Expulsé de Jersey, Hugo débarque à Guernesey en 1855. Il achète Hauteville House en 1856. L'exilé va recréer son monde intérieur en décorant sa maison comme un "autographe à trois étages " selon le fameux mot de Charles Hugo. " J'ai manqué ma vocation, j'étais né pour être décorateur ", confiera Hugo à Jules Claretie, avec un sens de l'autodérision dont on oublie de parer le génie.
Notre dessin représente l'intérieur du salon rouge, où quatre torchères torsadées à figures de chinois forment comme une alcôve surmontée d'un dais devant la cheminée. Ces sculptures ornementales brandissant des flambeaux fournis de chandeliers retournés avaient suivi le poète depuis son logement de la rue de la Tour d'Auvergne. Pour Hugo, ces figures chinoises étaient des " nègres ", et il aimait prétendre -sans doute mystifié sur la provenance par un antiquaire doué pour l'imagination - qu'elles provenaient du Bucentaure, le vaisseau amiral des Doges de Venise. Le dais surmontant les sculptures avait été acheté à un marin qui revenait du sac du Palais d'Eté. Avec Hugo, chaque objet est un sujet de roman.

Nous remercions Monsieur Pierre Georgel qui nous a aimablement confirmé l'authenticité de ce dessin qui sera inséré dans son catalogue raisonné de l'oeuvre de l'artiste actuellement en cours de préparation.