Traditionnellement donnée à Jan de Beer, cette 'Adoration des mages' illustre un pan de la peinture anversoise du premier quart du XVIe siècle et se rattache plus largement à ce courant appelé maniérisme gothique. Jan de Beer est le plus célèbre des peintres de ce courant, le seul qui ait été cité dès 1567 par Guichardin aux côtés des grands novateurs tels que Quentin Metsys, Joos van Cleve et Joachim Patinir, qui travaillaient à Anvers dans les même années.
Nous pouvons admirer dans notre panneau la richesse des parures et les plis caractéristiques des vêtements, la délicatesse avec laquelle est rendu chaque détail des bijoux et des broderies qui témoignent de la filiation de notre peintre avec l'art des Primitifs flamands. L'élégance du portique sous lequel se place saint Joseph et plus particulièrement le type de chapiteau utilisé par l'artiste renvoie directement à la colonne représentée à droite du trône du roi Chosroès dans un tableau de Jan de Beer récemment acquis par le Louvre (1) .

Dans cette période du gothique tardif, le paysage tend à prendre une place de plus en plus importante et à se diversifier. Les figures ne sont plus représentées dans des intérieurs avec une fenêtre ouvrant sur un paysage mais directement au sein de celui-ci. Si la sublime exposition Extravagant (2) avait mis en lumière l'importance du maniérisme gothique, celle récemment organisée au Musée des Beaux-arts de Lille (3) y consacra l'importance de la narration dans le paysage dès le début du XVIe siècle. Dans notre tableau, la montagne que descendent les rois mages en suivant l'étoile du berger est un mélange entre un monde fantastique rêvé par l'artiste et l'influence des Alpes dans la production des pays du Nord au relief inexistant. Entre rêve et réalité, cette Adoration des mages pleine de calme et de douceur nous offre une composition merveilleusement agencée dans laquelle la rudesse archaïsante de la montagne centrale contraste avec les points de fuites apaisés que constituent les deux vallées et dans laquelle la douceur de la Vierge contraste avec la détermination du regard du Christ enfant qui semble avoir déjà pleinement conscience de sa vocation.

1 -' Héraclius décapitant Chosroès', vers 1515, huile sur panneau de chêne, 24 x 42,5 cm, RF 2009-6
2 - Exposition organisée à Anvers et à Leyde en 2005 - 2006
3 - 'Fables du paysage flamand', 6 octobre - 14 janvier 2013, Musée des Beaux-arts, Lille