Chemise de carton rouge (29,5 x 48 cm) pliĂ©e en 2, soit 4 p. in-4. Ecriture Ă la mine de plomb. Deux des pages portant un long texte et dessins scientifiques, l'autre face petit dessin et court texte : "Saint-ExupĂ©ry - AĂ©ropostal CGA. Stop. Projet AmĂ©rique impossible, mais voyons Daurat pour affectation.". Ces indications permettent de dater approximativement le document : entre 1927 et 1933 oĂ¹ Didier Daurat dirigeait l'AĂ©ropostale.
Sur l'autre face du document, figure un exceptionnel rĂ©cit de rĂªve. Comme il est d'usage pour ce type de narration parfois faite au saut du lit, la syntaxe est malmenĂ©e, les formulations elliptiques. Les Carnets de Saint-ExupĂ©ry tĂ©moignent de l'intĂ©rĂªt qu'il portait Ă la psychanalyse et aux rĂªves : "La psychanalyse. Son objet essentiel est la recherche du sens des choses. Quel est le sens du rĂªve - et ceci parait vrai… Je cherche donc, sous les symboles, Ă lire cette commune mesure" (Carnet IV, 12).
MĂªme dans les rĂªves de Saint-ExupĂ©ry, il est question d'aviation, un avion qui essaie de dĂ©coller dans l'espace confinĂ© d'un bureau (image de son envie d'espace, de libertĂ©?).
"L'avion est pris dans le bureau de C[ompagnie] G [Ă©nĂ©rale] A[Ă©ropostale]. [… Je] vais virer pour prendre le dĂ©part et me heurte Ă une table (?) alors je m'aperçois que c'est trop petit. Je dis bien : vais dĂ©coller seul et atterrir dans le bureau aĂ©roposte oĂ¹ prendrai le dĂ©part, mais je m'aperçois qu'il est impossible de voler dans un immeuble Ă cause des plafonds […]. Je regrette donc que l'on ait appelĂ© [l'ami ?] lĂ et je dĂ©cide que je vais dĂ©coller seul, mais pour atterrir au terrain oĂ¹ les pilotes vont en voiture (je pense vaguement qu'il faut le mĂªme temps en avion qu'en voiture). Comme impossible dĂ©cidemment de partir ici, je dĂ©cide de dĂ©coller dehors et pars en roulant. Besson est lĂ , je lui demande de dĂ©coller. Il y a, je me souviens, un petit jardin genre Fournier (?) (je pense Ă Pachet) (qqn ressemble Ă Fournier). Besson en cuir se dirige vers la rue Ă travers un long couloir avec le chauffeur. J'appelle, mais il a dĂ©jĂ franchi le seuil. […] Ă ce moment-lĂ un nouvel escadron de sĂ©curitĂ© gris […] et tire dans la rue. Je me recule et tente de grimper un petit escalier […], mais vais recevoir une balle dans la colonne vertĂ©brale. Pendant toute la fin, j'ai tenu mon avion dans la main (?) et j'ai bien regrettĂ© de ne pouvoir dĂ©coller. […] j'aurais pu dĂ©coller dans le couloir face aux escaliers. - Et j'ai eu une peur terrible - Besson probablement tuĂ©."
Et de conclure son récit par un rappel de Freud :
"Selon Freud (ass[ociations] libres), la pensĂ©e est simplement expĂ©rience (?) par celle qui suit : encore plus libre, et le rĂªve par le rĂªve qui suit encore plus libre."