(dont 2 cartes postales, 3 textes impr. envoyés avec envois), 1947-1966, à Gabriel Bounoure, et 1 à Mme Bounoure. Formats divers, plusieurs enveloppes cons. On joint les 14 lettres de G. Bounoure (brouillons) à Char et 2 manuscrits et tapuscrits d'articles.
Importante correspondance plongeant au cœur de l'activité poétique et de l'amitié entre un poète et son critique, abordant notamment les thèmes de l'inspiration, de la condition de l'homme et des polémiques littéraires. Char est un "épistolier généreux et magnifique" (G. Bounoure, l. de 1958), ne cessant de répéter son attachement aux amis de la poésie.
- 14.10.1947. Remerciements à Bounoure pour sa critique ("J'ai été très sensible aux termes de votre approbation, à votre amitié poétique…") et considérations sur l'état d'écrivain ("l'envoutement d'écrire, de l'angoisse d'être vivant, du désir d'être accepté de quelques-uns et rejeté des autres…"). / - 4.2.1956. A propos d'un article de Bounoure à lui consacré, qui "m'a apporté cette joie (dont vous devez connaître la rareté parcimonieuse) de m'enlever d'une salle d'attente aux voyageurs généralement peu sympathiques (les colonnes de la revue) pour me déposer en plein Pays aimé, là où la parole est à l'échelle de l'esprit et du cœur, et les énigmes de la nature soulevée à propos…" / - S.d. A propos d'un rendez-vous manqué, d'un autre à prévoir. / - 15.7.1956. Ne souhaite pas rater Bounoure lors de son passage en France : "Vous connaître ? Je vous connais, je vous admire : vous reconnaître sera bienfaisant, merci." / - 18.7.1956. Aurait le plaisir de "confectionner un bon thé" pour le critique. / - Brouillon de L.A.S de G.B., 23.9.1956. Bonheur de pouvoir donner à Char "ce nom d'ami". "Ce que votre poésie contient de solaire et de vital […] devient plus agissant sur moi maintenant que j'y reconnais l'irradiation de votre centre personnel. Tout le long de ces vacances brumeuses, […] j'ai évoqué les minutes lumineuses de ce jour de pluie où nous trinquâmes avec des tasses de thé…". / - 28.9.1956. En réponse à la précédente : "je n'avais pas besoin […] de votre si bonne lettre pour demeurer avec vous, pour prolonger jusqu'à la fin des jours notre tête-à-tête […]. L'accord non-dit, immédiat, celui de l'antériorité de la Poésie qui se pousse jusqu'à la présence humaine et y dresse sa fleur, est le seul miracle…". / - Brouillon de l. de G. Bounoure, ca été 1957. A propos de La campagne dans le jardin : "Chez vous le détail renvoie à l'univers et l'univers au détail. Tout fragment parle pour toute immensité." / - 16.9.1957. Poétique demande d'une autre rencontre : "Vous êtes celui qui ôtez toute ombre à ma ligne d'horizon, qui faites de son imprécision parfois une fête secrète où les oiseaux s'arrêtent et prêtent leurs ailes. Dans ma pensée toujours vous donnez la main au poème même. La gratitude est bonne, douce à vivre et à dire…" / - Brouillon de l. de G. Bounoure, s.d. [1957 ?], à propos de la Bibliothèque en feu (?). / - S.d. [1958]. A reçu le "Marelles sur le Parvis" de Bounoure de la part de Jabès, et lui envoie le "Lascaux" de Blanchot paru chez GLM : "Le voici. Je l'enveloppe de mon attachement profond pour vous". / - Brouillon de l. de G. Bounoure, s.d. [1958 ?]. "Les papiers qui me parviennent de vous ont toujours je ne sais quoi de fraternel, de fulgurant et de pacifique". Lit l'hommage à Blanchot : "Souvent cet homme admirable nous a laissés incertains, anxieux de savoir si l'œuvre et le désœuvrement ne devenaient pas équivalent dans le mal…" / - 6.3.1958. A propos d'une critique de G.B. dans la NRF : "S'il faut allonger loin devant soi le bras pour vous atteindre, du moins l'altitude hautaine et familière et frémissante de votre pensée nous enveloppe, nous baigne dans son volume d'azur. Quelle joie de vous lire dans la NNRF de mars !". / - Brouillon de G. Bounoure, s.d. [1958 ?], à propos de l'amitié ("Vous avez une façon de correspondre avec vos amis qui les laisse interdits dans l'excès de leur reconnaissance. Epistolier généreux et magnifique, vous poussez la porte, vous entrez aves des merveilles plein les mains…") et de la polémique sur Schehadé, dont il défend l'innocence. / - 15.3.1958. Longue missive littéraire à propos du piètre jugement qu'il porte sur le théâtre de Schehadé. S'excusant de sa franchise ("je n'ai pas su la voiler, l'éteindre un peu"), Char explique ("vous êtes un admirateur de Schehadé, je vous dois des éclaircissements de ma conduite") les raisons de son jugement : "ce théâtre m'est apparu comme le factice même. Cette innocence dont vous parlez m'en a semblé complètement absente. La personne de Sch[ehadé], cette espèce de putanat qu'il a instauré autour de lui, son côté faux Baptiste, cet art d'utiliser, de mobiliser tout le monde - les pires et les meilleurs - de se servir au maximum de chacun au moment le plus favorable et ensuite quand il a fini de servir, de traiter ce chacun comme une épluchure tout à fait négligeable, oui ce comportement m'a fâché et éloigné de lui". Et contre les attaques dans la presse dont il est l'objet : "Heureusement cela émane de gens et de journaux qui ne sont pas qualifiés pour enseigner le code de l'honneur et les beautés de la poésie ! J'ai mis le pied dans un nœud de vipères inextinguibles…" Une des plus belles lettres de Char de cette correspondance. / - Brouillon de l. de G.B., réponse à l. du 15.3.1958. : "Je crois comme vous que Schehadé a eu tort de délaisser la poésie pour le théâtre", mais même les poètes sont sensibles aux honneurs (Apollinaire et Jacob), etc. / - 9.5.1958. La "laideur des attaques" dont il fut l'objet l'a obligé à un détestable travail. / - S.d. [1958?]. A propos d'Etiemble, avec lequel il eût une vive polémique (à cause de la publication des œuvres de Rimbaud, en 1957-1958) : "La polémique avec Etiemble ne me laisse que du dégoût ; je regrette déjà d'avoir répondu à ce cuistre doublé d'un dément… Le temps consacré à cela me crie des reproches de son tombeau !". Heureusement l'amitié de Bounoure "m'a sauvé du marais. J'ai été tous ces jours dans cet état du pire greffé sur cet état du moindre que provoque la séparation d'avec la poésie […]. Vous êtes venu hier matin comme le printemps fleurit de mousse un caillou retiré du ruisseau…". Joint : Poème a.s. de 1947 retrouvé par Char. / - 22.5.1958. La lecture du "Marelles" illumine le jardin de Char. Heureux que Bounoure s'en aille vivre au Maroc : "cette partie de la mer est plus facile à franchir". / - 3.2.1960. Sur la mort d'Albert Camus (le mois précédent). La "bienfaisante douceur" de la main amie de G.B. console son chagrin : "J'ai vu mourir quelques êtres que j'affectionnais, dont je chérissais les gestes humains, depuis l'âge où il m'apparût que les frères sont rares et mortels, non pas ces frères donnés par le coup du hasard, du plaisir ou de l'humeur, choses d'une mère bénévole, mais ceux que nous choisissons et retenons de notre plein gré, qui nous montrerons le point du jour quand nous en nierons le retour. Merci." / - 12.12.1962. A propos de la mort de Louis Massignon : "Je n'ai jamais oublié avec quelle lumière ce nom apparût entre nous. Quel filtre de vérité est le cœur !" / - Brouillon de l. de G.B., 31.12.1962. Remercie Char pour l'envoi du livre de Massignon. / - Mai 1963, invitation impr. à l'exposition Char/Braque à la Bibliothèque Doucet, avec mot a.s. / - Brouillon de l. de G. Bounoure, 1963. Sur l'amitié et la poésie : "Deux petits poèmes, pas plus grands qu'une goutte de rosée, vous suffisent pour ouvrir les voies dans notre abîme. Dix mots de vous, pas un de plus, et l'on peut vous suivre à travers toutes les saisons de l'homme…" Vient d'envoyer son article "Céreste et la Sorgue" (publié été 1963). / - Brouillon de l. de G. Bounoure, 12.10.1963. "Rentrant au Maroc, ces derniers jours, j'ai trouvé, qui m'attendait, ce signe merveilleux de votre amitié [un livre envoyé], qui m'attendait en silence sous les palmiers de mon jardin, avec son visage de mystère et de parole", puis commentaires sur le recueil. / - 27.10.1963. A propos de l'amitié : "Le regard d'un ami cher et admiré, le voyage de toutes les minutes avec lui, quand notre vie égare la poésie et la cherche en vain en terre ancienne, ce regard il suffit d'en sentir sur soi la présence et le baume pour que le sentier où nous marchons, à ses abruptes tournants, nous ouvre ses silex, qui sont bien des étoiles pour le plein jour et pour la longue nuit, des étoiles, oui, des paroles prestigieuses. Ainsi en est-il de vous pour moi.". / - 10.12.1965. A propos du triste retour de Bounoure en France : "L'existence serait effrayante si notre impuissance ne se muait parfois en illusion, une illusion en mouvement devenant réalité par sa ténacité active. Ainsi agissaient les potiers de l'Orient, autrefois ; un plein s'insérait entre deux vides…". / - 28.2.1966. Texte "La Provence point Oméga", 1 p. in-4 impr., datée fév. 1966, annotation a.s. / - 18.4.1966. "Voici pour faire le point et montrer le poing". Joint : "Fusées en Provence", daté avril 1966. 1 p. A4 impr. r/v. / - 29.4.1966. A Mme Bounoure : "Je suis très sensible à votre geste, aux paroles qui l'accompagnent…" / - 29.6.1966. Pétition "Protestation contre l'implantation d'une base de lancement de fusées atomiques en Haute-Provence, 2e liste de signataire", 3 p. in-4 impr. r/v, avec envoi a.s. / - Brouillon de l. de G. Bounoure, 27.8.1967. Elogieuse et longue lettre sur la poésie de Char (suite à la parution des "Trois coups sous les arbres" ?) : "Quel plaisir, incertain entre souffrance et exaltation, de retrouver sous un habit neuf tel de ces poèmes dont je m'enchantais en ces contrées fabuleuses. Aujourd'hui je les relis avec plus d'avidité encore, y trouvant sa signification démultipliée…" / - 4 brouillons de l. non datées de Bounoure / Joints :
- G. BOUNOURE, MANUSCRITS ET EPREUVE de deux de ses articles sur R. Char : / - "Base et sommet de la poésie de Char", 12 p. ms., 2 tapuscrits. / - "Céreste et la Sorgue", 11 p. ms, et 2 tapuscrits (publié dans L'Arc, été 1963, n° 22, p. 25-32).