi qui tiens à deux bras ton couperet rectangulaire, toi qui secoues un squelette au bout d'une corde, de quel droit reparaissez-vous en plein midi, en plein soleil, en plein dix-neuvième siècle, en pleine vie ? vous êtes des spectres. Vous êtes les choses de la nuit, rentrez dans la nuit. (1)"
En vain…
C'est alors qu'il dessina le fameux pendu, dont on connaît quatre versions (deux à la maison de Victor Hugo, fig. 1, une au musée du Louvre et une à Budapest). Le combat contre la peine de mort accompagne la vie et l'œuvre de Victor Hugo : 'Han d'Islande', 'Le dernier jour d'un condamné', 'Claude Gueux'…
Plus qu'une condamnation judiciaire, notre dessin semble illustrer la barbarie guerrière et la désolation muette de la mort qui envahit l'espace, minuscule par la surface, mais fantastiquement démesuré dans l'imaginaire.
1. Voir 'Du chaos dans le pinceau', Victor Hugo, Dessin, cat. exp., Marie-Laure Prévost, maison de Victor Hugo, 12 octobre 2000 - 7 janvier 2001, Paris-Musées, p. 346.
Nous remercions Monsieur Pierre Georgel de nous avoir aimablement confirmé l'authenticité de ce dessin par un examen de visu. Il sera inclus dans son catalogue raisonné de l'œuvre de l'artiste actuellement en préparation.