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Pierre Jean Jouve
Lettres à Gabriel Bounoure 1928 à 1969
Estimation:
€13,000 - €15,000
Sold :
€15,301

Lot details

Lettres à Gabriel Bounoure 1928 à 1969

30 lettres à Gabriel Bounoure, 1 à J. Paulhan, 1 à Briec Bounoure. Joint : nbr. brouillons de lettres de Bounoure. Dès 1929, avec une remarquable clairvoyance, Bounoure a su deviner en Jouve celui qui devait satisfaire aux conditions les plus exigeantes de la poésie. Dans cette magnifique correspondance qui s'étale sur près de quarante années reviennent avec insistance certains thèmes favoris comme si chaque œuvre nouvelle de Jouve venait à la fois enrichir et vérifier les conceptions poétiques du critique.
Rupture avec la poésie de sa jeunesse et l'Unanimisme. C'est par l'intermédiaire de Paulhan que Pierre Jean Jouve a lu la critique de Noces par G. Bounoure. Il insiste pour que G. Bounoure ne le range pas dans "le sentiment de l'Unanimisme, tout l'esprit de ces écrivains m'est contraires". A propos du Paradis (Perdu) : "je vous assure que vous êtes le premier à parler ainsi de mon ouvrage avec cette hardiesse de vue et cette intelligence de la réalité… Je suis placé vis-à-vis de mon œuvre dans une situation de pudeur particulière… J'ai toujours désiré rencontrer la critique : celle qui élucide, qui apprend comme le miroir nous apprend". Bounoure Miroir du poète : "Je ne compte pas plus de trois ou quatre esprit comme le vôtre pour me renvoyer l'image que tout poète doit recevoir afin de vivre ". 21 mars 1931 : Pierre Jean Jouve veut répondre à son admirable lettre : "mais j'écris très mal les lettres, une distance très grande demeure toujours entre mes phrases et moi, je n'y ai pas de naturel. Il faudrait pourtant vous dire quel bien vous m'aviez fait." Il était dans un état de découragement sombre, et la lettre de G. B lui redonne force : "un esprit fort comme le vôtre aurait compris le rôle providentiel de nourrir et d'abreuver l'esprit du poète quand l'inanition est devenue par trop grande." Il analyse son comportement face à l'écriture : "Il y a au moins deux hommes en moi, l'un qui avance et qui croit, l'autre qui regarde et voudrait bien détruire, c'est une bataille plus dure que vous l'imaginez.". Au sujet de son roman Vagadu "qui est sans doute de tous mes ouvrages celui qui me demande le plus d'énergie et qui me laisse le plus tremblant sur la rive." Janvier 1935 : "j'ai le sentiment d'une telle profondeur et chaleur dans (votre) intelligence et d'un si grand détail que je puis presque dire que désormais j'écrirai mes livres pour vous. Je ne saurais être mieux compris. Il faudrait une notion un peu délirante du génie ou une force beaucoup plus sainte pour tenir assuré dans le paradoxe de ma destinée. L'artiste a besoin de réussir ou d'échouer et peut être plus qu'aucun autre. S'il souffre trop il se réfugie dans une mélancolie (la maladie mortelle de Kierkegaard) ...je dois avoir dans mon cas trop d'instinct de mort". 1949 : il a "entrepris un assez immense travail le journal d'une idée qui devra survoler la plupart des expériences de ma vie, l'origine de mes personnages les souvenirs, des jugements sur la politique ou sur l'esthétisme, l'examen de la question religieuse en rapport avec la poésie". 1957 : Jouve se trouve dans l'ombre de l'actualité littéraire et doute de sa place dans les lettres françaises "en raison de l'obscurantisme furieux et de l'ahurissement intellectuel de l'époque…ma situation demeure un paradoxe de notoriété obscure que vous connaissez et j'avoue en souffrir de plus en plus." 1958, sur le livre de Bounoure, "Marelles sur le parvis" : "personne n'a encore pénétré comme vous le faites la matière propre de la Poésie, ce qu'elle est presque en dehors du poème, ce qu'elle veut et doit toucher essentiellement - personne n'a distingué comme vous l'opération si risquée de la poésie d'aujourd'hui". Il annonce que GB est le dédicataire de son livre de poèmes "Inventions" au Mercure de France. 1963 : Il sort d'une grave maladie cardiaque, elle est due "plutôt à l'événement d'échec et de douleur qui n'a pas cessé de frappé sur mon esprit depuis 3 ans, voilà le mécanisme de ravage qui me fit tomber en bloc… cette maladie est un trou". "Les paroles de vos lettres sont déjà la reconnaissance suspendue entre le monde et moi. Vous redonnez la vie nouvelle aux vieux textes." Il est en train de travailler sur l'édition du tome 2 de ses œuvres : "les guerres sont des moments d'emphase et d'excès. Je viens d'établir la matière du tome 3, à peine moins dangereuse." La dernière lettre de Jouve à G. Bounoure, du 8 janvier 1969 en réponse à la sienne, elle est ici reproduite en grande partie ; s'il fallait en garder une ce serait celle-ci, qui dépasse largement la correspondance pour entrer dans la grande littérature : "Mon bien cher ami, J'ai été bouleversé par votre longue confession douloureuse. La seule réponse est que j'avais deviné votre état chagrin, et que rien en moi n'en fut blessé ; tout ce que nous avons été l'un pour l'autre est intact, je vous assure ; le silence dont vous parlez a été cruellement senti par moi sans doute, mais sans le bouleversement d'abîme que vous avez connu. Rassurez donc votre cœur, comme je rassure le mien ; nos deux destinées sont sévères, je veux croire qu'elles sont aussi justes. Je suis heureux si mes poèmes, invoqués en sourd par vous, ont pu amener en vous. La parole originaire des régions les plus lointaines. Car, voyez-vous, cette parole me manque si souvent à moi-même ! Mon œuvre m'est si souvent une étrangère ! Un grand silence autour d'elle, le manque de tout mouvement, et encore "le moment primitif dangereux" qui vous attache à des êtres lointains et peut-être trompeurs - voilà la situation des jours - et en présence d'une société haïssable. Mais il semble, il semble qu'il faille poursuivre entièrement le chemin, sans tomber dans la colère, car la colère est pour moi le danger. Elle peut me jeter à terre, comme elle l'a fait en décembre, elle n'a réussi à faire que des contusions. Je raconte ce détail en passant, et pour que vous excusiez ma mauvaise écriture. Je vous en prie, restons unis dans notre amitié si longuement éprouvée. Il nous faut nous écrire, et peut-être nous revoir. Je vous embrasse fraternellement. Pierre Jean Jouve."
- G. BOUNOURE A P.J. JOUVE, 29 déc. 1968 : "Peut-être dans les moires dernières, qui font trembler la trace de notre spirale ("cette spirale immense du désespoir ") faut-il voir l'index de cette bermosura que devinait Jean de la Croix, de cette beauté qui accueillait al Hallaj, tandis qu'il marchait au supplice. Car il faut peut-être un supplice pour "devenir plus sûrs de lumière belle"… Rien ne dispense de partir "du moment primitif dangereux". Rien ne dispense du cruel cheminement à travers les déserts. Pour obtenir un jour, peut-être l'espoir du diadème. Le diadème d'une unité qui ne se laisse deviner que dans les larmes et la mort. Pardonnez-moi, mon cher ami, ce silence dont j'ai souffert cruellement, comme s'il me fallait passer encore par cette apparente négation, par ce supplément de supplice. Vous savez / La tentation / De retirer sa vie / Enfin… Voulez-vous faire agréer à Madame Pierre Jean Jouve mes hommages respectueux et mes vœux très chaleureux. Croyez à ma profonde fidélité, à mon affection très pieuse, à l'admiration que je vous ai vouée et qui me fait vivre. Bounoure".
- LETTRE DE P.J.J. A BR. BOUNOURE, 25 janv. 1970 : "Les lettres sont admirables. Aucun jugement, sur l'essentiel de mon ouvrage, ne pourra jamais être comparé à celui de G. Bounoure. Claude Pichois, qui est momentanément absent de Bâle, aura bientôt un ravissement double : celui de connaître les lettres, et celui d'avoir votre accord." Joints : Joint :
- G. BOUNOURE : MANUSCRIT de la critique de "Ténèbre", 1965. 8 ff. in-4 + tap.
- 16 LETTRES à P.J. JOUVE, brouillons 48 p. de 1934 à 1968.
- L'HERNE : PIERRE JEAN JOUVE. L'Herne, 1972. In-4 br. E. O. E.A.S. : "A Briec Bounoure dans la mémoire admirable de Gabriel Bounoure, Pierre Jean Jouve 1972".
BIBLIOGRAPHIE : les lettres de G.B à P.J.J ont été publiées dans le Cahier de l'Herne à lui consacré, 1972 ; celles de Jouve à Bounoure ont été publié dans le livre de G. Bounoure "Pierre Jean Jouve. Entre Abîmes et Sommets", Fata Morgana. 1989.

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