Dessin original. Aquarelle avec effet de dendrite et rehauts, 12 x 8, 7 cm, encadrement sous verre.

Superbe dendrite dont la superposition de taches crée comme un effet de profondeur vertigineux. Sa pureté sans ajouts figuratifs et sa petite taille pourraient la classer parmi les rares premiers essais que George Sand effectua dans les années 1860, mais elle provient d'un album monté vers 1874-1875 - dans lequel néanmoins il n'est pas totalement exclu que Sand ait pu insérer des œuvres plus anciennes.

George Sand inventa la dendrite. Sa découverte correspond en fait à un génial dévoiement artistique de représentations naturalistes. Dans les années 1860, se passionnant avec sa maisonnée pour la minéralogie, George Sand en était venue notamment à dessiner les faces brisées des échantillons de pierres qu'elle recueillait. La force suggestive de ces représentations, semblables aux taches accidentelles de Victor Hugo, l'amena à mettre au point une technique personnelle pour en inventer de nouvelles, imaginaires : elle déposait de l'aquarelle sur une feuille, puis y appliquait une seconde feuille. Quand elle ôtait cette seconde feuille, elle obtenait un résultat rappelant la beauté des pierres brisées et notamment celles renfermant des feuillages fossiles, auquel elle ajoutait parfois quelques rehauts formés de taches coulées du pinceau. Ses premiers essais, d'une petite taille avec peu ou point de rehauts, sont d'une grande rareté, une dizaine selon Christian Bernadac.
Après une petite interruption vers 1865, George Sand reprit ses travaux de dendrite vers 1873 et ne cessa plus jusqu'à sa mort en 1876. Ayant nommé d'abord sa technique " aquarelle à l'écrasage ", elle employa finalement le terme de " dendrite ", emprunté au vocabulaire minéralogique et désignant, selon Littré auquel Sand renvoyait à ce sujet : premièrement une " pierre arborisée ", c'est-à-dire une pierre portant un motif ressemblant à un arbre, ou encore le motif lui-même de la pierre arborisée, et deuxièmement un arbre fossile.
C'est lors de cette seconde période que George Sand prit l'habitude de compléter à sa fantaisie ses dendrites par des motifs figuratifs, ciels ou montagnes aquarellées, ruines, silhouettes de ses petites-filles... Se laissant porter par les hasards de l'imagination, elle renouait dans sa vieillesse avec ses visions d'enfance :
" J'étais assise aux pieds de ma mère devant le feu, et il y avait entre le feu et moi un vieux écran à pieds garni de taffetas vert [...]. Des images se dessinaient devant moi et venaient se fixer sur l'écran vert. C'étaient des bois, des prairies, des rivières, des villes d'une architecture bizarre et gigantesque, comme j'en vois encore souvent en songe : des palais enchantés avec des jardins comme il n'y en a pas, avec des milliers d'oiseaux d'azur, d'or et de pourpre, qui voltigeaient sur les fleurs et qui se laissaient prendre comme les roses se laissent cueillir [...] J'ai contemplé sur cet écran vert des merveilles inouïes " (Histoire de ma vie, 1854-1855).

George Sand parmi les pionniers de l'abstraction. Dans l'exposition consacrée à la découverte de l'abstraction tenue à la Schirn Kunsthalle à Francfort en 2007-2008, George Sand est présentée aux côtés d'Alexander Cozens, William Turner, Victor Hugo ou Gustave Moreau, comme un des précurseurs de cet art non figuratif - bien avant Kandinsky, Kupka, Malévitch ou Mondrian. La question du projet artistique de George Sand est résolue par le fait qu'elle a placé plusieurs dendrites sans ajouts figuratifs dans un album, indiquant par là qu'elle les considérait comme des œuvres achevées.

Expositions
- ENTDECKUNG DER ABSTRAKTION. Francfort, Schirn Kunsthalle, 6 octobre 2007-6 janvier 2008. N° 61 du catalogue, avec reproduction p. 107.
- GEORGE SAND, UNE NATURE D'ARTISTE, Paris, musée de la Vie romantique, 29 juin-28 novembre 2004. N° 165 du catalogue, avec reproduction p. 184.

Bibliographie
- BERNADAC (Christian). George Sand. Dessins et aquarelles. [Paris], Pierre Belfond, 1992. N° 264, avec reproduction.
- DESSINS D'ECRIVAINS. Paris, Éditions du Chêne, 2003. Reproduction p. 22.