La communauté flamande joua un rôle important dans l'élaboration de la peinture de paysage en Italie, et particulièrement à Rome, dans la seconde moitié du XVIe siècle. Les frères Mattheus et Paul Bril, venus d'Anvers, furent appelés à travailler au Vatican où ils développèrent les règles du paysage qui resteront en vigueur tout au long du XVIIe siècle. La profonde amitié et collaboration qui lièrent Paul Bril et Annibal Carrache sont à l'origine d'un type de représentation où la nature devenait un genre autonome. La qualité de la technique nordique, nourrie de la poésie de la lumière italienne donna ainsi naissance au paysage virgilien, ouvrant ainsi deux voies au début du XVIIe siècle ; celle de Nicolas Poussin et celle de Claude Lorrain.

La présence en Italie de Jan Brueghel est attestée de façon assez précise ; à Naples en 1590, à Rome entre 1593 et 1594 où il rencontre le grand collectionneur Federico Borromeo, puis à Milan en 1595-1596, s'attachant au service de dernier.
Si Jan Brueghel apprend la technique de la miniature et celle de l'aquarelle de sa grand-mère Marie de Bessemers (épouse de Pieter Coek d'Alost), c'est en Italie qu'il développe son propre style, cette atmosphère lumineuse et légère, ces tons purs et brillants et ce velouté profond qui lui donneront son surnom de Brueghel de Velours.
A son retour d'Italie à l'automne 1596 il s'installe à Anvers et son succès est immédiat et les commandes affluent. Dès 1602 il est doyen de la guilde d'Anvers et jusqu'à la fin de sa vie, les succès artistiques, les prestigieuses commandes et l'importance de son patrimoine ne cessèrent de s'accroître.

Notre tableau, daté de 1600, témoigne de la parfaite maîtrise de son style peu de temps après son retour dans les Flandres.
Nous pouvons le comparer à d'autres œuvres de l'artiste de la même période qui constituent avec notre tableau un corpus reflétant parfaitement le goût de Jan Brueghel vers 1600 pour les sujets riches en animaux de toutes sortes placés dans des paysages idylliques.
Le 'Paysage de paradis avec la création de l'homme'1, daté de 1595, et le 'Paysage de paradis avec l'embarquement des animaux dans l'Arche de Noé'2 (Fig.1), daté de 1596, sont en tous points comparables à notre cuivre. Les dimensions, le support, la manière de signer et dater, et bien sûr les sujets sont extrêmement similaires dans ces trois œuvres.
Seuls ces différents sujets permettaient à Jan Brueghel de représenter un aussi grand nombre d'animaux. Vers 1600 une telle diversité d'espèces et l'exotisme de la plupart d'entre elles est absolument extraordinaire : autruches, lion, jaguar, dromadaire, pélican, singes et dindons se mêlent au espèces du vieux continents.
Ce 'Paysage de paradis avec Orphée charmant les animaux', reflet du goût encyclopédique de Jan Brueghel, justifie de façon lumineuse l'autre surnom de l'artiste : Brueghel de Paradis.



1 - Huile sur cuivre, 26,5 x 35 cm, signé et daté 'BRUEGHEL 1595' en bas à gauche, Rome, Galerie Doria Pamphilj, inv. 278
2 - Huile sur cuivre, 27 x 35,5 cm., signé et daté 'BRUEGHEL 1596' en bas à gauche, Collection particulière