"NOUS NE SOMMES PLUS NOMBREUX NOUS SOMMES À L'INFINI".
Vers sept. 1945. 2 p. in-4 au verso du papier à lettres à en-tête de la galerie M. A. I., encre noire, puis bleue, mine de plomb, très nombreuses ratures et phrases non conservées. A côté de la galerie M.A.I. (Meubles Architectures Installations, rue Bonaparte) se trouvent les éditions des Cahiers d' Art rue du Dragon, fondée par Christian Zervos, il épousera Yvonne Marion la propriétaire de la galerie M. A. I. en 1932. Paul Eluard était très proche des Zervos, et était avec René Char le conseiller littéraire des Cahiers d'Art.
Publié dans "Au rendez-vous Allemand" en 1946 : "Eternité de ceux que je n'ai pas revus" est un poème d'hommage aux écrivains assassinés par les nazis ou en déportation: Desnos, Fondane, Pierre Unik, Decour, Max Jacob, St Pol Roux...
"Visages clairs souvenirs sombres / Puis comme un grand coup sur les yeux / Visages de papier brûlé / Dans la mémoire rien que des cendres / La rose froide de l'oubli...
" Et rien que le temps d'être tout / Dans ma mémoire qui revient / Dans la mémoire que j'enseigne / Rien que le temps d'être Desnos / Rien que le temps d'être Péri / Rien que le temps d'être Crémieux / D'être Decour ou Politzer / Ou St. Pol Roux ou Max Jacob ... ["des hommes ayant droit de vivre". Raturé] Et tous à l'image de l'homme tous nous rendent la vie impossible. / Des héros et des victimes / Dans ce décor de soleils / Et de mers renouvelées / Mais aussi dans ce chaos / De travaux et de prisons / De chagrins et de famines / Leurs mains ont serré les miennes / Leur voix a formé ma voix / dans un miroir fraternel / Et mes mains serrent des mains / D'hommes qui naîtront demain / Et qui leur ressemblent tant / Que je me crois éternel / Le sang passe la mort casse."
" La lumière, l'air, la nuit, résident en notre sein o mes frères courageux / Au long d'un âge parfait, j'en ai oublié l'oubli / Les lendemains sont anciens / Et le passé est tout neuf / Et nous sommes le commun / Et tout est commun sur terre / Simple comme un seul oiseau / Qui confond d'un seul coup d'aile / Les champs nus et les récoltes / Et le ciel avec la terre"