Comment:
Ce tableau inĂ©dit, peint dans un camaĂ¯eu de bruns, reprĂ©sente la PrĂ©dication de Saint Jean-Baptiste au sein d'une composition très Ă©quilibrĂ©e. Saint Jean, Ă©tirĂ© et diaphane, est placĂ© Ă l'arrière-plan au centre, tandis que le premier plan est structurĂ© par les figures repoussoirs d'un homme drapĂ© de dos Ă gauche et d'un berger appuyĂ© sur un bĂ¢ton aux cĂ´tĂ©s d'un homme assis vu de dos en pose d'extrĂªme agitation Ă droite.
Avec ses grands contrastes de proportions, de positions et de plans, la mise en scène se veut frappante et provocante. C'est un exemple Ă©clatant du maniĂ©risme nĂ©erlandais des annĂ©es 1590, dont les principaux maĂ®tres sont Goltzius, Cornelis van Haarlem, Abraham Bloemaert et Joachim Wtewael. Le tableau est caractĂ©ristique de l'Å“uvre de Bloemaert. Son exĂ©cution quasi monochrome est nĂ©anmoins extrĂªmement originale. Le sujet de la prĂ©dication de Saint Jean est très frĂ©quent Ă l'Ă©poque. Bloemaert le reprendra souvent avec des solutions variĂ©es, exploitant une large gamme expressive pour les diffĂ©rents tĂ©moins de la scène.
La grande figure de dos qui ouvre la scène se retrouve dans l'une des figures de la planche 58 du Tekenboek, recueil de figures et de motifs gravés d'après des dessins de Bloemaert publié entre 1650 et 1656 (Fig.1).
Le personnage assis avec la jambe gauche repliĂ©e, constitue une signature de l'artiste et se retrouve dans son tableau reprĂ©sentant Le Jugement de PĂ¢ris1 et dans un dessin figurant Apollon et DaphnĂ©2. Pour Bloemaert, le placement du sujet principal Ă l'arrière-plan est une formule rĂ©currente.
Les annĂ©es 1590 voient l'Ă©closion des premiers grands chefs-d'Å“uvre de Bloemaert, alors stimulĂ© par la concurrence de Cornelis van Haarlem et inspirĂ© par Spranger et Van Mander : il s'agit de tableaux tels que PelĂ©e et ThĂ©tis (conservĂ© Ă l'Alte Pinakothek de Munich), Les Niobides, datĂ© de 1591 (conservĂ© au Statens Museum for Kunst de Copenhague) ou encore Le DĂ©luge (conservĂ© Ă la Yale University Art Gallery).
Si l'artiste se plaisait Ă rĂ©aliser de grandes compositions, il peignait aussi de petits formats comme notre tableau mais n'employa le monochrome que pour très peu d'entre eux, tels que la FĂªte des dieux3 (datĂ© de 1598 et conservĂ© au Mauritshuis Ă La Haye), la grisaille figurant SĂ©mĂ©lĂ©4 ou un dessin reprĂ©sentant Saint Roch5. Toutes ces Å“uvres sont particulièrement raffinĂ©es, dans l'esprit de la gravure mais totalement indĂ©pendantes d'elle. D'autres artistes tels que Van Mander et Goltzius utilisèrent cette technique de façon analogue.
Selon Marcel Roethlisberger La PrĂ©dication de Saint Jean-Baptiste prend place dans ces annĂ©es fertiles de la première maturitĂ© de Bloemaert, vers 1593-95. Il considère ce tableau comme une Å“uvre saisissante, magistrale, riche en contrastes de formes et d'expressions.
Nous remercions le professeur Marcel Roethlisberger de nous avoir aimablement confirmé l'authenticité de ce tableau d'après photographie (correspondance écrite en date du 16 mars 2012), ainsi que pour son aide à la rédaction de cette notice.
1 - Marcel Roethlisberger, Abraham Bloemaert and his Sons, Davaco, 1993, fig. 40
2 - Jaap Bolten, Abraham Bloemaert The Drawings, 2007, fig. 494
3 - Marcel Roethlisberger, op. cit., fig. 53
4 - ibid., fig. 57
5 - ibid, fig. 114