Comment:
Notre tableau est une esquisse préparatoire à un grand tableau récemment apparu sur le marché de l'art. Cette grande et ambitieuse composition (Fig.1) était inconnue jusqu'à son récent passage en vente en 2009 à Milan1.
La scène représentée nous plonge dans les fastes quotidiens de la Rome papale.
Chaque cérémonie se déroulant à Rome au milieu du XVIIIe siècle est l'occasion pour Giovanni Paolo Panini de faire éclater son talent de scénographe. Une grande diversité de personnages, religieux, gentilshommes ou peuple de la ville éternelle donnent vie à des scènes grandioses et théâtrales aussi célèbres que 4Les préparatifs de la Piazza Navona pour les fêtes données à l'occasion de la naissance du Dauphin de France en 1729' ou encore que la 'Fête musicale donnée par le cardinal de La Rochefoucauld au théâtre Argentina en 1747 à l'occasion du mariage du Dauphin de France'2.
La notice du catalogue de la vente Christie's en 2009 identifiait la scène comme la probable nomination de Giovanni Carlo Molinari (1715-1763) comme archevêque de Damas.
Ferninando Arisi nous indique au contraire qu'il s'agirait selon lui de la consécration épiscopale de Francesco Landi Pietra, consacré évêque de Bénévent. Il sera en 1743 nommé archevêque de Milan et élevé à la pourpre cardinalice la même année comme Monseigneur Pozzobonelli.
'La consécration du Cardinal Pozzobonelli à San Carlo al Corso'3, peint par Panini en 1743-1744, montre l'importance que souhaite se donner notre prince de l'Eglise grâce à de somptueuses commandes. Originaire de Plaisance comme Panini, le cardinal Pozzobonelli commanda en 1745 à l'artiste deux importants tableaux en relation avec son siège épiscopal : 'L'arc de Trajan à Bénévent' et 'Le théâtre romain de Bénévent'. Ludovico Stren réalisa son portrait (aujourd'hui conservé au palais Corsini à Rome), ainsi que Sebastiano Ceccarini (ce portrait est actuellement conservé au Museo Civico de Plaisance).
A gauche de l'autel le pape Benoit XIV est représenté dans la même position de trois-quarts, mais non bénissant, que sur le célèbre portrait qu'en fit Subleyras vers 1740.
Grand protecteur des arts durant son pontificat (1740-1758), Benoit XIV contribua au succès de la carrière de Panini en lui donnant l'occasion de peindre des scènes devenues célèbres comme en témoigne notamment la 'Réception de Charles III de Bourbon par Benoît XIV au Quirinal', actuellement conservée au musée de Capodimonte à Naples.
Ferdinando Arisi nous dit reconnaitre le cardinal Silvio Valenti Gonzague dans le prélat représenté en rouge à gauche de notre esquisse. Ce dernier était un grand admirateur de Panini qui le représenta au milieu de son impressionnante collection de tableaux dans la célèbre composition conservée au Wadsworth Atheneum Museum of Art à Hartford.
L'huile sur toile que nous présentons participe du processus d'élaboration du tableau définitif probablement commandé par Francesco Landi Pietra
Deux études de personnages religieux4, exposées en 2003 à la galerie Jean-Luc Baroni à Londres, et un dessin au crayon conservé au Kupferstichkabinett de Berlin, lui aussi une étude de personnage, démontrent le soin accordé par l'artiste à la construction de cette scène de cérémonie.
Les variantes sont extrêmement nombreuses entre notre esquisse et le tableau définitif. L'étude se concentre sur la partie centrale de la composition. Le nombre et le positionnement des personnages, leurs habits ainsi que le décor de la pièce (encadrement des portes, tissus, hauteur de l'accrochage de la Vierge à l'Enfant au dessus de l'autel…) montre le soin accordé à une scénographie théâtrale.
Le gentilhomme portant le bandeau de l'ordre du Saint Esprit et le cardinal vêtu de rouge visible dans notre esquisse sont bien présents dans le tableau définitif mais plus sagement représentés.
Une touche libre et rapide, plusieurs repentirs (l'encadrement de la porte à droite) rendent notre tableau extrêmement intéressant et vivant.
Panini rend hommage à Carlo Maratta en reprenant au dessus de l'autel la partie centrale d'une composition de l'artiste, connue par une gravure de Giovanni Girolamo Frezza réalisée en 1694.
Nous remercions les professeurs David R. Marschall et Ferdinando Arisi qui nous ont aimablement confirmés d'après photographies l'authenticité de cette œuvre ainsi que pour leur aide précieuse à l'élaboration de cette notice (communications écrites du 5 août et du 10 août 2011)
1 - Vente anonyme ; Milan, Christie's, 26 mai 2009, n°53 (huile sur toile, 120,5 x 171 cm.), vendu 391.000 €.
2 -Ces deux tableaux sont actuellement conservés au musée du Louvre à Paris.
3 - Actuellement conservée au Museo Civico de Côme cette composition est particulièrement ambitieuse, tant par sa dimension (198 x 297 cm.) que par la pompe fastueuse qu'elle illustre (voir Ferdinando Arisi, 'Giovanni Antonio Panini', Milan, 1993, n°41, p. 160-161)
4 - 'Master Paintings and Sculptures', 16 janvier-21 février 2003, n°13 a et b, huiles sur toiles, 30,5 x 16,4 cm.